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Doses de vaccin perdues. A qui incombe la responsabilité ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 01 - 03 - 2021

L'incident fait des remous depuis deux jours. Deux doses du vaccin AstraZeneca ont disparu à Oulad Ghanem, dans la province d'El Jadida. Deux infirmières ont été interrogées pendant des heures ce qui a soulevé un large mouvement d'indignation parmi les rangs des infirmiers. Ces derniers se posent des questions sur les responsabilités de chacun devant de tels incidents.
Par Hayat Kamal Idrissi

Alors que la campagne nationale de vaccination anti-Covid-19 bat son plein depuis un mois maintenant, en réalisant de bons scores que ça soit au niveau régional et ou international, un incident est venu brouiller le décor. « Deux doses du vaccin d'Astra Zeneca ont disparu samedi dans la station de vaccination de Oulad Ghanem dans la province d'El Jadida. Les deux infirmières au poste ce jour là ont été interrogées pendant neuf heures. En Garde à vue, leurs domiciles ont été également fouillés », nous explique Fatim Zahra Belline, Secrétaire générale du bureau provincial de Rabat de l'Organisation démocratique du Travail (ODT).
Indignation
La voix tremblant d'émotion, elle nous rapproche de l'état psychique des deux infirmières concernées. « J'étais au téléphone avec elles. Leur moral est au plus bas. Elles se sentent lésées, abandonnées par leur hiérarchie directe et indirecte. Leur dignité bafouée, elles sont surtout choquées par cette attitude ingrate », s'insurge la syndicaliste. Cette dernière rappelle que le personnel médical et spécialement les infirmiers se sont mobilisés dès le début, corps et âme, dans cette lutte acharnée contre la pandémie.
« Notre engagement n'a jamais failli et il est renouvelé à chaque étape de cette lutte. La campagne de la vaccination a réalisé de bons résultats jusqu'à maintenant. Ce qui s'est passé à Oulad Ghanem est une véritable aberration qui ne peut que démoraliser les troupes qui sont déjà à bout de force après une année de travail acharné sans relâche ni repos », déplore de son côté Hamza Ibrahimi, membre du conseil national du Syndicat national de la santé relevant de la Fédération démocratique du travail. L'organisation syndicale a d'ailleurs rendu public un communiqué d'indignation, ce lundi 1 mars 2021, avec des réclamations et des recommandations « pour mieux sécuriser l'opération de vaccination, définir les responsabilités de chacun et surtout préserver la dignité des infirmiers et les protéger légalement et éthiquement », insistent les deux syndicalistes.
Responsabilités de chacun
les responsabilités de chacun, fixer les missions de chaque intervenant, respecter les spécialités et mettre fin la désorganisation découlant de la multiplicité des intervenants dans cette campagne de vaccination... C'est en somme les réclamations émises par les représentants des infirmiers en colère. Reconnaissant la particularité de la situation, pour les syndicats ce n'est pas pour autant une raison pour tolérer la désorganisation à cause notamment de la multiplicité des intervenants.
« Certes les interventions des services du ministère de l'Intérieur dans la campagne de vaccination et même avant sont louables et d'une grande utilité, mais les infirmiers relèvent toujours du ministère de la santé. Celui là devrait être leur seul interlocuteur », note Belline. D'après cette dernière, le chevauchement des tâches et des spécialités sur le terrain créée beaucoup d'ambigüité et déstabilise les ressources humaines.
Verrouillage du système
« Nous avons déjà évoqué ce problème et nous avons demandé à y remédier mais sans retour. L'incident de Oulad Ghanem n'est pas le premier et il ne sera pas le dernier si les choses continuent d'être gérées de la même manière » ajoute Ibrahimi. Rappelons que le ministère de la Santé a déjà fixé une procédure bien détaillée pour le bon déroulement « technique » de l'opération de vaccination anti-covid 19. Une procédure qui détaille les gestes avant, durant et après la vaccination. Concernant la traçabilité du vaccin, tout un processus et une procédure ont été mis en place par le ministère de l'Intérieur et le ministère de la santé, les autorités et les collectivités locales pour sécuriser le circuit, assurer l'approvisionnement en doses et leur livraison, conserver et préserver le vaccin tout en verrouillant le système de vaccination à distance et sur le terrain. Des efforts déployés sur plusieurs niveaux pour mener à bien l'une des plus importantes campagnes de vaccination dans notre pays.
« Ceci dit, le Maroc a acquis au fil des ans une grande expérience en matière de vaccination. Nous avons un programme d'une vingtaine de vaccins que nous menons avec succès depuis 1960 et dont on s'acquitte en toute maitrise et indépendance », nous assure Ibrahimi en notant la qualification du personnel infirmier marocain pour accomplir sa mission avec succès. « Si la tutelle accomplit son devoir d'orientation et de supervision des « vaccinateurs », on n'en serait pas arrivé à une situation semblable à celle de Oulad Ghanem. Le ministère en est complètement responsable » accuse Fatim Zahra Belline. Appelant à définir les responsabilités, délimiter les champs d'action des différents intervenants, la syndicaliste réclame la réappropriation de la campagne de vaccination par le ministère de la santé. « Quant au vaccin et la traçabilité des doses, il n'y a aucun texte de loi qui définit ses modalités. Mieux encore, il faut savoir que ce n'est pas un stupéfiant (produits anesthésiants ou antalgiques forts...) qui nécessite un traitement spécial et une procédure spécifique pour gérer la pharmacie et les stocks », argumente pour sa part Ibrahimi. Ceci tout en reconnaissant la délicatesse de la manœuvre dans la conjoncture actuelle.
Motivations et risques
Quant aux motivations du vol de doses du vaccin, une source requérant l'anonymat, opérant dans cette campagne, nous a assuré que la motivation première serait vraisemblablement la peur de la pandémie et le désir de se faire vacciner. « Ceci alors qu'on ne figure pas parmi les bénéficiaires prioritaires », nous explique notre source. Le risque dans ce cas de figure serait une mauvaise utilisation dans des conditions inadéquates tout en échappant aux radars et des statistiques de la campagne, ajoute cette source.
« Entre réussir la campagne de vaccination et sa sécurisation, il faut savoir respecter ses troupes, valoriser leur travail, préserver leur dignité et ne pas plomber leur moral davantage. Les infirmiers dans les quatre coins du Maroc sont profondément mobilisés et mus par leur patriotisme mais ils sont à bout de leurs forces et de leurs patience », met en garde Belline. De son côté Ibrahimi en appelle à ne pas parasiter le grand succès de la campagne par une « gestion de crise » approximative. « Trêve de politique de l'autruche. Le ministère doit faire face à ses responsabilités vis-à-vis de son personnel et de jouer son rôle ! », concluent les syndicalistes.


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