L'Observateur du Maroc : Vous avez fait le buzz dernièrement avec vos collages un peu décalés. Comment vous est venue l'idée du « GB Art & Photography »? GHITA BELAMLIH : Lors de mes premières années d'études en architecture, j'ai eu l'occasion d'expérimenter la technique du collage papier, mais aussi la chance de manipuler la composition d'image 3D. Au début, cela m'amusait et c'est en alliant l'amour de ma culture et ma créativité que l'idée de ces collages m'est venue. On qualifie votre travail de pop art oriental, qu'en pensez-vous ? J'ai toujours été attirée par les oeuvres Pop Art d'artistes comme Andy Warhol et Roy Lichtenstein. Assimiler mon travail à un courant aussi incroyable que celui du Pop Art est plus que gratifiant pour moi. Qu'est ce qui vous inspire ? Un rien m'inspire. J'ai toujours été attirée par tous les domaines qui touchent à la créativité, que ce soit l'art, l'architecture, la photographie, le cinéma. Mais pas seulement. La « fausse » banalité du quotidien est peut être la plus inspirante quand on sait y voir ce que tout le monde ne voit pas forcément ou du moins n'y accorde pas d'importance. Vous fusionnez le traditionnel et le moderne, l'Orient et l'Occident, le chic et le kitch. Que recherchez-vous en faisant cela ? Je cherche à créer des ponts entre les différentes cultures et univers car l'échange c'est l'enrichissement mutuel. Oum Kalthoum en baskets ? Beyoncé en femme berbère ? Pharrell Williams en Djellaba ? Nelson Mandela portant la Chachiya ? Quel est votre objectif ? Mon travail les rapproche de notre époque, les désacralise pour les aînés et les dépoussière pour les plus jeunes, mais pas seulement. Il y a certes cette envie d'ancrer ces personnages dans le contexte actuel mais aussi surtout de rester dans cette idée de pop art exubérant, ce brassage culturel, qui met avant tout en valeur la culture orientale. Vous parlez même de « printemps culturel » ? Oui, il n'y a jamais eu un tel engouement pour l'art ou du moins affiché. Il n'y a qu'à voir la quantité de jeunes arabes talentueux qui sortent de l'ombre et s'expriment artistiquement sur tous les supports et par tous les moyens. Les webzines spécialisés sur l'Orient sont de plus en plus nombreux et on ne peut s'empêcher de qualifier ce phénomène de « printemps culturel » par son ampleur et sa contagiosité. Qu'est ce qui vous révolte ? Ce qui me révolte, ce sont les gens qui dénigrent leur pays et/ou ne réalisent pas à quel point leur culture est riche et extraordinaire et qu'il faut en être fier au lieu d'aller toujours regarder vers nos voisins européens. Nous sommes capables de faire des choses merveilleuses en partant de nos racines, et en les adaptant à la vie moderne. On a l'impression que pour vous, l'art est un jeu. Cette touche d'humour n'est-elle pas parfois provocatrice ? L'humour occupe une place centrale dans mon travail. On peut appeler ça un jeu, car je joue avec les codes culturels et les icônes en les inversant, les mélangeant. L'humour naît de ce brassage inattendu et confus de toutes ces données visuelles. Provocatrice oui, mais pas dans le mauvais sens, j'espère plutôt provoquer l'énorme sourire du public. Etes-vous consciente que vous réinterprétez les codes de la culture marocaine, arabe et berbère? Evidemment que oui. Cette réinterprétation est d'ailleurs le fil conducteur entre tous mes collages. De nos jours, le monde arabomusulman est perçu de manière négative, comme une civilisation arriérée et minée par le spectre de l'obscurantisme, et pour moi, parer des icônes de symboles orientaux et vice-versa est un appel à la tolérance et à l'acceptation des différentes cultures. Une façon de montrer un Orient rayonnant doté d'une richesse culturelle incroyable. Est-ce qu'il y a des artistes en particulier qui vous inspirent? Je suis sensible à des artistes étrangers comme Andy Warhol, Mr Brainwash, Pablo Picasso, Basquiat et tant d'autres. Côté marocain, j'admire particulièrement le travail de la grande Châaibia Tallal, Mahi Binebine et Jilali Gharbaoui et la liste est encore longue ! Que pensez-vous de la situation de l'art au Maroc ? Je suis encore jeune pour avoir suffisamment de recul sur la situation de l'art dans notre pays. Mais je pense que les choses bougent pas mal actuellement, mais cela reste réservé aux élites et à aux cercles d'initiés à l'art. Le Maroc a besoin d'espaces culturels, musées et galeries accessibles à tous pour que tout le monde puisse s'imprégner de l'art. Avez-vous des projets d'expositions au Maroc ? J'espère vous annoncer très bientôt une expo pour la fin de l'été, je prends mon temps afin de trouver l'endroit idéal ! ❚