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Logement social et écolo... l'équation est possible
Publié dans Les ECO le 10 - 02 - 2011

Pas moins d'un million d'unités ! C'est le déficit à combler en termes de logements sociaux. Sur ce besoin global, le gouvernement ambitionne la réalisation d'environ 150.000 logements par an. C'est dire combien le potentiel sur ce segment du marché immobilier est énorme. Un volume tellement important que l'empreinte de sa réalisation sur l'urbanisme est déterminante. Il s'agit là d'un élément fondamental dans le maintien de la paix sociale, surtout à travers le fonds Fogarim, qui permet aux citoyens à revenus instables de bénéficier du financement bancaire malgré leur non éligibilité initiale. Et les statistiques sont là pour témoigner du rôle que joue le logement économique dans le maintien de cette paix sociale. Comme cela a été relevé par le ministère de l'Habitat, 70% des ménages bénéficiaires ont un revenu mensuel inférieur à 4.000 dirhams et seulement 9,9% des familles ont un revenu supérieur à 6.000 DH. Aussi, la quasi-totalité des propriétaires (95%) ont fait appel au crédit bancaire, avec dans 38,9% des cas, une durée de remboursement supérieure ou égale à 20 ans, sachant que 83% des acquéreurs remboursent moins de 1.500 dirhams par mois. Mais une question s'est posée à maintes reprises : comment éviter de tomber dans le modèle des ghettos personnifiés par les HLM français ?
En effet, si la qualité est sacrifiée au profit de la quantité, les conséquences seront difficilement remédiables et s'étaleront sur le long terme. Au-delà des considérations esthétiques, pratiques et urbanistiques, l'empreinte écologique et la durabilité des édifices est à prendre très au sérieux, notamment dans le cadre de la stratégie nationale d'efficacité énergétique. Mais une problématique de taille se pose, celle de la contrainte des coûts, ou comment proposer des logements durables à des prix oscillant autour de 250.000 dirhams ? Pour ce faire, les promoteurs qui se sont lancés dans cette niche s'arment avant tout de réalisme. Il n'est pas question d'investir dans des technologies durables de pointe. Ni d'utiliser des matériaux innovants, mais coûteux.
Gérer la ressource hydrique
Il est d'abord question d'agir sur la conception architecturale et l'ingénierie du bâtiment, en ce sens où l'amélioration du rendement énergétique et de l'impact environnemental peut être significative, sans investissements supplémentaires conséquents, à travers notamment une orientation optimisée, prenant en compte l'exposition aux éléments naturels (soleil, pluie, vent...). Il y a lieu également de donner la priorité à la communauté, en privilégiant l'efficacité des parties communes et en optimisant le dimensionnement des voies et des infrastructures. Toutefois, l'élément primordial pour un pays comme le Maroc, reste la gestion de la ressource hydrique. Le pays est nettement identifié comme exposé à un risque hydrique poussé.
Mais il ne faut pas se leurrer, le soutien financier de l'Etat reste incontournable, à travers la subvention et le soutien aux logements sociaux écologiques. Encore mieux, autant le bon sens que la cohérence avec les orientations écologiques nationales, supposent que les logements sociaux durables devraient être encore plus soutenus que les logements sociaux classiques.
Un guide en gestation
Aussi le département de tutelle a-t-il intégré la composante green dans sa stratégie. L'enjeu majeur pour Hejira réside dans les villes nouvelles, avec comme locomotives affichées, celles de Lakhyayta et de Chrafate. «Une étude d'impact portant sur l'efficacité énergétique des villes est en cours de réalisation. Elle servira de base dans la conception de ces deux villes nouvelles, dont le bilan énergétique devra être optimal», signale le ministère de l'Urbanisme, de l'habitat et de l'aménagement de l'espace. Cette étude est pour le moment en phase de diagnostic. Elle devrait aboutir à terme sur la définition de normes de références à appliquer dans tout nouvel édifice à ériger. «Jusque là, les opérateurs ne disposaient d'aucun référentiel susceptible de servir de base réglementaire, définissant les standards de la construction énergétiquement efficace, voire neutre en carbone», poursuit-on au ministère.
En ce sens, l'étude débouchera en aval sur la mise en place d'un guide de référence. Intitulé «Guide des bonnes pratiques de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables dans le bâtiment», il sera destiné aux professionnels du secteur. Architectes, promoteurs et entreprises de BTP sont tous concernés. Au niveau de la conception architecturale, c'est principalement sur l'orientation et le design des bâtiments que l'accent est mis. Côté construction, c'est vers les matériaux utilisés qu'il faut plutôt regarder. À ce niveau, une série de matériaux écologiques et isolants devront être spécifiés, référencés et détaillés dans le guide. En parallèle, il est bien entendu question d'intégrer, dès la conception, les énergies renouvelables adéquates aux conditions géographiques et climatiques. Les chauffe-eau solaires s'accapareront sans nul doute la part du lion dans les techniques utilisées. Mais le chantier ne s'arrête pas seulement au bâtiment. Il concerne également l'aménagement urbain. Il faut dire que le fossé que doivent combler les collectivités locales en la matière est si profond, qu'il paraît difficile, voire impossible d'atteindre des résultats probants. Seule l'utilisation du photovoltaïque dans l'éclairage public a pour l'instant filtré, comme mesure concrète et réaliste à mettre en œuvre en la matière.
Deux questions déterminantes restent néanmoins en suspens : le guide sera-t-il effectivement engageant et contraignant pour les professionnels ? Si oui, comment s'en assurer, et quels moyens utiliser pour contrôler l'application effective de ces mesures et de l'implication active des opérateurs à tous les niveaux ?
