L'ANRT veut ébranler le dernier bastion qui résiste à la libéralisation du marché des télécoms. Nous parlons du raccordement des nouvelles villes ou nouvelles zones d'habitation. Une niche qui a longtemps échappé au contrôle du régulateur et continuait à bénéficier à l'opérateur historique. L'équipement des nouvelles zones d'habitation et leur raccordement à la téléphonie fixe est, en effet, un marché juteux et stratégique sur lequel seul IAM est positionné pour le moment, pour bien des raisons. Même après la libéralisation du secteur de la téléphonie fixe en 2005, un monopole de fait est toujours de mise : un seul fourreau est installé et un seul opérateur est contacté (IAM). Même la circulaire du ministère de l'Habitat, qui demande aux agences urbaines d'associer les trois opérateurs, n'a pas changé la donne. Pour y arriver, le régulateur du marché, dans sa nouvelle note d'orientation à l'horizon 2013, parle d'amendements et de toilettage des textes de lois en vigueur. «Nous voulons repréciser le cadre juridique qui porte sur l'infrastructure télécoms minimale à mettre en place dans les nouvelles agglomérations urbaines», a déclaré aux «Echos quotidien» Azdine El Mountassir Billah, directeur général de l'Agence nationale de réglementation des télécoms. Aujourd'hui, le texte de l'urbanisme donne un certain nombre de précisions et oblige les promoteurs immobiliers à équiper les nouveaux lotissements de fourreaux et de câbles téléphoniques. Mais les «réflexes» sont toujours les mêmes : seul Maroc Telecom est consulté, sauf dans quelques cas (zones offshore et zones portuaires). Pour les nouvelles villes (Tamansourt, Tamesna...), même le groupe Al Omrane, aménageur en chef de l'Etat, a choisi Maroc Telecom, sans consulter les autres. Quand on sait qu'il y a 15 nouvelles villes en gestation, les calculs d'épicier peuvent ressortir des chiffres qui donnent le tournis. Toilettage juridique L'objectif du régulateur est donc de repréciser les modalités de raccordement des nouvelles zones d'habitat. Ailleurs, les fourreaux, câbles ou travaux de génie civil pour le raccordement des nouvelles villes sont assurés par les collectivités locales, en tant que service public. Au Maroc, c'est plutôt le promoteur immobilier qui s'en charge, auprès de prestataires. Ainsi, l'installation des fourreaux est obligatoire, mais le code de l'urbanisme n'est pas très précis. «L'idée est d'établir un cahier des charges qui sera remis au promoteur afin de mettre les infrastructures nécessaires dans ce cas de figure. Ce cahier des charges définira aussi les règles d'utilisation de ces infrastructures par les opérateurs», explique le directeur général de l'ANRT. Selon lui, il faudra repréciser, notamment pour les nouvelles zones, quelles sont les obligations du promoteur (exemple : installer les fourreaux et laisser les opérateurs passer les câbles...). Les règles de partage de ces infrastructures par les opérateurs seront également affinées. En effet, les deux autres opérateurs (Méditel et Wana Corporate) ont toujours signifié au régulateur qu'il serait aberrant d'investir 3 fois dans un ouvrage de génie civil pour que les 3 opérateurs desservent la même zone. «Il faut mettre en place un modèle de mutualisation de toute l'infrastructure passive», souligne ce cadre de Wana. Le partage des infrastructures est un autre axe prévu par la note d'orientation à l'horizon 2013. Un autre chantier que l'ANRT vient tout juste d'investir. Une question de moyens ? L'installation des lignes nécessaires au raccordement des nouvelles zones au réseau général des télécommunications publiques passe par deux étapes. D'abord, la partie génie civil, qui consiste à définir les réseaux et l'installation des fourreaux pour le passage des câbles. L'investissement par paire serait d'environ 2.000 DH dans une zone dense. Mais l'investissement varie considérablement en fonction de la densité, car il y a des coûts fixes de génie civil. Ensuite, vient l'étape du raccordement des habitations au service lui-même. L'opérateur télécoms intervient sur l'un des volets ou sur les deux en même temps. Selon le régulateur du marché, les trois opérateurs sont à pied d'égalité pour desservir les nouvelles zones en infrastructures télécoms. Mais ils doivent passer par la boucle de Maroc Telecom, dans le cadre du dégroupage total. En d'autres termes, louer, encore une fois, l'infrastructure de l'opérateur historique. Une solution évitée jusqu'à présent par les opérateurs alternatifs, vu le manque de rentabilité. En clair, il leur faudra installer de nouveau du cuivre et venir par la suite réinvestir pour le dégrouper. «C'est aberrant !», s'étonne ce haut responsable de Wana. Des raisons «historiques» