Quels sont les leviers de motivation chez l'apprenant ? Une interrogation qui trouve tout son sens dans notre système éducatif, où le simple fait de dispenser le savoir ne garantit plus son assimilation, et encore moins une quelconque réussite. C'est pour essayer de répondre à cette question que plusieurs professeurs et chercheurs se sont réunis à l'occasion d'une conférence organisée par l'ESIG. Par définition, la motivation est une forme d'énergie qui peut revêtir plusieurs facettes, telles que l'enthousiasme, l'assiduité ou encore la persévérance. Pour être exploitée dans la valorisation et le développement du sens de l'apprentissage, cette forme d'énergie doit passer outre certaines contraintes plus terre-à-terre. D'abord, l'évolution de l'apprenant se fait dans un environnement dominé par les difficultés d'insertion dans le milieu professionnel. Ensuite, les évolutions technologiques et les mutations opérées dans l'organisation du travail mettent en évidence un déséquilibre avec les compétences disponibles sur le marché. Facteur déterminant de l'engagement Pour se démarquer dans ce contexte, tout apprenant doit s'impliquer activement dans l'acquisition de ses connaissances. À ce titre, la motivation à l'origine de son engagement en formation et de son investissement dans les activités d'apprentissage revêt une importance cruciale, principalement parce qu'elle peut constituer un véritable moteur. Si a contrario cette motivation fait défaut, c'est le chemin assuré vers l'échec. La communication joue un rôle essentiel dans la construction de la motivation chez l'apprenant. Elle permet en premier lieu d'identifier la valeur qu'il attribue à son implication. Un certain nombre de questions permettent d'y répondre : qu'est-ce que j'obtiens en retour pour ma performance accomplie ? Si je fournis ces efforts, à quelles retombées dois-je m'attendre ? En adoptant cette approche, l'apprenant peut ainsi établir une corrélation entre la performance et le résultat escompté. Un constat qui a été mis en évidence par de nombreuses recherches : l'être humain ne se motive que s'il se sent capable d'atteindre des objectifs qui peuvent lui assurer des «récompenses» que lui-même valorise. Ainsi, l'un des principaux avantages de cette démarche est qu'elle utilise la motivation comme moyen de se projeter dans le futur. Ce qui donne à un apprenant motivé une réserve d'énergie supplémentaire par rapport à un autre qui n'a pas de visibilité quant à son avenir proche. Parmi les principaux déterminants de la motivation chez l'apprenant, la perception de la valeur de l'activité ; son aptitude à l'accomplir ; et celle de son propre intérêt pour la question. Ces déterminants peuvent être identifiés selon un certain nombre d'indicateurs, tels que les choix d'entreprendre une activité, la persévérance dans ce choix ou encore l'engagement cognitif à accomplir cette activité. Le rôle central de l'enseignant Seulement, si le développement de la motivation chez l'apprenant incombe à ce dernier, le rôle de l'enseignant à cet égard est tout aussi déterminant. Celui-ci doit en effet présenter le contenu de son enseignement pour qu'il ait un sens aux yeux de ses étudiants. C'est ainsi qu'il pourra susciter leur curiosité, répondre à leurs attentes, voire les créer. Trois volets sont nécessaires à la concrétisation de cette démarche. Le premier consiste en l'estimation de l'importance du besoin d'apprentissage parmi les autres besoins. Quant au contenu, l'enseignant ne doit pas se contenter de le dispenser de manière académique, mais expliciter aux apprenants la signification des connaissances qu'ils doivent acquérir. Enfin, il est important que ces étudiants puissent disposer d'un pouvoir sur la réalisation de leurs tâches d'apprentissage, notamment en termes de gestion du temps. Ce constat se vérifie particulièrement dans le cas de la formation par apprentissage, où le rythme d'alternance des formations théorique et pratique compte pour beaucoup dans l'assimilation des compétences métier. Différentes stratégies existent pour favoriser cette assimilation du savoir par la motivation. La plus populaire consiste en la «protection» de la volonté d'apprendre en jouant sur les objectifs, les espérances et les valeurs de l'apprenant. La fixation des objectifs doit faire l'objet d'une attention particulière, car leur non atteinte est la première cause de démotivation. En effet, ces objectifs doivent être