Dans son dernier rapport présenté au roi, la Banque centrale tire au clair la situation de l'économie marocaine et souligne l'insoutenabilité de la politique économique actuelle. Abdellatif Jouahri, wali Bank Al-Maghrib, a été reçu le 9 août au Palais royal à Casablanca pour présenter au roi le rapport de l'Institut d'émission sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l'année 2011. Le Maroc fait partie des quelques pays qui ont fait preuve de résilience face à la crise que connaît l'économie mondiale. Selon le dernier rapport de Bank Al-Maghrib sur l'exercice 2011, présenté au roi le 9 août dernier à Casablanca par le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, cette résilience est l'apanage essentiellement de la demande interne. Elle s'explique également par « la préservation de la stabilité politique, spécifique dans la région, et par la gestion macroéconomique prudente des deux dernières décennies, qui a permis de dégager des marges de manœuvre au niveau budgétaire », lit-on dans le rapport. Toutefois, ajoute-t-il « l'orientation plus expansionniste des finances publiques, qui a certes favorisé la bonne résistance de la demande intérieure, a entraîné une dégradation de la soutenabilité budgétaire et des comptes extérieurs ». Autrement dit, la demande intérieure tirée par le secteur public a impacté de manière significative les équilibres budgétaires et des comptes extérieurs menaçant la soutenabilité même de cette orientation. Un modèle insoutenable A juste titre, le rapport souligne qu'« à moyen terme, une réduction des dépenses courantes en pourcentage du PIB est en effet inévitable, dans la mesure où le ratio des recettes par rapport au PIB ne pourra pas être significativement relevé sans préjudice pour l'activité économique ». En effet, les finances publiques ont connu en 2011 une rupture par rapport à la tendance de ces dernières années, marquées par des déficits modérés, voire des surplus en 2007 et 2008. « Ces performances antérieures, qui tenaient davantage à une augmentation exceptionnelle des recettes qu'à une réduction des dépenses, s'étaient traduites par une baisse marquée du ratio de la dette du Trésor en pourcentage du PIB ». Avec une progression en 2011 des dépenses globales de 15,9 %, sous l'effet principalement du poids des charges de la compensation et du personnel et des ressources ordinaires en hausse de 7 %, l'exécution de la loi de Finances s'est en effet soldée par un déficit budgétaire, hors recettes de privatisation, de 6,9 % du PIB, après 4,7 % du PIB en 2010 et au-delà des prévisions du projet de loi de finances (4 % du PIB). Les privatisations à rescousse Compte tenu des recettes de privatisation, le déficit budgétaire s'est établi à 6,2 % du PIB. L'augmentation sans précédent des dépenses de compensation, à plus de 6 % du PIB et la progression de la masse salariale, qui a atteint 11 % du PIB, en dépit de l'engagement du gouvernement depuis de nombreuses années de la ramener à 10%, se sont traduites par une épargne publique et un solde primaire négatifs, respectivement de l'ordre de 1% et 4,7% du PIB. « Ces niveaux sont significativement en deçà de ceux requis pour assurer la soutenabilité budgétaire à moyen terme, à un moment où le ratio de la dette du Trésor est passé de 50,3 % du PIB en 2010 à 53,7% en 2011 », s'alarme le rapport. Avant d'ajouter que si ces déséquilibres des finances publiques et du compte courant résultent de la détérioration de l'environnement international depuis 2008, ils révèlent aussi les limites plus fondamentales d'une orientation de la politique économique qui s'appuie essentiellement sur la demande intérieure. « Cette voie a certes permis de réaliser une certaine performance au niveau de la croissance globale et une paix relative sur le front social. Mais les aléas attendus du contexte international et les évolutions de l'environnement régional appellent un ajustement de la politique macroéconomique pour espérer continuer à assurer à notre pays une croissance saine et durable sur le long terme et pouvoir absorber avec succès les chocs exogènes présents et à venir », souligne Abdellatif Jouahri, en ouverture du rapport. Pour cela, le rétablissement rapide, à la fois d'une trajectoire soutenable à moyen terme pour nos finances publiques et de la viabilité de nos comptes extérieurs, constituent un impératif incontournable, conclut-on dans ledit rapport. De la nécessaire réforme des finances publiques Selon le rapport, les augmentations salariales catégorielles de ces dernières années, ainsi que l'alourdissement sans précédent des charges de compensation, sont en grande partie à l'origine de la détérioration de l'épargne publique, qui réduit l'espace budgétaire pour l'investissement de l'Etat. A plus long terme, si la réforme de la fonction publique constitue le chantier structurant pour améliorer l'efficacité de l'administration et réduire le poids de la masse salariale, la priorité à court terme passe par la maîtrise des effectifs et la modération salariale. Pour leur part, les dépenses de subvention, qui font peser d'énormes incertitudes sur le budget, devraient faire l'objet d'un plafonnement dès 2012, en cohérence avec l'objectif de maintien de la soutenabilité budgétaire à moyen terme.