Protection civile, Croissant-Rouge, autorités locales et associations, le Maroc possède une batterie de premiers secours et d'aides aux populations. Pourtant, les inondations de la région du Grand Casablanca ont suscité l'indignation d'une partie des habitants sinistrés. Une protection civile au système archaïque, une mauvaise évaluation des risques, aucune prise en compte des risques naturels lors des aménagements cartographiques… les critiques ne tarissent pas. L'Etat, premier responsable ? Zoom sur une organisation où mobilisation rime avec solidarité. Facteur de dommages aux biens, de pertes en vies humaines, de perturbations sociales et économiques et de dégradation de l'environnement, les inondations sont l'un des points noirs du Maroc. Classées au deuxième rang derrière les risques sismiques à l'échelle du bassin méditerranéen, elles occupent néanmoins la première place en termes de fréquence. Surtout, en raison de l'accumulation d'habitats, de la densité de la population et de la concentration d'activités commerciales et industrielles, les zones urbaines sont extrêmement sensibles aux inondations. Ainsi sont-elles considérées comme des zones à risques, nécessitant l'intervention immédiate des autorités locales qui veillent à l'élaboration, la mise à jour et l'exécution de plans d'organisation et d'intervention des premiers secours. La protection civile, d'une part, déploie des moyens de secours immédiats pour évacuer les sinistrés. D'autre part, les autorités locales relogent les sinistrés sous des tentes et des camps spécialement aménagés et équipés en couverture, eau, denrées alimentaires et médicaments. Ainsi, les stratégies de lutte contre les risque d'inondation au Maroc doivent répondre à un programme d'action allant de la prévention (connaissance et sensibilisation aux risques) à la protection contre les risques, la préparation, la prévision, la surveillance et l'alerte, l'intervention, le secourisme, la réhabilitation, la contribution des organisations non gouvernementales (ONG) et la collaboration internationale. Autant de mesures qui, comme le souligne le compte-rendu Stratégies de gestion des risques d'inondations au Maroc de M. G. Zahour, chercheur à la faculté des Sciences de Ben M'Sik, demeurent terriblement fragiles : «Ces dispositifs manquent parfois de précisions ou sont mal interprétés en temps utile. De nombreux exemples récents montrent que c'est surtout le manque d'organisation dans les secours et le défaut dans l'appréciation du danger qui sont responsables du bilan catastrophique de certains évènements hydrométéorologiques. L'annonce de crue et l'alerte du risque d'inondation sont déclenchées sur prévision météorologique. La transmission de cette alerte aux populations en danger, par l'intermédiaire de moyens de communications efficaces en temps réel, est le devoir des corps techniques appropriés». Un plan d'organisation archaïque, une méthode d'origine peu efficace, le Dr Mostafa Chanaoui, secrétaire général de la CDT Santé, rappelle que «l'intervention devant une catastrophe doit être intégrée dans la politique de la ville. Malheureusement, le programme élaboré par le gouvernement il y a un an ou deux n'a jamais été mis en application». En ligne de mire, le manque de moyens et la nécessité d'avoir des équipes spécialisées dans ce type d'interventions marquent le point faible des premiers secours marocains. En effet, selon le compte-rendu de la mission de la Protection civile, l'organisme disposait en 2005 d'un agent pour 7.000 habitants et d'un engin de secours pour 34.000 personnes et 1.100 km2. Egalement, l'organisation périodique des exercices de simulation des opérations d'intervention reste quasi inexistante. «Les gens qui interviennent sont polyvalents. Ils sont censés pouvoir gérer n'importe quel type de catastrophe. Sauf qu'ils ne sont pas ou peu formés aux cas de catastrophes naturelles. L'exemple de Casablanca le confirme», ajoute M. Chanaoui. En réfutation, rappelons que les inondations de la région de Gharb, visibles sur deux années successives, ont été maîtrisées par les premiers secours. Laissant place à l'émergence d'un autre problème inhérent aux inondations : certaines procédures de dératisation et de démoustication n'ont pas été prises par les autorités. Une négligence qui a suscité une série de pandémies comme l'apparition de la maladie de