Les accidents maritimes n'arrivent pas qu'aux clandestins! Selon la délégation de la pêche maritime d'Al Hoceima, 38 marins, se trouvant à bord d'un bateau de pêche hauturière, ont été secourus, le 2 juin 2009, au large des côtes de la ville d'Al Hoceima. Cet incident s'est produit suite à l'abordage entre deux bateaux ayant entraîné le naufrage du premier navire, tandis que le second a subi des dommages matériels, poursuit la même source. Interrogé sur les causes de l'incident, Mohamed Rharbaoui, directeur de la formation maritime et la promotion socio-professionnelle au ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime, a indiqué que l'abordage impliquant les sardiniers "Amghar 3" et "Al Hoceima 1" a eu lieu en raison d'une mauvaise visibilité due aux nuages qui couvraient la zone surplombant la plage "Sabâa Aayoune". Néanmoins, aucune perte humaine n'a été enregistrée à la suite de cet incident souligne-t-il. Pour les sardiniers présents lors de l'accident, si les marins ont échappé au drame, c'est grâce à l'intervention d'autres bateaux de pêche qui se trouvaient sur place et qui ont contribué au sauvetage. Bien que Mohamed Rharbaoui ait déclaré que ce genre d'accident se produit rarement au Maroc, cette affaire ne peut être considérée comme un simple fait divers. L'abordage d'un bateau de pêche marocain par un autre navire est une occasion d'évoquer la sécurité dans un secteur censé devenir un vecteur de la croissance économique. Ainsi des questions se posent. Les navires marocains remplissent-ils toutes les conditions de sécurité requises ? L'inspection de l'équipement est-elle une pratique régulière? Les accidents sont-ils causés par des défaillances techniques ou des erreurs humaines? D'après M. Rharbaoui, une chose est sûre, les données statistiques montrent que les facteurs humains contribuent pour 70 à 80% des accidents maritimes. Pourtant, la défaillance technique n'est pas à écarter. La panne au niveau du système de radar a été la cause principale de plusieurs accidents maritimes subis par des navires marocains. Ces catastrophes ont-elles tiré la sonnette d'alarme ? Dans quelle mesure les autorités marocaines abordent-elles sérieusement le problème de la sécurité maritime ? Vide réglementaire En cas d'accident maritime, les équipes de la Protection civile et des Forces armées royales sont déployées sur les zones à risques pour assurer de rapides interventions, explique M. Rharbaoui. Le chef du service contrôle technique des navires à la marine marchande convoque l'équipage du bateau marocain afin d'identifier les causes réelles de l'abordage. Si la responsabilité de l'équipage est impliquée, il subit une sanction qui va jusqu'au retrait de permis et le paiement d'une amende à hauteur de 30.000 DH. Tout en déclarant que le Maroc dispose d'une surveillance maritime de «qualité», Rharbaoui a mis l'accent sur la coordination de la surveillance maritime assurée par les différents services en lien avec la Marine royale et les autres administrations maritimes du Maroc. Pour ce responsable, les autorités soutiennent la mise en place d'un centre de surveillance maritime dans le Détroit de Gibraltar, près de Tanger, et celle d'un système de surveillance de la navigation de l'ensemble des côtes du Maroc. Interrogé sur la nature de la dite surveillance, un responsable à la «cellule Genre et développement» au ministère de la Pêche soutient que l'alerte météo est l'une des principales missions à accomplir par tout système de surveillance. Cependant, les conditions climatiques ne peuvent pas expliquer à elles seules les raisons d'un drame. En clair, les autres questions de sécurité et de santé peuvent, elles, n'être que faiblement réglementées. D'après un rapport de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), une organisation internationale qui aide les gouvernements à répondre aux défis économiques, sociaux et de gouvernance, il est des pays (la plupart des membres de l'Union européenne et le Japon) qui possèdent des lois et règlements détaillés en la matière, tandis que d'autres (la Chine, les Etats-Unis, les Philippines) semblent, en comparaison, moins réglementés, et enfin, dans divers pays, y compris le Maroc, la réglementation paraît très