La campagne de David Cameron pour constituer une minorité de blocage contre l'élection de Jean- Claude Juncker à la présidence de la commission européenne est confrontée à son plus grand défi : l'Allemagne soutient fortement l'élection de Juncker et fait pression pour contourner l'objection britannique. En effet, Angela Merkel, la chancelière allemande, a indiqué aux dirigeants européens qu'elle craint une lutte prolongée sur la candidature de celui-ci à la présidence de la Commission européenne et « souhaite qu'on avance très rapidement dans la nomination de M. Juncker », selon un rapport diplomatique obtenu par le quotidien britannique FT. L'approche de Merkel a déclenché l'alarme en Grande-Bretagne et ne laisse qu'une dizaine de jours à Cameron avant le sommet européen prévu au cours de la semaine pour mobiliser une alliance anti-Juncker, dont la nomination serait un sérieux revers pour le Premier ministre britannique. M. Cameron espère que les dirigeants de l'UE dont notamment Matteo Renzi de l'Italie, Mark Rutte des Pays-Bas, Fredrik Reinfeldt de la Suède, et Viktor Orbán de la Hongrie lui viennent en aide, mais ses conseillers estiment que cela serait difficile. Le Premier ministre britannique a même brandit la menace en avertissant que la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne pourrait se précipiter en cas de nomination de l'ancien premier ministre Luxembourgeois. Ce qui a poussé Mme Merkel à le réprimander la semaine dernière pour ses menaces. La position de Mme Merkel se durcit davantage selon le résumé de ses opinions compilées par un diplomate européen, après sa rencontre avec les responsables de l'UE chargés de négocier un accord. « La chancelière l'a très clairement articulé lors de la première réunion: elle subit une pression interne qui risque de devenir dommageable pour elle-même et pour l'Europe», constate le document. « Selon Mme Merkel, plus le débat se poursuit, plus il devient toxique, pas moins dans les tabloïds britanniques ». Et le document d'ajouter qu'elle aimerait que la question soit réglée lors du prochain sommet de l'UE. Les détails du document ont été rapportés par le quotidien néerlandais De Volkskrant. Mais le porte-parole de Mme Merkel s'est abstenu de tout commentaire sur la question. Les officiels britanniques et européens se sont longtemps inquiétés que le processus de sélection en cours – qui a dilué le rôle des dirigeants nationaux et renforcé le pouvoir des partis pan-européens et le Parlement européen – puisse mettre fin au processus consensuel dans la sélection des hauts postes européens. Tony Blair et John Major ont pu bloquer des candidats préférés par la France et l'Allemagne. L'échec de M. Cameron à faire pareil – surtout s'il est mis en minorité dans les règles du vote à la majorité pondérée de l'UE – serait un événement sans précédent. Les diplomates impliqués dans les délibérations ont averti que Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen qui est à la tête des négociations, n'est pas au bout des pourparlers avec les 28 premiers ministres de l'UE et affirme que le point de vue de Mme Merkel pourrait encore changer. Quant aux officiels britanniques, ils ont souligné que les pourparlers se poursuivaient. Mais selon d'autres sources qui ont récemment rencontré M. Van Rompuy, il n'est pas prévu d'envisager un candidat autre que Juncker ❚