Repères
À saisir
Point de vue : Karim El Achak, Architecte et urbaniste
Premièrement, la démarche de logement écologique doit partir d'abord de l'humain. Par l'implication du consommateur, du concepteur, du réalisateur et de toute personne intervenant dans le processus. Ce qui, par ailleurs est certainement le plus dur, car si des technologies avancées existent, c'est la gouvernance et le suivi qui font la différence, là il y a beaucoup de choses à faire pour préparer le terrain. En ce sens où il est compréhensible qu'une personne qui arrive à peine à combler ses besoins quotidiens de base, ne pense pas aux considérations écologiques et durables. C'est donc tout un processus à mener sur le long terme. Pour notre pays, la préoccupation la plus pesante porte sur la préservation de nos ressources hydriques. Il n'y a pas de doute, l'enjeu d'un habitat durable au Maroc passe par la préservation des eaux en amont et leur assainissement et traitement, en aval mais aussi, bien entendu par le développement des potentialités énergétiques nationales comme le solaire et l'éolien.
Ce qui devrait concerner en premier lieu les parties communes, avant de s'intéresser aux habitations personnelles. Sur un autre plan, la qualité des matériaux et l'isolation des bâtiments jouent également un rôle important. Mais il faut être réaliste, ce n'est pas une priorité pour le social, pour des considérations liées au coût. Car si l'architecte peut proposer des idées et des concepts, il est toutefois tenu par la commande qu'il doit honorer, mais il y a d'autres variables sur lesquelles il faut agir à moindre coût, avec des résultats pertinents. Je pense là à l'orientation et l'exposition des édifices, tout en vulgarisant l'utilisation de matériaux appropriés. Il faut dire que le Maroc a connu un tournant paradoxal: les habitations traditionnelles (de type Ryads) sont «naturellement» efficaces énergétiquement, mais la tendance est à l'ouverture sur l'extérieur avec de grandes baies vitrées, ce qui entraîne beaucoup plus de déperdition énergétique.
«Il y a des choses réalistes et non coûteuses à mettre en oeuvre... comme la gestion intelligente de l'ensoleillement et des espaces verts» : Houria Benjelloun, PDG de Pack Energy
Les Echos quotidien : Le fait qu'un opérateur privé lance une charte pour le développement du logement social est vraisemblablement une première au Maroc. Quelles ont été les motivations derrière cette démarche ?
Houria Benjelloun : Lorsque Pack Energy a décidé d'investir dans le domaine du logement à prix économique afin d'apporter sa pierre à l'effort national répondant aux directives royales, nous avons souhaité le faire dans le cadre d'une démarche appropriée, respectueuse des gens et répondant à des attentes réelles que nous avons confirmées par des enquêtes. Nous avons eu la chance de rencontrer des partenaires aussi passionnés que nous et désireux d'inventer un modèle de développement nouveau, fondé sur une éthique professionnelle et la mise en commun de compétences économiques, sociologiques, architecturales, et urbanistiques. C'est au contact des autres que l'on progresse.
Quels impacts espérez-vous avoir sur la dynamique nationale du logement social ? Et sur celle du logement durable ? Dans quelle mesure cette initiative pourrait-elle impacter la politique de logement ?
Nous avons l'ambition de faire bien les choses à notre dimension, et nous ne voulons donner de leçon à personne. Maintenant, chacun doit tirer vers le haut, c'est ainsi qu'une société progresse. Si notre démarche réussit et qu'elle donne des idées à d'autres, nous en serons ravis et ce sont les demandeurs de logements sociaux qui en bénéficieront. Quant à la notion de durabilité, elle est au cœur de notre vision. Nous travaillons sur le long terme, aussi bien dans notre conception des produits que dans notre souhait d'accompagner leur évolution et celle de nos clients sur le long terme.
Quelles sont les difficultés que vous avez identifiées quant au «mariage» entre social et écologie ?
Il n'y a pas d'opposition entre les termes, lorsque l'on ne place pas la maximisation des profits au premier plan des objectifs. Ceci dit, l'écologie n'est pas un but en soi, mais une démarche qui place l'humain et l'avenir au cœur des ambitions. Il y a des choses très réalistes qui peuvent être mises en œuvre de façon non coûteuse, en termes de recyclage des déchets par exemple, de gestion intelligente de l'ensoleillement, des espaces verts, etc..
Quel est le rôle de l'architecture ?
Nos partenaires du cabinet Associati sont très impliqués. Ce sont des professionnels qui ont une vision très large de leur métier, intégrant de nombreuses données «politiques» dans le sens noble du terme -c'est-à-dire l'organisation de la vie dans la cité- qui vont bien au-delà du simple design d'un bâtiment.
Chaque projet qui sera développé dans le cadre de la Charte, sous la marque «Ikamat Tilila», procédera d'une analyse spécifique de l'écosystème local : accès, impact urbain, typologie des résidents, environnement économique, besoins en équipements, enjeux écologiques, etc. La création architecturale découlera de cette étude.
Quel potentiel pour ce segment, à court, moyen et long termes ?
Les chiffres sont connus de tous... Nous avons un déficit national en logements dits sociaux de l'ordre d'un million d'unités, avec des objectifs de réalisation d'environ 150.000 par an. Le potentiel est donc énorme.
De façon générale, quel modèle économique adopter pour que ce segment d'activité soit rentable et viable ?
Je pense qu'il faut créer un modèle «gagnant-gagnant» fondé sur un réel partenariat de tous les acteurs : l'Etat et les collectivités locales, l'ensemble des professionnels de la filière de l'immobilier et du bâtiment, les organismes de financement, les associations de quartier et bien sûr les résidents eux-mêmes qui doivent être considérés comme des acteurs à part entière.


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