Nizar Baraka, ministre des Affaires économiques et générales, a reçu mardi 2 juin une délégation du MEDEF (Mouvement des entreprises de France). L'objectif de la rencontre est le renforcement du partenariat avec le patronat français qui envisage de consolider la présence des entreprises françaises au Maroc. Pour promouvoir la destination Maroc en tant que pays qui pourrait intéresser les investisseurs étrangers, N. Baraka a toujours réitéré que notre pays s'est engagé sur la voie de l'ouverture au monde et de l'intégration à l'économie mondiale. L'accord d'association avec l'UE a enclenché une dynamique fondamentale, et une série de mesures conduisant au «Statut avancé» pour le Maroc a été adoptée. Ce statut ouvre une perspective de premier ordre, à la fois pour les échanges et pour la coopération. Un beau discours. Mais est-il suffisant pour attirer des investisseurs étrangers ? Rappelons qu'une rencontre de ce genre n'est pas la première. Driss Jettou, ex-Premier ministre, a déjà reçu les représentants de ce mouvement. Au menu de la rencontre d'affaires qui s'est tenue en 2006, figuraient plusieurs conventions qui devaient rentrer dans le cadre de la coopération bilatérale. Suite à cela une mission de prospection a été organisée par la direction de l'action territoriale et MEDEF international en 2006. En parallèle, un groupe d'impulsion économique franco-marocain a été constitué pour promouvoir les investissements français vers le Maroc. Il reste à savoir si le Maroc a saisi les opportunités offertes par ces rencontres qui donnent la volonté aux acteurs économiques français d'aller plus loin, au-delà des liens historiques et affectifs qui unissent les deux pays. Il semble que le Maroc a toujours du mal à faire progresser les relations économiques avec la France. La preuve ? En dépit de certaines implantations emblématiques de grands groupes dans des secteurs comme la sous-traitance aéronautique, l'électronique et la distribution de l'eau et de l'électricité, la présence des PME-PMI est encore faible. La cause ? En dépit des discours passionnants, pour s'implanter au Maroc, les investisseurs étrangers préfèrent se documenter auprès de la Banque mondiale, des majors de l'Audit Pour eux, l'attractivité d'une économie dépend de la qualité de son climat d'affaires. Valeur aujourd'hui Publiée courant 2008, l'étude du climat de l'investissement (ICA), dont les premiers résultats ont été effectués conjointement par le ministère de l'Industrie et du commerce et la Banque mondiale sur la base d'une enquête auprès des opérateurs économiques, apporte un éclairage sur les contraintes pesant sur le système économique. Le premier constat important de l'étude concerne la profondeur des changements structurels et la vitesse de leur mise en uvre. Des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années pour améliorer le climat des affaires dans le sens de sa libéralisation et de sa modernisation. Plusieurs textes de lois ont ainsi été adoptés et ont porté principalement sur la révision de la loi sur les sociétés, l'institution d'un nouveau code de commerce visant la modernisation des pratiques commerciales, l'adoption de la loi sur les groupements d'intérêts économiques et de la loi sur la concurrence et la liberté des prix. Cependant, l'économie marocaine souffre d'un processus de transformation structurel trop lent. Le cadre juridique est mis sous une forte lumière. Néanmoins, une fois l'entreprise en activité, il faut beaucoup plus de temps au Maroc qu'en Tunisie pour régler un différend avec un mauvais client ou un fournisseur défaillant (en pourcentage de la dette, le coût de recouvrement judiciaire d'une créance est de 17,7%, contre 12% en Tunisie), exécuter une décision de justice (240 jours en moyenne, contre 27 jours en Tunisie) ou fermer une entreprise. En effet, en cas de mauvaises affaires, le délai nécessaire pour mettre la clef sous la porte en toute légalité est plus long au Maroc qu'en Tunisie. La lenteur de la réforme de l'appareil de la justice était renforcée par l'inadaptation de la formation des magistrats à la complexité grandissante du monde de l'économie et de la finance. Quels que soient les aspects positifs des chantiers de modernisation importants lancés ces deux dernières années, le système judiciaire marocain doit innover pour faire face au défi de la transparence et du respect du droit dans le domaine des affaires. Toujours dans le sens de diagnostiquer le climat des affaires au Maroc, il ressort dudit rapport que le système fiscal dans sa configuration d'ensemble demeure contraignant pour l'entreprise. Les analystes ont évoqué plus particulièrement l'excès de la pression fiscale lié aux taux d'imposition élevés et qui dépassent la moyenne des pays émergents. Ce n'est pas tout ! Les handicaps classiques que sont le coût de l'énergie, le manque et la faible qualité des infrastructures, la faiblesse d'information qui facilite le non respect des droits de propriété et la difficulté d'accès au financement, alourdissent le fardeau. Il semble que la liste des lacunes est loin d'être limitée. Le Mémorandum économique pour le Maroc, publié par le bureau de la Banque mondiale à Rabat, a souligné le problème de la rareté de la main-d'uvre qualifiée. Les statistiques pertinentes montrent que l'offre de la main-d'uvre qualifiée est relativement moins importante que dans la plupart des pays concurrents, ce qui se traduit par un coût salarial unitaire parmi les plus élevés des pays émergents. L'autre contrainte forte pesant sur l'investissement est celle du foncier. Le coût du foncier constitue l'une des entraves majeures au développement des activités orientées vers les marchés extérieurs. Il est clair que le chemin est encore long pour instaurer un environnement favorable aux affaires et donc, par ricochet, à la promotion des investissements privés, tant nationaux qu'étrangers.