Près de 10.300 hectares de forêts ont été ravagés par des incendies depuis le 10 juillet dernier. Larache, Tétouan, Ouezzane, Chefchaouen, Taza ou encore Tanger...plusieurs régions du Maroc sot concernées par des grandes incendies des forêts d'une intensité exceptionnelle. Le bilan est tragique. Le pays déplore un mort, des dizaines de blessés, des centaines, voire des milliers de sans abri...sans parler des hectares de forêts et de terres arables partis en fumée. Les équipes d'intervention sont à pied d'œuvre pour stopper l'hémorragie et éviter que la situation ne dégénère encore plus. Une situation dont le coût socio-économique et celui écologique sont lourds. Pour maitriser les feux de forêts, le ministre de l'agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, Mohamed Sadiki, a indiqué qu'ils sont au total 4.200 éléments des eaux et forêts, de la protection civile, des forces armées Royales, de la gendarmerie Royale, des forces auxiliaires et des autorités locales, des agents de la promotion nationale ainsi que des volontaires, appuyés par des camions de pompiers, des citernes à eau, des véhicules d'intervention rapide, des ambulances, des engins et des bulldozers qui ont contribué à circonscrire les incendies. Sadiki a également évoqué l'intervention de cinq avions canadair relevant des Forces Royales Air, de huit avions « Turbo-Trash » et d'hélicoptères appartenant à la Gendarmerie Royale, ajoutant que des « drones » appartenant à l'Agence Nationale des Eaux et Forêts ont été utilisés pour la première fois afin de surveiller les foyers d'incendie et fixer les priorités des interventions aériennes et terrestres après examen et analyse des images infrarouges. « La perte économique va se calculer à la fois en nombre d'arbres détruits, mais aussi en termes d'impact touristique, de pertes d'emplois, de bétail, de récoltes et des coûts nécessaires pour la maitrise des feux et le reboisement sans parler du coût de relogement des habitants sinistrés et de celui lié à l'approvisionnement en matières premières pour certaines activités », analyse El Hiri Pourquoi c'est si grave ? L'économiste Abderrazak El Hiri, note que les forêts couvrent une superficie de 9 millions d'hectares soit plus de 12,5% de la superficie totale du Royaume. Les incendies qui ont pris d'assaut plusieurs habitations et plantations dans plusieurs régions cette année, se caractérisent, selon l'expert par leur précocité et leur intensité. «Les incendies sont constatées généralement à partir du mois d'Août. Cette année, elles sont précoces avec une ampleur trois fois plus que la moyenne annuelle enregistrée durant la dernière décennie », analyse -t-il. L'expert en environnement et climat, Said Kerouk renvoie cela au réchauffement climatique. «Lorsque les conditions de sécheresse sont à leur maximum, un incendie peut se déclarer facilement. Il y a trois facteurs qui entrent en jeu: le combustible,la météo et le terrain. Les combustibles peuvent inclure tout, les arbres, les plantes, les feuilles sèches, les branches mortes...ces éléments s'enflamment plus rapidement. Ensuite, la sécheresse entraine une condition très favorable aux incendies de forêts et les vents aidant à les faire avancer. La nature du terrain ou la topographie est un autre facteur déterminant », explique le climatologue notant que les effets de ces incendies sont dévastateurs sur plusieurs volets. «Un incendie de forêt a des impacts sur la forêt elle-même et tout ce qu'elle englobe, faune et flore. Les cycles naturels des forêts sont alors perturbés et certaines espèces indigènes disparaissent, tandis que les plantes envahissantes prolifèrent. De grandes pertes de patrimoine et de ressources sont enregistrées et il faudra beaucoup de temps pour reconstituer cette forêt, et on ne sait même pas si on pourra tout reconstituer surtout pour certaines essences forestières dont les conditions favorables à leur développement ne sont plus disponibles aujourd'hui sans parler des facteurs météorologiques qui entravent leur développement », regrette Kerouk. Or, si le réchauffement climatique explique pourquoi les feux de forêt sont toujours plus intenses et fréquents, ces incendies peuvent aussi, en retour, accélérer la hausse des températures », rappelle le même spécialiste. "Lorsque des dizaines de milliers d'hectares de forêts partent ainsi en fumée, c'est une véritable bombe à carbone qui explose ". De son côté El Hiri insiste sur le rôle socio-économique de la forêt qui présente des liens étroits avec beaucoup d'activités comme l'élevage, l'apiculture, le sport, le tourisme...Aussi, le lieu est une source d'approvisionnement pour l'économie et fournit de nombreuses matières premières comme le bois, le liège, fourrage... Un désastre écologique « Lorsque des dizaines de milliers d'hectares de forêts partent ainsi en fumée, c'est une véritable bombe à carbone qui explose », reconnaît Kerouk. D'ailleurs, le service de surveillance atmosphérique de l'union européenne, Copernicus, a avertit que les récents feux de forêts en Espagne et au Maroc ont généré plus d'émissions de carbone, en juin et juillet de cette année, qu'à la même période depuis 2003. La même source note que le Maroc a atteint un nouveau record de 480 000 tonnes d'émissions carbonique provenant des feux de forêt, enregistrés lors des deux derniers mois. L'agence estime que le changement climatique exacerbe les conditions favorables aux feux de forêts et à leur propagation rapide, avec des conséquences aussi sur le bien-être humain. Quid du coût économique ? « La perte économique va se calculer à la fois en nombre d'arbres détruits, mais aussi en termes d'impact touristique, de pertes d'emplois, de bétail, de récoltes et des coûts nécessaires pour la maitrise des feux et le reboisement sans parler du coût de relogement des habitants sinistrés et de celui lié à l'approvisionnement en matières premières pour certaines activités », estime El Hiri. Selon lui, une heure de vol d'un canadair nécessite un coût qui dépasse les 160.000 DH. Pour les coûts liés à la régénération et le reboisement il explique que «selon les statistiques de l'agence nationale des eaux et forêts publiés en 2015, le reboisement nécessite 6000 DH par hectare ». L'économiste met l'accent également sur les coûts liés aux opérations de soutien de l'activité de l'élevage, des installations des clôtures pour préserver la richesse forestière... " Il faut repenser le mode de gestion des forêts et se préparer à d'éventuelles catastrophes à l'avance", estime le climatologue Said Kerouk Une série de mesures urgentes visant à atténuer l'impact des récents incendies sur l'activité agricole et les forêts, et à apporter un soutien aux populations locales touchées ont été annoncées par le gouvernement. Le coût de la mise en œuvre de ce plan est de l'ordre de 290 millions de dirhams. Leçons pour l'avenir « Il faut repenser le mode de gestion des forêts et se préparer à d'éventuelles catastrophes à l'avance. Et les responsables des eaux et fortes sont semblent être conscients de l'enjeu », déclare Kerouk qui propose certaines méthodes qui devront être déployées avant le déclenchement des feux. «Il faut préparer la forêt et l'entretenir par la mise en place de parcours et issus. Ces derniers pourront aussi bloquer la propagation des feux et permettre un accès plus facile en cas de feux », détaille le climatologue ajoutant que ces moyens doivent être généralisés dans toutes les forêts. Mais, « cela demande du temps, de l'argent et des ressources humaines », précise t-il. Autre recommandation phare : s'équiper d'engins et logistique nécessaires pour circonscrire plus rapidement les feux. «Il ne suffit pas d'acheter des avions pour faire face à ces incendies, il faut surtout avoir des points d'eau pour que ces avions puissent s'alimenter », préconise-t-il.