Fatima, 65 ans, narrive plus à monter les escaliers, à se laver ou shabiller sans laide de sa fille. Pour Houria, 48 ans, qui se réveille parfois avec les articulations raides et enflées, le simple fait de préparer son petit-déjeuner est un calvaire. Latifa, 55 ans, est souvent tirée quant à elle de son sommeil nocturne par datroces douleurs aux genoux et aux poignets. Ikhlas, 42 ans, veuve, a perdu son emploi de couturière du fait de sa maladie et, partant, a dû déscolariser ses deux enfants... Alors que le Maroc sapprête à célébrer, le 22 janvier 2009, la «Journée nationale de la polyarthrite rhumatoïde», le constat, tragique et alarmant, demeure inchangé. Aucune avancée perceptible na été en effet réalisée dans la prise en charge de cette affection chronique et invalidante qui touche de 0,25 à 1% des Marocains (soit 87.000 à 350.000 personnes), dont une majorité de femmes au-delà de 40 ans. Mais lAssociation marocaine de lutte contre la polyarthrite rhumatoïde (AMP), qui fête cette année son troisième anniversaire, refuse dabandonner le combat contre ce quelle considère comme un réel problème de santé publique. A loccasion de la troisième édition de lévènement précité, lAMP compte sinvestir davantage dans la sensibilisation des patients et des professionnels de santé sur les spécificités de cette maladie articulaire et ses multiples complications en labsence dun diagnostic précoce et dune prise en charge adéquate. Et pour faire entendre autant que faire se peut la voix des patientes, deux fois plus nombreuses à souffrir de polyarthrite que les hommes, lONG tape fort cette année. Parallèlement aux médias classiques (presse écrite, radio, télévision), lAMP a en effet choisi de recourir cette année à lInternet, et notamment aux sites web les plus en vogue, à savoir le site de partage vidéo de Google, Youtube (350 millions de visites annuelles) et le site de réseautage social Facebook, le second site le plus visité au monde, fort de 350 millions de membres à ce jour. «Cette campagne vise à faire prendre conscience de lurgence dinstaurer une prise en charge totale et préalable de la polyarthrite rhumatoïde par la CNSS dans lattente de la généralisation de la couverture médicale à lensemble de la population, à linstar des autres affections de longue durée que cet organisme vient dexonérer entièrement», explique-t-on au sein de lAMP. Pour cela, cette dernière publie sur les deux sites précités des témoignages de patientes qui souffrent de cette maladie handicapante et silencieuse. Et les chiffres, effarants, parlent deux-mêmes : cette affection diminue lespérance de vie des patientes de 5 à 10 ans, ruine leur vie de famille (10% de cas de divorces sont liés à la polyarthrite rhumatoïde), les contraint à arrêter leur vie professionnelle (50% des malades) et à déscolariser leurs enfants faute de prise en charge effective par la CNSS «En effet, 30% des frais des soins restent à la charge du malade, soit plus de 10 fois le SMIG marocain. Le malade se retrouve alors dans lincapacité de se traiter convenablement», déplore-t-on au sein de lAMP. Dautres statistiques éloquentes éclairent sur la situation de cette maladie au Maroc. Il apparaît ainsi, dans le dernier sondage réalisé par lAMP auprès de 250 praticiens exerçant dans les régions de Casablanca, Rabat, Fès et Marrakech, que 240.000 patients sont diagnostiqués chaque année, dont 30% chez des généralistes, 59% chez des rhumatologues et 11% chez dautres médecins spécialistes. Concernant le volet thérapeutique, létude montre que la majorité des patients (74.800 cas) ne bénéficie que dun traitement palliatif. Les traitements de fond préconisés pour arrêter lévolution dramatique de la polyarthrite rhumatoïde ne sont en outre dusage que très rarement (53.700 cas). Pourtant, malgré son caractère incurable, le patient peut parfaitement vivre avec sa polyarthrite, sil est pris en charge précocement et sil suit un traitement de fond. Il peut également poursuivre son activité professionnelle tout en aménageant ses horaires, notamment en cas de poussées. Une situation qui pousse les militants associatifs, patients, praticiens et familles de malades, à réitérer sans cesse leur appel aux instances concernées afin quelles permettent aux Marocains polyarthritiques daccéder à des soins de qualité. Las de promesses qui tardent à se concrétiser, des milliers de malades, qui ont pourtant cotisé durant de longues années à la sécurité sociale, continuent en attendant à souffrir en silence, dans leur corps comme dans leur âme. Terrassés par la douleur physique, abattus psychologiquement et appauvris par un traitement onéreux. Leur SOS sera-t-il enfin entendu ?