limitée, voire inexistante. Il ressort du même rapport que le taux de ratification des normes internationales relatives à la sécurité de la pêche est faible, et il est ardu de déterminer dans quelle mesure les règlements en vigueur sont appliqués et leur respect assuré. Le cas du Maroc est significatif. Les autorités marocaines, qui ont ratifié une série de conventions internationales en matière de sécurité maritime, ont éprouvé des difficultés à réglementer de façon détaillée les activités de flottilles se livrant à la petite pêche ou à la pêche artisanale. Pis encore, on fait peu de cas des services de recherches et de sauvetage à l'intention des petits pêcheurs et pêcheurs artisanaux, par manque de ressources, de personnel, de connaissances des problèmes de sécurité marine, d'infrastructure technique et institutionnelle inadéquate. Les auteurs du dit rapport mettent sous une forte lumière la nature relativement limitée de la réglementation en matière de sécurité. Certes, cette dernière existe mais on ignore si elle s'applique aux petits pêcheurs ou aux pêcheurs artisanaux. D'après les professionnels, les prestations prévues par la législation du travail pour la majorité des travailleurs ne s'étendent pas nécessairement aux pêcheurs en raison de leur situation informelle ou de leur «co-intéressement». En principe, plus le bateau de pêche est de taille réduite, moins il est sujet à réglementation. Souvent, les bateaux de petite taille ou servant à la pêche artisanale ne relèvent d'aucune réglementation, même relativement allégée. Défaillances Les prescriptions en matière de délivrance de brevets sont liées à la taille du navire et au poste occupé à bord. Aucune formation, certificat d'aptitude et/ou sensibilisation ne conditionnent la délivrance des brevets. Plus encore, aucun programme national ne prévoit de formation aux questions de sécurité et de santé au travail à la fois pour les nouveaux venus et les pêcheurs en place. D'après les auteurs du rapport de l'OCDE, délivrer un brevet de navigation ne correspond pas uniquement à une autorisation de navigation, il s'agit d'un certificat d'aptitude à naviguer. Au Maroc, la formation se fait encore «sur le tas». S'agissant de la pêche artisanale, la formation est parfois problématique car les pêcheurs démunis manquent d'éducation de base. Ils souffrent même d'illettrisme. Face à cette réalité, de nombreux pêcheurs ne portent pas les équipements de sécurité et refusent tout règlement en la matière pour des raisons non seulement d'ignorance mais surtout de coût. Si certains Etats ont tenté de réduire le coût de ces équipements et accordent des subventions publiques aux pêcheurs afin d'acquérir les équipements de sécurité, au Maroc on ignore dans quelle mesure les coûts de pareils services sont pris en charge par l'Etat ou, à défaut, dans quelle mesure ce sont les armateurs qui les financent. Les petits pêcheurs et les pêcheurs artisanaux sont les plus exposés aux accidents maritimes. Ils ne disposent même pas d'équipement médical. Pour les responsables interrogés, le plus important en matière de sécurité est de disposer d'un système d'alerte qui utilise des satellites et un réseau de radars côtiers couplés à un réseau de récepteurs radio. Mais où réside l'utilité d'un tel système si les navires ne disposent pas de moyens de communication ? Le principal problème consiste non seulement à avertir en temps voulu tous les pêcheurs en mer et à terre, mais aussi à inspecter périodiquement les équipements de sécurité. Or le système d'inspection d'équipement est défaillant. S'agissant d'un petit ou grand navire, les permis et les brevets font l'objet de vérifications, mais il ne ressort pas toujours clairement que ces inspections s'étendent aux questions de sécurité et de santé. Par conséquent, les pêcheurs doivent effectuer leur propre évaluation des risques pour la sécurité à bord de leur navire. Une méthode d'auto évaluation de ce genre semble tenir compte du besoin de traiter des problèmes de sécurité et de santé, des limites des inspections des pouvoirs publics, souvent par manque de ressources, et du caractère indépendant de nombreux pêcheurs qui préféreront vraisemblablement l'auto inspection à une inspection des pouvoirs publics.