Organisatrice du premier symposium sur l'architecture écologique marocaine, du 25 au 28 avril à Fès, l'architecte Layla Skali évoque pour Le Soir échos la nécessité de valoriser et préserver le savoir-faire traditionnel de construction écologique. Autour de la thématique de l'architecture écologique, une équipe interdisciplinaire s'est constituée, formée d'architectes, ingénieurs, étudiants, artisans et institutionnels. L'architecture écologique est un concept à la mode. De-ci de-là, on entend parler de villes vertes ou de nouveaux bâtiments écologiques. Mais qu'en est-il vraiment ? Pour faire un tour d'horizon, tant à l'échelle internationale que nationale, un symposium sur l'architecture écologique a été organisé à Fès pendant 3 jours. Pour l'organisatrice de l'évènement, l'architecte Layla Skalli, l'architecture écologique consiste à faire coïncider l'architecture et le développement humain. « C'est une architecture à base de matériaux naturels, qui a un impact économique positif sur les populations », explique-t-elle. Partant de ce positionnement, tout un groupe d'experts s'est constitué pour se focaliser principalement sur les zones rurales, où les maisons en terre constituent de véritables habitats écologiques. « En réhabilitant les constructions en matériaux naturels, nous travaillons sur le phénomène d'exode rural, qui est la cause d'un problème plus large de densification des villes et des bidonvilles », souligne-t-elle. Véritable passionnée, l'architecte Layla Skalli revient, dans cet entretien, sur le patrimoine architectural écologique marocain, en insistant sur l'urgence de le préserver. L'achitecture écologique est en vogue à l'échelle mondiale. Mais quelle est sa réalité au Maroc ? On se bat dans le monde pour construire écologiquement, alors qu'au Maroc, il y a déjà un patrimoine énorme à revaloriser et protéger. Réhabiliter les anciens douars avec leurs maisons en terre est un geste écologique. Le fait de déjà se concentrer sur ce patrimoine, matérialise l'architecture écologique marocaine. Notre but est de faire le pont entre les artisans, dont le savoir-faire est en train de se perdre, et les avancées technologiques et scientifiques actuels (analyses de terre, etc). De plus, il y a de nombreux matériaux naturels qui peuvent être envisagés, tels que la laine de mouton ou encore le chanvre, qui sont des secteurs porteurs. Les maisons en terre sont des constructions écologiques par excellence. Ci-dessus, une maison en terre dans le village Saqia dans la province de Sefrou. Les artisans se faisant de plus en plus rares, les constructions écologiques déjà existantes, telles que les maisons en terre dans les douars, se délabrent. Pourquoi le savoir-faire traditionnel est-il si peu valorisé ? C'est une histoire de politique de ville, marquée par une logique quantitative. Pendant les 3 jours du symposium, il y a eu un cri de cœur général : on ne veut plus de cette logique, avec des villes nouvelles qui sont des dortoirs. Il faut travailler avec les gens et écouter leurs réels besoins. Les gens de la campagne partent parce qu'ils vivent mal. Il y a un problème de focus : il faut inverser la vapeur et voir comment on peut réhabiliter les villages plutôt que de laisser partir les gens vers les villes, ce qui crée encore plus de bidonvilles. Nous ne souhaitons pas une muséification du patrimoine existant, il faut, bien sûr, réfléchir à ce qui manque et comment améliorer. Les maisons en terre existantes sont aujourd'hui rafistolées de bric et de broc car de nombreux artisans ont quitté les villages. Il faut s'interroger sur comment transmettre le savoir-faire des artisans. Le principal matériau naturel utilisé au Maroc est la terre. Quelles sont ses vertus ? La principale vertu de la terre est l'inertie. On ressent un véritable bien-être à l'intérieur d'une maison en terre. La différence de température avec l'extérieur est toujours stable, avec un degré intéressant. De plus, si la maison est construite avec ingéniosité, cela crée un espace extraordinaire, sans que l'on ait à consommer de l'énergie pour chauffer ou climatiser. Et contrairement à ce que l'on pense, la terre est très résistante. Des murs de plus de 8 mètres peuvent tenir pendant plusieurs siècles. Pour cela, il faut couper la terre de l'humidité du sol et la protéger des intempéries par la toiture. Il est également possible de mélanger la terre avec une bonne proportion de sable et de gravats. Plusieurs projets de villes vertes voient le jour. S'agit-il d'une réelle volonté écologique des constructeurs ou d'un outil marketing ? Justement, c'est pour cela que nous nous sommes positionnés dans ce domaine. L'architecture écologique est un argument vendeur. Il y a un vrai risque à surfer sur cette mode écologique de passer à côté de son potentiel de développement. Il faut vérifier si les choses sont sérieuses. S'agit-il de projet construit en matériaux écologiques plutôt qu'en béton ? Quel est le bilan carbone de ces projets ? Quelle est la démarche de l'architecte ? Prend-il en compte tous les atouts naturels du lieu (vent, pluie, etc) ? Mais il y a aussi un problème de label au Maroc. Une école écolo Suite au symposium, l'équipe interdisciplinaire, regroupée autour de la thématique de l'architecture écologique, n'entend pas rester les mains dans les poches. Première étape pour passer à l'action, le groupe entend se constituer très prochainement en association, sous le nom d'Association pour le développement de l'architecture écologique marocaine. Plusieurs projets sont déjà en gestation, dont la construction d'une première école écologique dans le village de Tarhamra, dans la province de Sefrou, avec la Fondation Good Planet. « Cette école sera un prototype, avec la participation de nombreux professionnels. Ce sera une première expérience concernant à la fois l'architecture de terre mais aussi la récupération des eaux de pluie, et le problème de l'assainissement, crucial dans tous les villages », nous explique Layla Skali. Côté concret, la CDG s'est déjà engagée pour donner le terrain, et les idées pour cette nouvelle école bouillonnent déjà dans la tête de l'équipe. A suivre…