Comme si la crise économique et financière mondiale ne suffisait pas, le monde semble, une fois de plus, menacé par un nouveau virus. Qualifié à tort de «grippe porcine» puisque celui-ci n'a pas été isolé chez l'animal, il est d'autant plus inquiétant qu'il est mystérieux, mélange inédit et complexe de deux gènes d'origine aviaire américaine et d'un gène de virus de grippe humain. Parti du Mexique, il s'est rapidement étendu au monde entier et se transmet d'homme à homme, d'où la crainte d'une nouvelle pandémie. D'où aussi ce réveil de peurs quasi ancestrales. Au Moyen Age, la peste noire n'a-t-elle pas tué quelque trente millions de personnes ? Plus récemment, à la fin de la première guerre mondiale, la grippe espagnole n'a-t-elle pas fait mourir en deux ans des dizaines de milliers de personnes ? L'OMS trop alarmiste ? La découverte des antibiotiques et des traitements antiviraux aura permis au monde de commencer à avoir moins peur et de croire révolu le temps des grandes pandémies. On en voulait pour preuve que la médecine moderne avait globalement vaincu la syphilis et la tuberculose. L'épidémie de Sida et le Sras, parti de Chine fin 2002 et qui fit quelque 800 morts, puis la grippe aviaire ont ramené la peur. Certes le Sida continue de tuer, avant tout dans les pays pauvres, mais les moyens de le soigner et surtout de maîtriser sa propagation existent, même si on peut déplorer qu'ils soient efficaces et surtout généralisés dans les pays les plus développés. Quant au Sras et à la grippe aviaire, qui avaient provoqué une terrible panique, les autorités sanitaires mondiales ont réussi à les contenir. C'était compter sans le surgissement de ce nouveau virus au Mexique qui a conduit l'Organisation mondiale de la santé à mettre à nouveau en garde sur les risques de pandémie. Excès d'alarmisme ? Sans doute, mais les craintes sont inédites aussi : les récentes épidémies ont le mauvais goût de ne pas respecter la barrière des espèces, puisque tous les virus récents sont mutants, virus animaux et humains combinés. Virus, hommes et animaux voyagent et se mélangent En réalité, ces nouvelles maladies globales ne sont rien d'autre que l'adaptation des virus à la globalisation. Et on n'y peut sans doute plus grand-chose : les animaux domestiques mangent des nourritures venant du monde entier et parfois faites à partir de farines animales. Les viandes sont exportées et transformées dans toute la planète. Tout se mélange et voyage, les bactéries, les virus et la possibilité de manger bon marché les produits les plus exotiques. Jamais non plus les hommes n'ont pu autant voyager. Le tourisme de masse et les hommes d'affaires parcourent le monde véhiculant rêves, commerce et bactéries. Animaux, insectes et virus circulent dans des avions et des cargos, donnant l'impression que l'ère des pandémies globales ne fait que commencer. Du coup, l'abattage massif des porcs en Egypte - où aucun cas n'a encore été détecté - apparaît totalement vain. Avant tout bien sûr parce que le virus n'a pas été isolé chez l'animal. Mais aussi parce qu'il est clair que les autorités ont décidé cet abattage pour s'attaquer à la fois à des élevages insalubres faits par la minorité chrétienne copte et à un animal honni en terre d'islam! L'impossible isolement Reste que la globalisation peut aussi aider à résoudre ce qu'elle provoque. La planète est aujourd'hui bien mieux préparée pour affronter ce défi que lors de l'apparition du Sida. Les systèmes d'alerte et de détection reliés en réseaux planétaires permettent d'isoler et d'étudier les virus rapidement et efficacement. Deux jours seulement après l'apparition de la grippe américaine, la Banque mondiale débloquait un crédit de 205 millions de dollars pour combattre l'épidémie. La mobilisation des gouvernements, des médias et des autorités sanitaires a été immédiate, peut-être même trop alarmiste. En ce sens, les nouvelles maladies sont bien un phénomène de notre temps où la finance, l'information, les valeurs, le commerce fonctionnent en réseaux globaux, pour ne pas dire pandémique et cataclysmique ! Lors de l'apparition du Sras et de la grippe aviaire, la panique était telle que l'on pensait que ces épidémies allaient décimer des centaines, voire des millions de personnes. Aujourd'hui, les autorités sanitaires veillent mais seuls les experts parlent encore de ces virus. On peut du coup penser que le travail conjoint de tous les biologistes et de toutes les institutions sanitaires du monde finiront par contrôler la menace venue du Mexique. Cela n'empêchera pas l'humanité de devoir apprendre à survivre dans une planète de plus en plus globalisée où l'isolement étanche des hommes comme des virus n'est désormais qu'un leurre. Et où si une pandémie menace à coup sûr, c'est bien celle du stress provoqué de manière récurrente par les nouvelles pandémies.