la lyptospirose dans la région de Khenichate, province de Sidi Kacem, et la région de «Oulad Hessine» dans la province de Sidi Slimane. Ainsi, «l'analyse de l'état actuel de la gestion des risques au Maroc montre des lacunes au niveau de la prise en compte des risques naturels dans les plans d'aménagement au niveau de la cartographie des zones à haut risque et au niveau de la définition d'une stratégie globale et coordonnée de prévention et de lutte contre les risques d'inondations», insiste G. Zahour. Dr. Mohammed Bendali, Chef de la division du secourisme, volontaires, jeunesse et gestion des catastrophes, Croissant-Rouge marocain « Les actions menées sont complémentaires à celles menées par les pouvoirs publics» Comment se déploient les actions du Croissant-Rouge en cas de catastrophe naturelle ? Quelles furent vos actions lors des inondations de la semaine dernière ? Le Croissant-Rouge marocain (CRM), auxiliaire des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, est appelé dans toutes ses actions aux profits des populations à répondre aux besoins des vulnérables notamment en cas de catastrophes naturelles. Son intervention revêt le caractère d'urgence dans la préparation, la réponse et l'évaluation des besoins par des programmes de réhabilitation. Les actions menées sont complémentaires à celles menées par les pouvoirs publics. Pendant les dernières inondations, le CRM, qui est membre de la cellule de veille et de gestion des crises, a procédé avec les acteurs publics à l'évaluation des dégâts et des besoins. Ladite cellule de veille est présidée par les walis et gouverneurs des provinces sinistrées. En coordination et en concertation avec les intervenants, les volontaires du CRM ont accompagné les sinistrés pour les évacuer dans des lieux sûrs en leur octroyant les premiers secours et un soutien psychosocial. Le service central a dépêché des aides sous forme d'articles de secours en mobilisant le dépôt national à Skhirat. Comment s'articule la politique de premiers secours entre l'Etat et le Croissant-Rouge ? Le CRM est appelé dans toutes ses actions aux profits des populations à répondre aux besoins des vulnérables et notre mandat est clair dans la politique des premiers secours. Dans le plan ORSEC, nous travaillons en étroite collaboration avec la Protection civile (PC) sur le site de la catastrophe en fournissant les premiers secours et le soutien psychologique puis en procédant à diverse évacuations des sinistrés. En concertation avec les autorités locales, le CRM gère les camps des sinistrés et des impliqués. Le CRM a pour vocation première la diffusion des principes et des valeurs humanitaires du mouvement de la Croix-Rouge, la réduction des risques de catastrophes et la formation du grand public aux premier secours. Comment réagissez-vous à la critique selon laquelle les forces de sécurité et de premiers soins n'ont pas été suffisamment déployées lors des inondations ? Comment y remédier ? Lors des dernières inondations survenues dans les régions du Grand Casablanca, la région Saint-Sébastien-sur-Loire et la région Taza-Taounate-Al Hoceima, les comités provinciaux et locaux et les volontaires du Croissant-Rouge marocain sont intervenus dans le cadre de la réglementation en coordination avec les autorités publiques dans les premières heures du sinistre et ont trouvé toutes les facilités de la part des autorités publiques. Dans ce genre de situations, l'objectif du CRM et des autorités publiques est d'éviter des pertes en vies humaines et de réduire les dégâts matériels par des interventions coordonnées. Le CRM, la Protection civile, les autorités militaires et les services de santé travaillent de concert pour réduire l'impact négatif et minimiser les dégâts. Conscient de cette situation, le CRM développe des programmes de formation de sensibilisation et l'information sur la réduction des risques et sur les comportements à adopter lors des sinistres. Ce sont 40.000 volontaires répartis sur tout le territoire national qui se mobilisent à chaque fois qu'ils sont invités à le faire par les comités régionaux provinciaux et locaux du CRM. Notre Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dont le CRM est membre actif, se fixe pour objectif la formation d'un secouriste par famille et ce, dans le but de réduire au maximum les pertes en vies humaines et les dégâts matériels.