Tout le monde la connaît. On l'appelle Casablanca, Dar El Beida, Anfa ou «Casa» pour les intimes. Mais que sait-on vraiment de cette ville ? Ses grands boulevards embouteillés, ses chauffards de taxi, ses snacks à tous les prix et à toutes les intox, et ces cabarets bars qui longent une corniche récemment relookée. C'est bien cela Dar El Beida. Mais Casablanca, c'est aussi une architecture unique mêlant art nouveau, néo-classicisme, art décoratif et influence du Bauhaus aux traditions arabo-musulmanes de la pierre. Casablanca, ou véritable laboratoire d'urbanisme et d'architecture moderne du XXe siècle, c'est l'histoire d'un petit port de plaisance devenu une porte sur le continent. Saviez-vous que son plan d'urbanisation, organisé en zones (résidentielle, commerciale, industrielle) autour d'un grand parc ressemble pour beaucoup à celui de New-York ? Saviez-vous aussi que de nombreuses techniques de construction ou d'urbanisation ont été initiées d'abord à Casablanca et adoptées en France ou dans plusieurs autres pays d'Europe ? Derrière ses airs de mégapole ultra-dynamique et économiquement active, la ville blanche cache toute une histoire. Et pour en témoigner, tout un patrimoine architectural. Le centre ville et ses façades art-déco, l'ancienne médina, berceau de cette cité aujourd'hui débordante, le quartier des Habous ou l'exil d'un peuple sur ses terres. Trois journées du patrimoine Depuis 1983, le 18 avril est désigné «Journée international du patrimoine» par l'Unesco. L'occasion, aussi, de sensibiliser le public à la diversité du patrimoine à travers tous les pays du monde. Une journée qui dépasse les frontières et met en avant les efforts que requièrent la protection et la conservation de ces sites historiques. Cette année encore, Casablanca ne manquera pas à l'appel des villes qui rendront hommage à leur patrimoine. Initiées en 2009, les journées du patrimoine de la métropole s'étaleront sur trois jours lors de cette deuxième édition. Parce que Casablanca le vaut bien! La première journée du 16 avril, destinée aux professionnels, permettra d'ouvrir le débat sur l'importance de la valorisation du patrimoine à des fins touristiques. «Tourisme et Patrimoine» sera donc le thème de ce séminaire qui réunira des professionnels de calibre international. Citons parmi eux, Faïka Bejaoui, architecte et directrice adjointe de l'Association de sauvegarde de la médina de Tunis, Chantal Ernoult, adjointe au maire du Havre, chargée des Affaires culturelles (et ancienne directrice de l'Office de tourisme de la ville), Maria Cardeira da Silva, anthropologue et professeur à l'Université Nova (Lisbonne), ou encore Saïd Mouhid, directeur du Centre régional du tourisme, et Mohamed Berriane, doyen de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université Mohammed V-Agdal à Rabat.Les journées du 17 et 18 avril consacreront le patrimoine de la ville, à travers des visites guidées dans les différents quartiers de la métropole. Organisées par un «Comité» constitué de plusieurs acteurs culturels de la place, en l'occurrence l'association Casamémoire, la Ville de Casablanca, la Fondation ONA, le ministère de la Culture et l'Institut français, «Les journées du patrimoine» sont sans aucun doute un événement unique pour la ville. En ce sens qu'il ouvre les portes de monuments historiques auxquels les citoyens lambda n'ont pas accès habituellement ou qu'ils ont rarement l'occasion de visiter. L'Hôtel de ville (Wilaya), l'Ecole des Beaux-arts, le Tribunal, les Consulats de France et d'Italie ou l'Hôtel Transatlantique, pour ne citer que ces édifices en ce qui concerne le centre ville. Mais aussi Dar Al Makhzen, le fameux Rick's Café (inspiré du film Casablanca), la synagogue Ettedgui et les mosquées Mohammedi et Ben Youssef, sont autant de constructions d'époque qui ouvriront leurs portes aux curieux de Casa et d'ailleurs. Et ce n'est pas tout. Ayant déjà proposé le concept de «portes ouvertes» l'an dernier, les organisateurs ont décidé cette année d'en faire plus. Un peu plus. Ainsi, des animations artistiques et culturelles sont prévues dans différents lieux de la ville. Exposition, danse contemporaine, concerts et ateliers pour enfants permettront aux Casaouis de se réapproprier leurs murs. Les mains à la pâte Prouvant que le patrimoine de Casablanca est un héritage qui appartient à tous, l'événement met cette année à contribution des étudiants pas comme les autres. La première promotion d'ingénieurs culturels. Professionnels ou à peine sortis du cursus universitaire, cette poignée de jeunes, volontaires, ont pris en charge l'animation culturelle d'une partie totalement écartée et pourtant au cœur de la ville. Trois passages qui vivent discrètement entre les immeubles du boulevard Mohammed V, l'avenue de l'Horloge et la place du 16-Novembre : les passages Glaoui, Sumica et Tazi. Une tâche qui ne s'annonce pas de tout repos pour l'équipe, d'autant plus qu'ils n'ont pratiquement aucune aide financière. Seul partenaire à ce jour, selon les étudiants, l'école elle-même (Com'sup), qui se dit prête à aider à la réalisation de ce projet mêlant originalité et proximité et présenté sous le concept de «Derrière les vitrines». «Ces passages ont une utilité commerciale, et ce côté pratique ne met pas en valeur l'architecture des espaces. L'objectif de notre travail est d'inciter les passants à prendre le temps de découvrir ce qui se cache derrière les vitrines», nous explique l'un des étudiants. Au programme, une exposition pour le moins originale, pour peu que les moyens suivent. Une rencontre «informelle» est aussi prévue le 17 avril au passage Glaoui, avec des historiens et personnalités de la ville pour partager, autour d'un café, l'histoire de ces générations de pierres.