«Javelliser» la France. La rendre plus blanche que blanche. Défi ambitieux que de vouloir rendre la France aux Français (de souche), comme le prônent les partis d'extrême droite. Si l'on manquait jusqu'alors de chiffres parlants sur le nouvel aspect de l'ancienne Gaule, la situation est réparée depuis la publication récente d'une étude réalisée conjointement par l'Institut national d'études démographique (Ined) et l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Révélant les «trajectoires et origines» des Français, elle illustre le melting-pot qui caractérise aujourd'hui l'Hexagone. Le constat est sans appel : 1,3 million de personnes nées en France ont au moins un parent originaire du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, soit 4 sur 10. Une proportion gigantesque. En toute logique avec le passé historique, c'est l'Algérie qui remporte la palme de l'immigré, avec 20% du total tandis que 15% sont originaires du Maroc ou de Tunisie, et 4% d'Afrique subsaharienne. Les diplômes ne protègent plus Ce nombre croissant ne décourage pas la discrimination qui demeure tenace, en particulier dans le milieu du travail. À qualification et expérience professionnelles comparables, les candidats d'origine maghrébine ou subsaharienne ont 3 à 5 fois moins de chance d'être admis à des entretiens d'embauche que leurs homologues d'origine européenne. Conséquemment à cela, le risque de chômage varie entre 20 et 50% de plus pour ces minorités. Plus grave, un haut diplôme ne protège pas de la ségrégation, bien au contraire : plus le statut hiérarchique est élevé, plus la discrimination est présente. L'enquête, qui a été réalisée sur 22.000 personnes, en explique les raisons. «Non seulement l'instruction mène à une conscience plus aiguë des discriminations, mais un diplôme élevé conduit les minorités à accéder à des positions où elles sont peu représentées, et en conséquence, encore peu reconnues». Ce que les spécialistes appellent «le plafond de verre», phénomène qui empêche certaines catégories d'accéder à des niveaux élevés de la hiérarchie. Le faciès primant sur les qualifications professionnelles. Être détenteur de la nationalité française ne suffit même plus. Avec tous ces critères complexes, c'est à se demander qui est Français aujourd'hui. L'adaptation est cependant inévitable. Le visage planétaire subit un lifting incessant. Aux discriminés de résister, et aux discriminants de suivre la vague cosmopolite.