Le séisme d'Al Hoceima sonne la fin de l'impunité dans la gouvernance de la choselocale. L'été 2010 restera gravé dans les annales de l'administration territoriale. Entamé avec le limogeage en série des hauts fonctionnaires d'Al Houceïma, suivi de l'état d'alerte enclenché au niveau de Salé, il a continué à Casablanca. Pas de doute : les déplacements du roi dans les villes signent la fin de l'impunité et du maquillage. En effet, à la veille de chaque visite royale,les autorités locales multiplient les coups de génie pour montrer au roi une façade reluisante des projets de développement : INDH, projets de proximité...Or, dans plusieurs cas, ces projets sont tout simplement virtuels. Désormais, le roi suit de très près ce qui se passe. Et à côté de son programme officiel, il a un programme off où il se promène en "civil" et découvre lui-même la réalité du terrain. La sanction peut alors être terrible. L'affaire d'Al Houceïma signe d'ailleurs un point de non-retour dans la relation entre le roi et les autorités locales. Ce changement de cap s'accompagne d'un changement en profondeur au sein du ministère de l'Intérieur lui-même. L'arrivée de Taïb Cherkaoui comme ministre de l'Intérieur signe la fin du laxisme. «Il a introduit une logique de sanction judiciaire et non administrative. Il reste influencé par son approche de juriste pénaliste», souligne un observateur. Gare aux donc aux fonctionnaires indélicats, la prison n'est pas si loin....Ce changement de culture tétanise aujourd'hui les services de Dakhilia. «Nous avions l'habitude quand un gouverneur tombe en disgrâce qu'il soit mis au placard. Aujourd'hui, la perspective d'être poursuivi en justice est une donnée nouvelle. Je ne sais pas comment le corps de l'Intérieur va pouvoir s'y acclimater». Le tournant d'Al Hoceima Après le limogeage de certains hauts responsables de la ville d'Al Hoceima, suite à des plaintes déposées par les citoyens de la ville et dont le roi a eu connaissance, une communication sur cette opération «d'assainissement » s'est imposée. Le ministre de l'Intérieur, Taïb Cherkaoui s'est alors exprimé devant un parterre de responsables des collectivités et des services. Le ministre a insisté sur le fait que l'opération ne s'inscrit pas dans le cadre d'une «campagne». Ce limogeage, suivi de poursuites en justice rapidement mises en œuvre- un précédent dans l'histoire de la gouvernance locale au Maroc- répond, selon M. Cherkaoui, «à une démarche fondée sur la bonne gestion et l'exploitation des potentialités, l'encouragement de l'initiative productive, de la transparence, la participation, la primauté de la loi et la moralisation de la vie publique, somme toute la bonne gouvernance». Le passage du souverain à Casablanca n'est également pas passé inaperçu. Toute la ville a été mobilisée. Le citoyen lambda s'est félicité de cette venue, non pas pour remettre au roi les désormais célèbres lettres, mais pour la rapidité des travaux de réparation de tout ce qui ne marche pas dans la capitale économique. De plus, les autorités n'étaient pas au courant du tracé de la visite du souverain à Casablanca, ni de la durée de son séjour. Conséquence, une bonne partie de la ville a été repeinte, les trous des routes comblés, les façades blanchies. «Ces derniers jours ont été particulièrement stressants pour les agents de police, qui recevaient beaucoup plus d'ordres que d'habitudes» explique un agent de la circulation. Durant sa visite, le roi en a profité pour visiter l'Ancienne Médina, la plus délabrée et délaissée des Anciennes Médinas du royaume. Il y a d'ailleurs ordonné le lancement de travaux de réhabilitation et d'amélioration des conditions de vie de ses habitants. Une opération dont la première tranche coûtera quelque 300 millions de dirhams. D'ailleurs, si la visite du roi atteint les quartiers Moulay Rachid, Bernoussi, Sidi Moumen et Hay Mohammadi, l'état des habitations y suscite davantage d'intérêt, du fait du surpeuplement de ces quartiers et l'indécence de l'habitat. Pour rappel, ces zones connaissent une forte mobilisation des associations pour le logement avec les habitants pour revendiquer un minimum de décence. «A l'instar d'Al Hoceïma, Casablanca également connaît des problèmes et parfois des irrégularités. Mais ces choses-là ne sont visibles que dans les parties profondes de la ville» souligne un responsable communal qui a requis l'anonymat. Selon celui-ci, une colère royale n'est pas à exclure. «Il n'y a pas que la crise du logement. Le financement de la seconde tranche du projet du tramway pose également problème et le wali et le conseil de la ville restent opaques sur la question. Et puis il y a aussi la pagaille du transport urbain car visiblement, ça ne marche pas comme prévu» ajoute-t-il. Il est à rappeler que l'ex-wali de Casablanca, Mohammed Kabbaj a perdu son poste à cause de la gestion du dossier du logement dans le quartier de Sidi Moumen. Des têtes tomberont-elles à Casablanca ? Notre source n'écarte pas cette hypothèse. «Il y a vraiment de quoi faire tomber des têtes. C'est fort probable quand on voit que pour une simple erreur de protocole, le responsable de la protection civile de Mohammedia s'est vu tout de suite muté à Laâyoune» conclut ce responsable communal. Mounir Arrami