L'Observateur du Maroc et d'Afrique: Quels sont les enjeux majeurs du premier congrès de l'union africaine des organisations de transport et de logistique, auquel vous assistez à Tanger ? Amara Kallon: L'année 2018 a marqué un tournant décisif pour le secteur africain des transports et de la logistique. Elle a vu la création de l'union africaine des organisations de transport et de logistique, une entité continentale stratégique dédiée à la promotion et à la coordination des initiatives dans ces domaines, du nord au sud du continent. Grâce à un plan stratégique ambitieux, cette union vise à bâtir un continent prospère, pacifique et développé, en parfaite harmonie avec les objectifs d'intégration régionale et de croissance durable. Aujourd'hui, à l'occasion du premier congrès de cette structure, nos discussions s'inscrivent dans une phase cruciale pour l'Afrique. Les dynamiques mondiales, les progrès technologiques et les impératifs de durabilité représentent à la fois des défis à relever et des opportunités à saisir pour transformer notre continent. L'Afrique est un continent doté d'un potentiel immense. Avec une population qui devrait dépasser les 2,5 milliards d'ici 2050, nos économies sont en voie d'expansion rapide, créant ainsi un marché vaste, jeune et dynamique. Cependant, pour que l'Afrique puisse véritablement exploiter ce potentiel, il est impératif que nous nous concentrions sur l'efficacité et la durabilité de nos chaînes d'approvisionnement. Celles-ci constitueront la base de la prochaine phase de notre industrialisation et de notre développement. Quels sont les principaux obstacles entravant le développement du secteur du transport et de la logistique en Afrique, et comment cela freine-il le commerce régional ? La chaîne d'approvisionnement dans le secteur du transport représente un défi majeur pour l'Afrique, notamment en raison des restrictions aux frontières et des formalités de visa. Il faut dire que les infrastructures logistiques africaines sont historiquement en retard par rapport aux standards mondiaux, en raison d'un sous-investissement chronique, de cadres politiques inadéquats et de la diversité géographique considérable de notre continent. Nous sommes confrontés au défi d'infrastructures fragmentées : nos réseaux routiers, ferroviaires et portuaires fonctionnent souvent en silos, déconnectés des chaînes d'approvisionnement continentales plus larges. Cette absence d'intégration crée des goulots d'étranglement qui augmentent le coût des marchandises et freinent le commerce régional. De plus, le développement de nos infrastructures ferroviaires, routières et portuaires est encore insuffisant, engendrant de nombreux blocages. Dans ce contexte, la création de l'UAOTL revêt une importance cruciale, alors que la Zone de libre-échange continentale africaine explore des moyens de mobiliser nos biens et services tout en assurant leur circulation d'une nation à l'autre sur le continent, sans tenir compte des frontières. Cette union nous donne l'assurance que nous pourrons surmonter ces obstacles. L'intégration régionale reste un enjeu fondamental. Avec la CEDEAO, la SADC et d'autres blocs régionaux, il est essentiel de réfléchir à la manière de tirer parti de ces structures pour faciliter l'ouverture des frontières et permettre le libre mouvement des biens et des services. Comment, selon vous, l'Afrique peut-elle surmonter ces défis notamment celui lié à l'intégration régionale ? Pour réaliser la transformation structurelle de l'Afrique, il est impératif d'adopter un modèle de chaîne d'approvisionnement intégré et durable, qui améliore la connectivité tout en minimisant notre empreinte environnementale. Les défis à relever sont multiples. En premier lieu, le développement des infrastructures est essentiel. Ensuite, il est crucial de renforcer l'intégration et la coopération régionales, tout en plaçant la durabilité au cœur de toutes nos actions. De plus, l'adoption de la digitalisation et des nouvelles technologies est un aspect fondamental de cette transformation. Ces innovations doivent être pleinement intégrées dans nos stratégies de développement. Le développement des compétences et le renforcement des capacités sont également primordiaux. Il est important de souligner que 62 % de la population africaine est composée de jeunes. La question ne devrait donc pas être : « Quels sont les effets négatifs de la technologie ? », mais plutôt : « Comment pouvons-nous tirer parti de la technologie pour doter nos jeunes des compétences nécessaires à la transformation que nous souhaitons ? ». Un autre élément fondamental de notre réussite est le rôle du partenariat public-privé, qui est, à mon avis, essentiel et qui justifie notre rassemblement ici aujourd'hui. Quelle est votre vision sur l'importance des partenariats public-privé dans le développement du secteur du transport et de la logistique en Afrique ? Nous devons envisager l'établissement de partenariats public-privé, tout en clarifiant le rôle que doit jouer chacun. Il est impératif que les responsables politiques développent des cadres législatifs et un environnement réglementaire adaptés et mettent en place des politiques favorables pour renforcer l'efficacité des institutions logistiques, facilitant ainsi le transport des biens. Le secteur privé joue également un rôle crucial ; il doit mobiliser les ressources et collaborer avec les banques ainsi que les institutions logistiques. Aucun secteur, à lui seul, ne peut réaliser cette transformation. Les gouvernements, les organisations internationales et le secteur privé doivent œuvrer de concert. Les investissements privés seront essentiels pour financer des projets d'infrastructures à grande échelle. De plus, le partenariat public-privé contribuera à combler le déficit de financement et à garantir l'exécution rapide de projets alignés sur les objectifs de développement à long terme du continent. Qu'en est-il du développement du commerce inter-africain ? Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de recourir aux avions pour voyager. En rénovant nos routes, nous pourrions établir des liaisons directes entre la Sierra Leone et le Maroc, tout en ouvrant la voie à des échanges qui pourraient s'étendre jusqu'à l'Australie. Pour assurer la circulation efficace des biens et des services, il est impératif que cette dynamique devienne le socle de l'avenir de l'Afrique. Nous devons agir pour ouvrir nos frontières. La restriction de visa constitue un obstacle majeur. Il est également essentiel de capitaliser sur notre développement dans les domaines de la logistique, de la mobilité et des systèmes de transport. Cela permettra d'ouvrir de véritables corridors pour l'Afrique. Quel regard portez-vous sur le développement du secteur des transports au Maroc en particulier en termes d'infrastructures ? Au cours des cinq derniers jours, j'ai été particulièrement impressionné par la transformation remarquable du secteur des transports au Maroc. À Casablanca, j'ai eu l'opportunité d'observer des bus équipés de Wi-Fi, offrant aux passagers une expérience de transport moderne et connectée. J'ai également découvert le train à grande vitesse, un élément clé de l'infrastructure qui révolutionne la mobilité dans le pays. Cette évolution illustre la capacité du Maroc à assurer un déplacement efficace et fluide. J'ai constaté l'ampleur des infrastructures routières, qui montrent l'importance de disposer de routes adéquates pour permettre la circulation des services. Aujourd'hui, le Maroc se positionne en leader en matière de logistique et de mobilité, facilitant le transport des biens et des services à travers tout le continent africain. Il est également notable que le réseau routier marocain s'étend sur plus de 1 700 kilomètres, reliant le pays à la Mauritanie, à la Côte d'Ivoire, au Mali, et jusqu'à ma propre terre, la Sierra Leone. Cette interconnexion représente une opportunité considérable pour renforcer les échanges et le commerce intra-africain.