Comment repenser la migration au Maroc ? Comment la migration peut-elle constituer un phénomène positif, et quel rôle peuvent jouer les médias pour déconstruire les stéréotypes et intégrer les migrants subsahariens dans la société ? Des questions auxquelles les différents intervenants de cette rencontre ont tenté d'amener des éléments de réponse. Pour Naoufal Abboud, directeur de SFCG – une ONG (présente depuis 2001 au Maroc) spécialisée dans la prévention et la transformation de conflits et des stéréotypes à l'encontre de l'autre – la migration et les stéréotypes qui s'y rattachent sont une question internationale, et à cet effet, les médias et les jeunes migrants, peuvent dans un sens de dialogue mutuel et constructif, déconstruire ensemble ces stéréotypes.Abboud évoque ainsi le rôle des médias comme vecteur transformateur des stéréotypes négatifs car pour favoriser l'intégration des migrants, nous ditil, il faut réduire les préjugés, la peur et la méfiance de l'autre, promouvoir une culture de respect et de dialogue mutuel qui passe aussi par la transformation de la narration faite par les médias.L'organisation qui oeuvre pour que la diversité et la migration soient perçues comme des phénomènes positifs collabore ainsi avec des journalistes et milite pour des récits plus objectifs et respectueux des migrants. Pour sa part, Anna Hardy, chargée de programme à IOM (Organisation Internationale pour les Migrants), a salué la nouvelle politique de l'immigration du Maroc (septembre 2013), qui consiste à favoriser une politique compréhensive en adoptant une approche plus humaniste à l'égard des migrants. La représentante de l'IOM a rappelé l'importance de sensibiliser l'ensemble des médias à la thématique de la migration en général, des défis et des opportunités, car, souvent, les médias jouent un rôle dans la création des clichés et préjugés. Cela dit, nous apprend-t-elle, le fait que l'immigration soit médiatisée est déjà une chose positive en soi. Pour sa part, Lionel Nzamba, chargé de projet à Echos communication (ONG belge spécialisée dans le développement sociétal) rappelle que ce sont les ONG, la société civile et les médias qui éduquent les populations, et dans ce sens, pour réussir le combat des idées, seules l'éducation et la formation peuvent changer le regard et faire reculer les préjugés, nous précise t-il. Il rappelle également que même si les médias sont responsables de la diffusion d'un modèle ou d'un cliché, les marocains ne sont pas racistes, mais souvent, ils tombent dans le piège de la généralisation. À l'instar de l'éducation et de la formation, Intissar Rachdi, coordinatrice du projet national, à MDI (Media Diversity Institute) insiste sur l'engagement et la sensibilisation des médias de sorte à ce qu'ils influencent positivement l'opinion publique. Il y a encore beaucoup d'efforts à faire, nous dit-elle, les textes journalistiques contiennent toujours des erreurs de terminologie, de formulation et d'incitation à la haine ou à la méfiance contre la population subsaharienne migrante au Maroc. Pour elle, il est clair que les médias qui influencent les jeunes doivent être crédibles, et pour cela, ils ne doivent pas parler de cette communauté juste en termes de crimes ou de problèmes socioéconomiques, il faut aussi, nous confie-t-elle, donner la parole aux gens qui ont réussi et qui se sont bien intégrés dans la société marocaine. Le journaliste Salaheddine Lemaizi, prône quant à lui, une analyse équilibrée de l'immigration et rappelle qu'à l'instar des médias, il est nécessaire de responsabiliser l'école, l'Etat, les associations et les partis politiques. Il estime cependant que le traitement médiatique de la migration subsaharienne au Maroc a évolué positivement depuis une dizaine d'années et ce, malgré quelques dérives (sensationnalisme, exploitation de la peur, généralisation,...). La sensibilisation du public pourra, selon lui, se faire également via les radios ou les réseaux sociaux très appréciés par les jeunes populations. Mais elle ne pourra être efficace que si l'on règle la problématique de la déontologie qui porte préjudice à la profession, conclut le journaliste Hassan Bentaleb (Libération) ❚