Une étude réalisée par le Think tank, Pew research center classe le Maroc dans le groupe des pays où l'hostilité sociale contre la religion est jugée « modérée ». Qu'en est-il réellement ? Avis d'experts. Le phénomène est mondial : la liberté de culte et de conscience sont en net recul. Aujourd'hui, il est devenu plus difficile de pratiquer (ou non) librement sa religion, surtout pour les chrétiens et les musulmans. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée par le Pew research center, un Think tank américain qui pointe du doigt les restrictions gouvernementales de pratique religieuse appliquées dans 198 pays pratiquant des restrictions ou une hostilité sociale à la liberté de culte. Concernant le Maroc, le Pew research center nous classe dans le groupe des pays où l'hostilité sociale contre la religion est jugée « modérée». Moralité, et bien que modérée, l'intolérance religieuse existe bel et bien au plus beau pays du monde. Pour Mostafa El Khalfi, membre du conseil national du PJD et directeur du Centre marocain des études et des recherches contemporaines, ce classement a valeur de sanction. Pour lui, le Maroc paie les frais de ses décisions prises dans l'affaire de Aïn Leuh en 2010. Pour rappel, 16 ressortissants étrangers, de nationalités différentes, qui dirigeaient un orphelinat situé dans la commune de Aïn Leuh dans la province d'Ifrane, ont été expulsés. Ils étaient accusés de prosélytisme évangéliste. La décision d'expulsion a suscitée un tollé au Congress américain. «Les évangéliques ont même mené une campagne contre le Maroc. C'est la raison pour laquelle le Maroc a obtenu ce classement», renchérit Mostafa El Khalfi avant de poursuivre que «le Pew research center est une institution dont le conseil d'administration est présidé par l'ancienne secrétaire d'Etat américaine Madeleine Albright. C'est un outil de pression que l'Etat américain utilise pour contraindre les gouvernements à changer de position. Le classement de la prochaine année sera meilleur avec l'adoption de la nouvelle Constitution», nous informe ce fin connaisseur des circuits de prise de décision aux Etats-Unis. La nouvelle loi fondamentale stipule dans son préambule que le Maroc s'engage à bannir et combattre toute discrimination à l'encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue, du handicap ou de quelque circonstance personnelle que ce soit. Pour autant, la question de la liberté de culte et de conscience est loin d'être tranchée. Elle a même suscité une vive polémique lors de l'élaboration de la nouvelle Constitution. Une véritable guerre a opposé modernistes et islamistes. Le PJD a pesé de tout son poids pour changer les dispositions relatives à la liberté de conscience et qui figuraient noir sur blanc dans la première mouture. Mostafa El Khalfi nuance en affirmant que «la loi marocaine n'oblige personne à se convertir à l'islam». «Tout ce qu'il y a, c'est que le code pénal punit toute personne qui tente de convertir une autre personne à une autre religion, surtout lorsqu'il s'agit de mineurs et de personnes dont la situation sociale est précaire», précise notre intellectuel islamiste. Ahmed Assid, militant amazighiste et, surtout, un des grandes défenseurs de la laïcité au Maroc, ne voit pas les choses de cet œil. « Il y a des contradictions entre le discours officiel et la pratique. La liberté de culte est affichée, mais uniquement dans les textes. Toutefois, on continue à arrêter les gens pour leur religion, à expulser les évangélistes, à diffuser dans les programmes scolaires un discours intolérant vis-à-vis des autres confessions », s'indigne-t-il. Pour lui, le Maroc est loin de se situer dans des perspectives «modérées», qualification qu'il juge bien trop élogieuse à l'égard du pays. Mais visiblement, nous ne sommes pas les seuls. Même des pays comme la France y passent. Les auteurs du rapport reprochent à Paris sa loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics et les « pressions » contre l'Eglise de scientologie. « Au cours de ces trois années étudiées, des brimades contre les chrétiens venant de gouvernements ou de personnes ont été enregistrées dans 130 pays et contre les musulmans dans 117 pays. En 2009, les dirigeants de 101 pays, soit plus de la moitié du globe, ont infligé des brimades de plus ou moins grande ampleur à des groupes religieux, contre 91 pays un an auparavant», soulignent les auteurs de l'étude. C'est dire que la tolérance a encore du chemin à faire.