Le Ritalin et les autres types de psychostimulants sont toujours l'apanage d'une majorité d'enfants présentant des troubles de l'attention. Mais la hausse de la consommation de Ritalin est, proportionnellement, beaucoup plus importante chez les adultes. Dans certains cas, il s'agit bien sûr d'enfants Ritalin devenus grands. On a longtemps cru que le trouble du déficit de l'attention s'atténuait avec l'âge, mais on sait aujourd'hui que ce n'est que partiellement vrai. «Les études de suivi nous montrent qu'à peu près 50 % des enfants qui avaient un trouble de l'attention ont encore les mêmes symptômes à l'âge adulte. Il y a aussi des gens qui ont moins de symptômes, mais qui sont toujours affectés. Dans ces cas-là, la proportion grimpe à 80 %», affirme la Dre Annick Vincent, spécialiste du trouble de l'attention et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet. On a longtemps cru que le trouble du déficit de l'attention s'atténuait avec l'âge, mais on sait aujourd'hui que ce n'est que partiellement vrai. Il est toutefois difficile de connaître la proportion d'enfants à qui on a prescrit du Ritalin et qui continuent d'en prendre à l'âge adulte. «On n'a pas de réponse, poursuit-elle. Certains vont interrompre leur traitement à un moment, puis ils vont le reprendre, pour des raisons qui leur appartiennent». De manière générale, on estime que 4 % de la population adulte est atteinte d'un trouble déficitaire de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), comparativement à 5 % chez les enfants. Mais dans d'autres cas, il s'agit aussi d'adultes qui découvrent qu'ils souffrent d'un TDAH à 40, 50 ou 60 ans. Certains symptômes peuvent diminuer avec l'âge, mais leur impact peut par contre devenir plus important, explique la Dre Vincent. «Si tu es impulsif, que tu quittes ton job ou que tu fais des dépenses sur un coup de tête, c'est sûr que ça passe beaucoup moins bien à 40 ans qu'à 10 ans. Plus on grandit, moins on est encadré et plus on doit gagner en autonomie. Alors, pour un adulte qui souffre d'un TDAH, plus il vieillit, plus ça peut être difficile de compenser» La hausse du nombre d'adultes qui ont recours au Ritalin peut s'expliquer par une plus grande accessibilité au diagnostic, selon la Dre Vincent. Certains se décident finalement à consulter après que leurs enfants ont reçu un diagnostic de TDAH, un trouble qui est héréditaire dans 85 % des cas. «Parmi mes patients, j'ai un grand-père qui a découvert qu'il avait un déficit de l'attention quand son fils et son petit-fils ont été diagnostiqués», raconte-t-elle. Mais peut-il être nocif de consommer des psychostimulants pendant des années, voire des décennies? Difficile à dire. Pour l'instant, aucune étude ne permet d'affirmer qu'il pourrait y avoir des effets à long terme, indique la Dre Vincent. «Ça pourrait être correct de prendre du Ritalin à vie, affirme-t-elle. On n'a pas d'indice laissant croire qu'il y aurait une dangerosité à long terme, pourvu qu'on tolère bien la médication. Je traite des gens depuis 15 ans, je n'ai jamais eu de patients qui ont développé des problèmes à long terme. S'ils ont à développer des effets secondaires, ils les développent habituellement dans la première année, voire dans les premières semaines de la prise de médicament». Mais la médication, que ce soit chez les adultes ou les enfants, ne règle pas tout, rappelle Lyne Guillemette. «Le fait de souffrir d'un TDAH peut amener d'autres conséquences. Même si on améliore la situation avec des médicaments, il peut aussi y avoir des conséquences sur l'estime de soi, des problèmes d'anxiété ou de dépression… Les complications peuvent augmenter avec l'âge». Or, le nombre d'adultes qui ont recours au Ritalin pourrait augmenter encore davantage au cours des prochaines années, puisque environ 90 % des adultes qui souffrent d'un TDAH n'ont recours à aucun traitement, selon différentes études. Un des raisons qui peut expliquer cette hausse fulgurante est la fréquence de prise de médicaments, qui a augmenté avec les années. «À l'époque, on préconisait un traitement seulement pendant les journées d'école. Maintenant, avec ce qu'on sait sur les impacts non académiques des troubles de l'apprentissage, on préconise un traitement sept jours sur sept, ce qui fait augmenter le nombre d'ordonnances», explique la Dre Annick Vincent, spécialiste du trouble de l'attention et auteure de plusieurs ouvrages sur le sujet. Abdelali Chibani