Rachida Madani, la poétesse de Tanger, a donné en 2006 un roman passionné «L'histoire peut attendre» (Editions de La Différence). Son premier recueil de poèmes «Femme je suis» paru en 1981 chez un si petit éditeur français que son nom de marque, les inéditions Barbare, était comme une manière de se faire encore plus petit. On peut dire que cette ancienne étudiante d'Abdel Fattah Kilito sut attendre avant de passer de la poésie à la prose. Ghislain Ripault dirigeait la frêle maison qu'était Barbare et, comme il animait alors le Comité réclamant la libération de Abdellatif Laâbi, on ne s'étonna point de lire en préface le salut à Rachida de celui qui ne s'imaginait pas alors recevoir en 2009 le Goncourt de la poésie. «L'histoire peut attendre» a fait mieux que confirmer la puissance de l'univers intérieur de cette Tangéroise ennemie des compromis boiteux. On se souvenait qu'elle avait écrit : «Mon enfance avait la fraîcheur d'une vitrine cassée.» Voici qu'à l'air libre que procure la page blanche, Rachida Madani composait avec «L'histoire peut attendre» un hymne blessé. On a rarement lu un récit à ce point capable de défier le besoin qu'éprouvent la majorité des lecteurs d'une efflorescence d'événements, d'anecdotes, d'actions, ou encore d'un pullulement de personnages aux intérêts contradictoires. Rachida Madani se révèle une auteure d'une toute autre trempe : sa narratrice est emportée dans un vertige mental et le lecteur avec. La nature et la ville sont changées par elle en acteurs insidieusement décisifs. Lorsqu'elle écrit : «J'ai coutume d'écouter, très tard dans la nuit, le cœur de la Méditerranée battre contre les falaises», les lecteurs se tiennent aussitôt sur leurs gardes. L'itinéraire de la voyageuse n'a-t-il pas quelque chose d'affolant, de fatidique ? Peu à peu, le véritable objet de la querelle se dessine. Un corps-à-corps entre la porteuse de paroles et son livre. Tour à tour conte oriental et pamphlet, méditation spirituelle et introspection presque rageuse, ce texte à la fois très moderne et hanté par des mânes est comme drapé dans les soies du mythe. Le tour de force de Rachida Madani, c'est de parvenir à traiter le lecteur en rival. Elle ourdit les voies d'une sorte de concurrence amoureuse dont elle se fait le témoin apparemment intraitable. Peut-être répond-elle, à sa façon énigmatique, à cette question que Montherlant posait en titre d'un de ses livres : «Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?» La paix passerait-elle par la possibilité de dresser avec art des obstacles à l'incrédulité ? C'est l'impression que donne ce passage de «L'histoire peut attendre» : «Alors, elle s'entendra au cœur de la nuit, d'une voix qui n'en peut plus et qui n'est presque plus la sienne, reprendre pour la énième fois l'histoire de l'homme pieux, saint parmi les saints, qui avait le don de faire verdoyer les arbres sous lesquels il s'ombrageait et qui portait donc, si bien, son nom de fraîcheur et de verdure.» On imaginait Rachida Madani campée dans un refus vigilant : c'est plutôt une vigie qui rêve et qui travaille à son prochain livre ainsi qu'elle en a sans forfanterie informé son éditeur. Pourquoi attendriez-vous la publication de son deuxième roman avant de vous mesurer à «L'histoire peut attendre» ? Ce texte fulgurant et doux a conservé, lorsqu'on le relit, toute son étrange séduction. D'un tel livre, on se réjouit en le lisant de penser qu'il faut le mériter, sans avoir pour autant le sentiment d'être regardé de haut. Quel éditeur marocain imitera les éditions Tarik qui viennent de rééditer à un prix abordable «Les Demoiselles de Numidie» de Mohamed Leftah et «French Dream» de Mohamed Hmoudane ? Le tour de «L'histoire peut attendre», c'est pour quand ? Fasse le ciel que l'on ne doive pas attendre une éternité plus un jour la possibilité, pour des lecteurs dont le budget loisirs connaît ses limites, de faire avec l'héroïne de «L'histoire peut attendre» un bout de chemin inoubliable. Agadir - Exposition : Camus A l'occasion du 50e anniversaire de la mort d'Albert Camus, une exposition originale écrite par José Lenzini et mise en page par la Librairie Gaïa retrace la vie de cet écrivain, dramaturge, essayiste et philosophe français. L'exposition se poursuit jusqu'au 3 avril dans le hall de l'Institut Français d'Agadir. Institut Français Jusqu'au 3 avril. El Jadida - Broderies : Hafsa El Hassani El Jadida - Broderies : Hafsa El Hassani L'alliance franco-marocaine d'El Jadida abrite à partir du vendredi 26 mars à 16 heures une exposition de broderies de Hafsa El Hassani. Les éléments qui distinguent une broderie d'une autre sont souvent la technique, les motifs et les couleurs. Les visiteurs de cette exposition seront donc amenés, à travers cette intervention, à déceler les aspects techniques de cet art féminin par excellence. Alliance franco-marocaine-Vendredi 26 mars-16 heures.