Marrakech a abrité, les 17 et 18 mai courant, la 4e édition du African Banking Forum, occasion de débattre de l'état des lieux du secteur bancaire et de ses perspectives. Dans son entretien au Soir échos, Marwan Farah, senior manager chez Kurt Salmon, décrypte le mobile banking. Le taux de bancarisation des Marocains (52 %) étant largement plus élevé que celui des autres pays de la région, le besoin d'une solution de paiement dématérialisée, facilitant les transactions, se fait moins ressentir. Le mobile banking est un concept qui demeure flou pour les non-initiés. Pourriez-vous nous en dire plus sur son utilisation, son utilité ? Le mobile banking permet à tout un chacun de réaliser des opérations et transactions bancaires en mobilité, c'est-à-dire à partir de son mobile ou de sa tablette numérique. Dans les pays en voie de développement, il permet à des populations ne possédant pas de compte bancaire d'avoir accès à des systèmes bancaires alternatifs. Les commissions sur les transferts d'argent étant moindres, les ressources profitent par ailleurs davantage au financement des besoins essentiels de la population (nutrition, éducation, santé), à la création d'entreprises, et encouragent l'épargne. Quelle place occupe le mobile banking parmi les services bancaires ? Aujourd'hui, un tiers des consommateurs dans le monde utilise son téléphone portable pour ses services bancaires. Ils seront 62% consommateurs à le faire dans moins de 3 ans. De plus en plus, le mobile banking va s'imposer aux banques. Il pourrait même devenir le canal de distribution principal utilisé par les clients, au détriment des agences. C'est un risque que les banques doivent prendre en compte, dès aujourd'hui. Dans les pays où les infrastructures sont peu développées, en particulier en Afrique, les banques positionnent même le téléphone mobile comme premier lien avec le client, favorisant ainsi la bancarisation. Selon l'étude, les trois quarts des souscriptions à un abonnement mobile, l'an dernier, ont eu lieu dans des pays en voie de développement. Au Maroc, il y a eu des expériences de paiement mobile. Qu'en ressort-il ? Au Maroc, nous connaissons l'initiative de MobiCash, lancée par Maroc Telecom, qui est pour l'instant la seule solution qui a réussi à faire parler d'elle, malgré des résultats mitigés. Cette solution permet d'effectuer des transferts entre particuliers, des transferts internationaux, de recharger son téléphone, de payer des factures d'eau et d'électricité et de régler des marchands acceptant MobiCash. Al Barid Bank réfléchit également à une offre complémentaire en mobile banking. Prudents, ils étudient toutes les conditions de réussite pour une solution simple et facile d'utilisation, avec des solutions financières et de règlement-paiement du mobile. La cible étant une clientèle bancarisée et non bancarisée, avec un accès aux zones les plus enclavées. Autrement dit, les Marocains ne sont pas vraiment friands de ce type de prestation ? Contrairement à d'autres pays émergents, le paiement mobile a du mal à prendre au Maroc. Cela est en partie dû au taux de bancarisation des Marocains (52 %), largement plus élevé que d'autres pays de la région. Par conséquent, le besoin d'une solution de paiement simple et dématérialisée facilitant les transactions se fait moins sentir. D'autre part, la transformation de ses clients bancaires en clients mobile banking prend plus de temps, car la proposition de valeur n'est pas encore suffisamment puissante. La valeur ajoutée du service de paiement mobile est plus perceptible lorsque l'on passe d'une situation où il n'y a ni banque, ni distributeur automatique, ni points d'acceptation commerçants à un téléphone portable qui couvre une bonne partie des besoins. C'est pourquoi, cette situation hétérogène, avec une partie importante de la population est bancarisée, et une partie tout aussi importante qui ne l'est pas rend la proposition de valeur compliquée. Quelles seraient selon vous les solutions pour assurer la réussite du mobile banking ? Au Maroc, comme je l'ai dit, le marché est complexe de part ses caractéristiques. Il existe d'une part une population qui est bancarisée et dont la proportion est plus élevée que dans d'autres pays de la région. Pour qu'elle « migre » vers une solution mobile, elle doit y voir une réelle valeur ajoutée et pas simplement une dématérialisation de la carte bancaire. D'autre part, la population non bancarisée a des besoins en services financiers qui ne sont pas satisfaits par les banques du pays et nécessite la création d'un système parallèle au réseau bancaire traditionnel. Cette approche duale est complexe pour les prestataires de services à la fois bancaires et opérateurs de télécommunications. Dans une pareille situation, il est important que le marché marocain concilie ces deux facteurs, en deux temps. Au départ, proposer des solutions adaptées à chacune de ces deux cibles pour les faire ensuite converger, progressivement, vers une seule offre homogène. * Tweet * * *