Par : Hayat Kamal Idrissi Tendance Pour soulager leurs maux chroniques, de plus en plus de Marocains se tournent vers la médecine douce comme alternative ou complément de traitement. Zoom sur cette nouvelle tendance. Homéopathie, phytothérapie, acupuncture, massages manuels ou thermiques… les Marocains n'hésitent plus à s'essayer à de nouvelles méthodes pour se soulager. La curiosité cède rapidement la place à un véritable engouement pour ces nouvelles thérapies jugées efficaces. «Même si ça reste limité par rapport à d'autres pays tels la France, le Canada et la Russie, l'homéopathie commence à prendre de l'ampleur dans notre pays ces dernières années », explique Dr Jaouad Benjelloun. Pour ce médecin généraliste homéopathe, cette nouvelle tendance s'explique par les résultats probants des traitements homéopathiques. Ces derniers sont d'ailleurs prescrits pour les affections chroniques rhumatismales, digestives, psychoaffectives et allergiques. Des maux très répandus qui ne sont pas toujours soulagés par la médecine classique et les médicaments synthétiques. Pour Nadia, 32 ans, travaillant dans un domaine qu'elle dit stressant, son salut a pris la forme de «petites gélules miraculeuses » prescrites par « l'homéopathe de la famille». « Mon stress est devenu insurmontable, j'en avais de la fièvre, des maux de tête, des sueurs. J'ai tout essayé avant de découvrir ces médicaments à base de plantes. Une véritable révélation !», partage Nadia qui a découvert les bienfaits de la médecine douce à travers le cas de son petit cousin (11 ans). Atteint d'hyperactivité depuis sa tendre enfance, ce dernier a essayé psychanalyse et autres médicaments synthétiques sans succès. En entendant parler de l'homéopathie, sa mère a eu l'idée d'essayer cette nouvelle méthode. « Ce garçon qui n'arrivait pas à tenir en place une seconde a complètement changé », témoigne sa cousine, reconnaissante. Grâce au bouche à oreille, internet et médias aidant, la médecine douce séduit et attire de plus en plus d'adeptes. Les témoignages des patients qui l'ont testée constituent de solides arguments pour convaincre les plus réticents. D'après Dr Benjelloun, l'effet « copiage », très répandu, joue également en faveur de la tendance. Une question se pose toutefois sur l'efficacité de ces méthodes et de ces médicaments à base de plantes. Ne serait-il pas là un effet placebo assez puissant accentué par l'influence des résultats positifs remarqués chez autrui ? « Pas du tout. Il faut noter que l'homéopathie est une méthode expérimentale dont l'efficacité a été prouvée scientifiquement. La plupart des patients répondent positivement au traitement qui peut être exclusivement homéopathique, combiné à un traitement classique ou en complément », explique Benjelloun qui compte une vingtaine d'années d'expérience en tant qu'homéopathe. Des médicaments à base de plantes qui n'auront, selon les spécialistes, pas d'effets secondaires comme c'est souvent le cas pour les préparations synthétiques. La phytothérapie exploite ainsi les vertus du monde végétal pour le bien être humain. « À la différence de la médecine occidentale, la posologie et le dosage des médicaments en médecine orientale ne sont pas fonction de la source de la maladie, mais de l'état énergétique du patient », lit-on sur un site internet en vogue, spécialisé dans la médecine douce. Si au Maroc la majorité des médicaments homéopathiques est importée, notre pays a aussi un véritable potentiel en la matière. « Le Maroc compte plus de 4.200 espèces végétales dont 700 sont aromatiques et médicinales. C'est un important potentiel qui reste sous et mal-exploité », diagnostique Dr Abdelaziz Chergaoui, spécialiste en plantes aromatiques et médicinales à l'Institut national de recherches agronomiques . D'après ce dernier, la demande reste timide et le volume utilisé reste modeste par rapport aux importantes potentialités de ce secteur en pleine émergence. L'engouement international et local pour les médecines alternatives devrait, selon Chergaoui, être exploité pour se tailler une part de marché sur une activité de plus en plus concurrentielle. « Les pays de l'Europe de l'Est sont de redoutables concurrents. Leur savoir-faire en matière d'industrialisation des plantes médicinales les rend encore plus efficaces », analyse le spécialiste. Malgré ses belles potentialités, le marché des plantes médicinales national souffre d'un grave manque de valeur ajoutée. « Nous avons un véritable capital que l'on gaspille par manque de savoir-faire. Nous exportons la quasi totalité des huiles essentielles et nous importons la totalité des médicaments et des produits industrialisés. C'est un véritable gâchis», explique Dr Chergaoui qui évoque l'encouragement de la recherche, la mise en culture et l'organisation du marché des plantes médicinales comme moyens pour une meilleure exploitation des richesses nationales. « Nous n'avons pas des technologies de pointe pour l'industrialisation et la production de médicaments, mais nous pourrons intervenir à mi-chemin en proposant de meilleures méthodes de séchage, des emballages plus attrayants et même une semi-industrialisation », propose le spécialiste. Un marché prometteur qui reste toutefois victime de manque d'organisation tant au niveau de la production que de la distribution et de la commercialisation. Ceci sans parler de l'absence de loi pour régir la profession d'herboriste. Surfant sur la tendance, de nombreux « spécialistes » en plantes médicinales proposent leurs services sans contrôle. Pire encore, la plupart d'entre eux n'ont pas été formés à cette « discipline compliquée et délicate », comme la qualifie Dr Chergaoui. « Nous n'avons pas d'écoles spécialisées en la matière. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un au Maroc qui est habilité à prescrire des ordonnances à base de plantes médicinales », lance-t-il en citant quelques cas pour démontrer le danger encouru. Intoxication, complications, mauvais dosage, ignorance… Les risques sont multiples et une plante qui est sensée soulager peut s'avérer dangereuse faute de mauvaise utilisation. Un remède à cette situation ? Dr Chergaoui insiste sur l'importance de l'organisation du marché, la formation continue des herboristes, la valorisation du secteur et la mise en culture des plantes médicinales qui poussent pour la majorité à l'état sauvage. Une véritable richesse laissée en friche…