Quand, le 18 mai 2005, le roi Mohammed VI a lancé l'Initiative nationale du développement humain (INDH), personne ne mesurait à quel point elle déborderait le cadre qui lui était assigné. De simple plan de lutte contre la pauvreté, l'exclusion et la marginalisation, elle est devenue en moins de 7 ans, un programme… Depuis le lancement de l'INDH en 2005, le souverain a inauguré plusieurs projets à caractère social au profit de différentes franges de la population dans les quatre coins du royaume. A telle enseigne qu'en novembre 2010, un colloque international lui a été consacré à Agadir et qui a duré trois jours, réunissant un parterre de personnalités, d'experts, d'économistes, de sociologues du monde entier. La lutte contre la pauvreté ? A vrai dire la problématique, telle que définie par le roi dans son discours du 18 mai 2005, ne se limitait pas à ce postulat à double détente. Celui-ci impliquait aussi, et ce n'est pas le moindre élément, la valorisation des ressources humaines, une politique de participation des couches défavorisées à leur propre destin, bref une vision nouvelle de la politique sociale du Maroc, avec ses codes et ses énoncés nouveaux. On a assisté, et c'est significatif, à l'émergence d'une autre réflexion sur la pauvreté, d'un autre langage et d'autres concepts comme les AGR, notamment. Le but ultime La finalité de l'INDH , aussi prosaïque qu'elle paraissait, a été définie dès le départ avec une rigueur à toute épreuve : s'attaquer au déficit social en élargissant l'accès aux services sociaux de base aux populations démunies. Ensuite promouvoir les AGR ( activités génératrices d'emplois et de revenus stables). Ensuite, « adopter une action créative envers le secteur informel, venir en aide aux personnes souffrant d'une grande vulnérabilité ou ayant des besoins spécifiques ». Si d'aucuns se sont employés à situer l'INDH dans un cadre d'activités liées à la promotion des tâches rurales ou même à une volonté d'éradiquer les disparités qui frappent une très frange des populations, l'INDH devenait le fer de lance de la lutte contre la pauvreté et une théorie du développement durable. Le roi a lancé l'INDH et tracé son socle, en affirmant notamment qu'il s'agit d'une « initiative inscrite dans la vision d'ensemble qui constitue la matrice de notre projet sociétal, modèle bâti sur les principes de démocratie politique, d'efficacité économique, de cohésion sociale et de travail ; mais aussi sur la possibilité donnée à tout un chacun de s'épanouir en déployant pleinement ses potentialités et ses aptitudes... ». Ce sont aujourd'hui pas moins de 6 millions de bénéficiaires à travers le Maroc et près de 40 000 projets dans l'ensemble qui mobilisent l'Etat et les populations concernées. L'évolution de celle-ci aura été d'autant plus remarquable que l'investissement global est passé en peu d'années de 10 à plus de 17 milliards de dirhams, avec à la clé un immense programme d'intégration de nombreux projets. A présent , on parle de « programme de mise à niveau territoriale » et non, comme on le faisait jusqu'ici de « plan catégoriel ». Autrement dit, au sein même de l'INDH, il existe une évolution intrinsèque, en termes de réflexion et d'élaboration conceptuelle, l'expérience, les difficultés même rencontrées inclinant les responsables à adapter leur méthode aux réalités et aux complexités du terrain et revoir constamment son application. La « mise à niveau territoriale » n'est pas un concept fétiche, sorti des esprits d'universitaires ou d'experts en mal de syllogismes . Il inscrit aujourd'hui plus de 3 300 douars et 22 communes situés exclusivement sur les sites montagneux, inaccessibles, hissés dans ce Maroc profond et exclu des décennies durant. Il convient de souligner que la pauvreté , qui est au cœur de l'INDH, n'est pas un vain mot. Chaque année, entre rapports du PNUD, du HCP, de la Banque mondiale ou autres institutions publiques et privées, le Maroc se voit infliger régulièrement des notes circonstancielles dont quelques unes sont peu flatteuses. Le rapport réalisé à l'occasion du Cinquantenaire du Maroc sous la direction de l'ancien conseiller du roi, feu Mohamed Meziane Belfquih en 2006, ne faisait pas de concession. « Cinquante ans de développement humain, dit en substance le rapport, c'est 4 millions de Marocains qui vivent en dessous du seuil de pauvreté dont 3 millions dans les campagnes ». D'où le constat que « la pauvreté au Maroc est un phénomène rural ». Ce qui ne correspond aucunement à la réalité urbaine tangible et visible tous les jours. Ruraux et citadins concernés En fait, la campagne n'a pas le monopole de la pauvreté et de l'exclusion. Toute chose étant égale, elle apparaît plus dure et cruelle en ville, parce qu'elle s'accompagne de sentiments de frustrations spécifiquement urbaines. Un Marocain sur quatre est pauvre dans les zones rurales, contre un sur dix dans les milieux urbains ! Or, la pauvreté touche spécialement les femmes, les enfants et les populations aux besoins spécifiques. En fait le Rapport du Cinquantenaire est venu conforter la vision royale de l'INDH, en ce qu'il pose comme postulat : agir, réagir aussi. Le roi précisait dans son discours programmatique que