On croit à tort que le salarié ayant commis une faute grave peut être licencié sans indemnités. Pourtant, une procédure à suivre avant le licenciement est bien établie et son non-respect peut faire annuler le licenciement par le juge. Quant au salaire et aux congés payés, ils restent dûs, même si le jugement du tribunal est en faveur de l'employeur. Les réformes du code de travail se sont succédé au fil des années sans pour autant apporter une définition précise de la notion de faute grave. Certains y voient la main du lobbying patronal qui aurait exercé une pression sur le législateur qui, au final, n'a fait que dénombrer quelques cas de figures de fautes graves, uniquement à titre indicatif. Pour Ali Boufous, professeur à la faculté de droit de Casablanca et conseiller d'entreprise en droit du travail, «la non-définition de la faute grave découle tout simplement de l'impossibilité de prévoir toutes les fautes graves qui peuvent survenir dans les différents secteurs d'activité. Le droit du travail étant uniquement une base et un minimum, a laissé la porte ouverte aux sources du droit conventionnel, notamment les conventions collectives et les règlements internes pour établir et arrêter les listes de fautes graves». Par ailleurs, «l'absence de définition claire et précise dans le texte de loi qui régit la relation de travail n'est pas spécifique au Maroc. C'est le cas également en France», souligne professeur Lami El Maâti. Avant de préciser que l'on distingue toutefois trois catégorie de fautes. La première est dite simple et n'entraîne pas de licenciement. La seconde est dite grave et est définie par la Cour de cassation (équivalent de notre Cours suprême, ndlr) comme étant celle qui rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise. En troisième lieu, il existe ce que l'on appelle la faute lourde. Celle-ci est présentée comme étant effectuée de manière intentionnelle, afin de nuire à l'employeur. Il est clair que désigner une faute comme appartenant à l'une ou l'autre de ces catégories n'est pas facile. Procédure à suivre Ainsi, que ce soit dans la législation française ou marocaine, l'appréciation de la gravité d'une faute commise par le salarié est laissée à l'appréciation du tribunal. Le juge, avant de délibérer sur la gravité de la faute, vérifie d'abord si la procédure a été bien suivie et les délais respectés. Mais avant d'en arriver là, l'employeur est tenu de constituer ses preuves. De même, l'employeur doit donner au salarié l'occasion de se défendre et de se justifier, car «une fois devant le juge, ce dernier, avant même de délibérer sur la gravité de la faute, vérifie si la procédure et le respect des délais ont été bien suivis», souligne Boufous. Il est donc nécessaire que le salarié soit convoqué, accompagné du délégué syndical, pour se défendre auprès de son employeur. Si cette séance reste infructueuse, les deux parties s'adressent à l'inspecteur du travail. Ce dernier, chargé de remplir sa fonction de pré-conciliation, écoute les deux parties et cherche à les aider à trouver un compromis. Les acquis du salarié Dans le cas où les parties trouvent un accord, il n'est plus nécessaire d'aller jusqu'au tribunal. Dans le cas contraire, l'insapecteur de travail établi un procès verbal de non-conciliation et c'est au juge de délibérer. Par ailleurs, «le passage chez l'inspecteur de travail n'est pas obligatoire, car il ne constitue qu'une solution médiane», précise Boufous. Dans le cas où le jugement du tribunal est à la faveur de l'employeur, il est clair que le salarié n'a pas droit à des indemnités, ni à des dommages et intérêts. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il a perdu tous ses droits. Car, s'il n'a pas droit à l'indemnité de licenciement ou à des dommages et intérêts pour licenciement abusif, il va sans dire que le salarié a droit à son salaire qu'il n'a pas encore perçu pour la période travaillée jusqu'à la date de son licenciement. Il a également droit à l'indemnité correspondant au reliquat de congés payés qu'il n'a pas encore épuisé.