réalistes et concrets. Réalistes, car si leur concrétisation ne peut se faire qu'à long terme, l'apprenant doit être en mesure de les décliner en plusieurs sous-objectifs, permettant ainsi une meilleure gestion des efforts. Concrets, car cela facilite leur évaluation, et permet donc de juger de la pertinence de la démarche et, si nécessaire, de rectifier le tir en cours de route. Cette autoévaluation de la performance par l'apprenant lui-même renforce son autonomie et par conséquent sa motivation, car elle développe chez lui le réflexe intellectuel qui consiste à attribuer une cause significative aux résultats. En parallèle, l'enseignant devra assurer le rôle de régulateur de cette motivation. Ce qui suppose une gestion de l'attention et de l'anxiété de l'apprenant, tout en optimisant les mécanismes de mémorisation et d'apprentissage. Le résultat de cette approche est une motivation forte, car fondée sur la responsabilité et la reconnaissance de l'accomplissement. Sur ce dernier point, il est important que l'apprenant soit conscient de sa progression pour maintenir son niveau de motivation. Car si être compétent sous-entend bien sûr de posséder la compétence, il faut également avoir la conscience de la posséder, et surtout savoir la reconnaître. TIC et motivation La présence de plus en plus prononcée des technologies de l'information et de la communication (TIC) est indéniable, et ce dans tous les domaines de l'activité humaine en général et de l'enseignement supérieur en particulier. «Les TIC transforment le rapport des apprenants au savoir, notamment en modifiant leurs modes de lecture, de recherche et de production», atteste Najemeddine Soughati, professeur à l'université Ibn Tofail (Kénitra). En effet, l'intégration des TIC dans le domaine pédagogique présente un réel potentiel, dans le sens où elles consolident l'apprentissage et la motivation des étudiants par le biais du tutorat et du travail collaboratif sans aucune limite spatiotemporelle. Bien qu'elles ne soient pas une solution miracle, les TIC «peuvent constituer de véritables catalyseurs de motivation pour les apprenants et d'innovation pédagogique pour les enseignants», témoigne Fouzia Messaoudi, doctorante à l'université Hassan II et chef de projet des ressources numériques. Principalement parce que ces technologies permettent d'enrichir les connaissances des apprenants, mais surtout améliorent leur capacité de résolution des problèmes. La motivation dans la société marocaine Les institutions occupent une place importante dans le processus de motivation des apprenants, notamment «en leur fournissant les outils pour décrypter le monde» comme en témoigne El Mostafa Aboumalek, professeur chercheur à l'université Hassan II. La première de ces institutions, la cellule familiale, voit de nos jours son rôle de plus en plus se rétrécir au profit de la société. Or, un discours négativiste circule de manière remarquable dans la société marocaine. «Les causes qui ont déclenché ce discours sont compréhensibles et défendables, sauf que sa répétition a eu pour effet de banaliser les problèmes évoqués ainsi que leurs conséquences sur le façonnage des mentalités dans le pays», déplore Abdelilah Atid, directeur de Next-Consulting. En effet, le système éducatif marocain n'a pas su inculquer à de nombreuses générations d'apprenants la capacité de remettre en question certains postulats largement diffusés en société. Ce manque de recul peut être assimilé à un véritable fléau dans le sens où de plus en plus d'apprenants croient fermement que le mérite n'a aucune place dans notre société. Pour eux, le choix d'un cursus se fait en fonction de sa «notoriété» et l'obtention d'un diplôme dépend uniquement du paiement des mensualités. Dans cette optique, la valeur académique du savoir dispensé n'a que très peu, voire pas du tout, d'importance aux yeux d'une large frange d'apprenants. Pour couronner le tout, le manque d'engagement et la médiocrité sont quasiment devenus des comportements pathologiques, légitimés par une mentalité défaitiste qui sévit dans notre société. Autant de freins à la motivation qui sont amplifiés par la suprématie du privilège sur le mérite, phénomène qui a longtemps sévi au Maroc et dont les effets se font encore sentir de nos jours. L'espoir est quand même permis. Pour évoluer dans ce contexte, le directeur de Next-Consulting conseille aux apprenants «d'être pessimistes de raison et optimistes de volonté».