Allons-nous vers une pénurie totale du lait sur le marché ? «Si le ciel n'est pas clément cette année, la situation va être très compliqué», lance d'emblée l'enseignant chercheur à l'institut agronomique et vétérinaire (IAV) et spécialiste de la filière laitière, Mohamed Tahar Srairi. En effet, tous les indicateurs de l'activité sont en berne. On note une baisse drastique de la quantité du lait collecté de l'ordre de 30% voire 40% dans certaines régions comme Doukkala. Pour Srairi, « cette pénurie est liée essentiellement à la cherté des prix de tous les intrants nécessaires à la production laitière et au manque d'eau ». C'est un fait. Si le lait est en déclin, c'est aussi en raison de la problématique de la rareté de l'eau. Et les chiffres attestent. «Pour produire un litre de lait, il faut 1.500 litres d'eau. Et pour produire un kilogramme de viande bovine, 15.000 litres d'eau sont nécessaires », explique Srairi. Autre facteur aggravant : la baisse importante du nombre d'éleveurs, comme le rapporte le spécialiste de la filière. Cette baisse s'explique surtout par la réduction significative de la rentabilité, et cela depuis plusieurs années. «Nous avons tiré la sonnette d'alarme en 2014. Les producteurs tournaient déjà à perte. Aujourd'hui, la situation devient insoutenable. Même les grand élevages laitiers ne sont plus rentables », assure Srairi précisant qu'actuellement, le prix de reviens dépasse les 4,5 DH le litre. Le même expert ajoute que cela a poussé de grands éleveurs à jeter l'éponge ces derniers mois. Et qu'en est-il du lait en poudre ? «Cette solution était jusque là à titre palliatif. Mais elle n'est plus possible dans le contexte actuel, vu que ce produit est devenu très cher sur le marché international », souligne l'expert. Le lait coûte plus cher Les producteurs n'en pouvaient plus. D'où la décision d'augmenter les prix du lait et tous les produits dérivés cette semaine. «Cette augmentation des prix est justifiée. Outre la cherté des prix des aliments de bétail impactant les éleveurs, il y a aussi la flambée des prix des emballages, du coût de l'énergie, du transport..dont souffre le transformateur. Finalement, la situation est difficile pour toute la chaine de valeur. Mais à la fin c'est le consommateur qui paie le prix fort malheureusement », déplore Srairi alertant que «Cela pourrait encourager encore plus le recours à l'informel ». Pour sauver la filière, le gouvernement avait annoncé début octobre, la mise en place d'un programme de soutien au profit de l'ensemble de la chaine de valeur. L'objectif est de contrôler le processus de production de cette denrée, jugée stratégique. Une réunion avec les professionnels a été tenue lundi dernier au sein du ministère de l'agriculture. Mais pour le moment, rien de concret. En attendant, Sarairi propose d'augmenter d'abord la productivité à travers l'encadrement des petits éleveurs, d'autant plus que près de 80% des éleveurs ont une moyenne de 5 vaches. « Il faut s'intéresser à cette catégorie, responsable de l'approvisionnement du marché », insiste-t-il. Aussi, l'expert appelle à la mise en valeur de l'eau dans les années favorables, à encourager le rendement laitier par vache tout en augmentant la productivité du cheptel. En gros, «cette crise devrait remettre à plat toute notre politique agricole et d'élevage. Nous sommes obligés de changer notre logiciel de pensée pour toutes les productions agricoles et surtout ceux vitales, comme le lait, la viande rouge ...