l'éradication de la pauvreté ne passe pas « par la seule assistance ponctuelle ou une action caritative spontanée ou encore par un devoir éthique ». S'il n'exclut pas ce genre d'action, relevant de la générosité sociale, collective voire individuelle, il préfère aussi l'action directe, programmée enracinée dans le souci de développement durable. Il est partisan notamment d'un « développement durable basé sur des politiques publiques intégrées qui s'inscrivent dans un projet global auquel toutes les composantes de la société doivent participer ». Comparaison n'étant jamais raison, on évoquera la fameuse prescription de Mao Zedong, fondateur de la République populaire de Chine en 1949, qui disait : « Au lieu de chercher à donner à chaque citoyen chinois un poisson pour se nourrir et survivre, mieux vaut lui apprendre à pêcher lui-même son poisson... » ! Qu'elle n'est pas, une telle disposition, éclairante et actuelle pour nous ! Aussi, l'INDH met en place un système de développement transversal, afin que les femmes et les jeunes puissent créer leurs propres activités génératrices de revenus (AGR) et construire leur indépendance dans le travail et l'épanouissement, mais aussi de s'affirmer socialement. Elle met aussi en vigueur un système de mesures, quantitatives et qualitatives, devenu la méthodologie incontournable, basée sur la transparence, le ciblage revu et corrigé, l'audit, les enquêtes de « perception », le suivi de l'évaluation, l'approche du tissu associatif et, ce qui est significatif, une communication de proximité. Entre 2006 et 2010, la courbe des engagements financiers a presque triplé, recouvrant les paramètres de la santé, l'éducation, les AGR, les services sociaux de base, l'encadrement des personnes en situation précaire, la formation professionnelle, la lutte contre l'analphabétisme, le commerce et l'industrie, l'appui aux instances territoriales et organes de gouvernance, le soutien aux associations enfin... Tout commence avec la Semaine de la Solidarité C'est si vrai que souvent, à travers les lancements de projets, quelle que soit leur forme, il est fait mention d'AGR, ce paramètre incontournable au niveau du développement durable où l'Homme devient l'acteur majeur de son destin. Nous revenons pour ainsi dire à la nécessité exprimée dans son discours fondateur de « faire participer les citoyens », en facilitant leur pleine adhésion au projet. Nous nous rendons compte, surtout que la pensée de Mohammed VI sur la pauvreté et la nécessité de l'éradiquer constituent depuis 1998 l'une de ses préoccupations centrales. Cette année-là, feu Hassan II l'avait nommé à la tête de la Fondation Mohammed V de solidarité et lui avait confié, entre autres, la mission de présider la Semaine de solidarité et de lutte contre la pauvreté, institutionnalisée depuis lors, renforcée chaque anné...Elle est devenue un événement annuel majeur. Elle révèle un prince, un homme imprégné des valeurs sociales, et à force, un « militant du social » tout court, ratissant les territoires et les espaces au raz des pâquerettes, apportant soulagement aux uns et espoir aux autres. C'est Soulaiman El Hajjam, coordonnateur national adjoint de l'INDH qui explicite mieux la démarche : « L'INDH est un modèle de transformation sociale par excellence. Elle a réussi la mobilisation de tous les acteurs, de toutes les catégories et leur adhésion à un immense projet de société. Elle favorisé le regain de confiance dans le projet lui-même et des populations en elles-mêmes.. » ! Sur les paramètres de cette déclaration, l'observateur acquiesce volontiers, parce que les résultats de l'activité de l'INDH sont d'autant plus probants que son volume s'est démultiplié et ses projets renforcés. Le même coordonnateur adjoint, dans la foulée, n'hésite pas à souligner que l'INDH « constitue un fait social,, une école doctrinale unique dans l'histoire des institutions publiques » ! Au Colloque international, organisé à Agadir les 1er et 2 novembre 2010, qui a réuni pas moins de 1700 experts du monde entier, l'unanimité des participants, venus des pays d'Europe, des Etats-Unis et d'Amérique n d'Afrique et d'Asie, a été mise en exergue , parce que les uns et les autres se sont joints dans le même élan pour louer l'INDH et dire qu'elle est désormais un modèle avancé de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Le colloque d'Agadir a marqué ce qu'on appelle la première phase 2006-2010 de l'INDH , qui a permis à ses promoteurs exécutifs de présenter l'expérience du Maroc en la matière et d'entamer une nouvelle réflexion à l'horizon 2015. La France soutient l'INDH « La France sera aussi aux côtés du Maroc dans sa lutte contre la pauvreté. Lancée par le roi, l'Initiative nationale de développement humain s'attaque résolument à la question des couches sociales défavorisées et des régions enclavées ». Les propos sont de Nicolas Sarkozy, ancien président de la République française. Mais il en est d'autres, nombreux, différents et exprimés sans langue de bois. Le roi, adressant un message aux participants du colloque international d'Agadir, en appelait à une « vision universelle commune du développement », mais aussi à une réflexion aiguë sur la période 2011-2015...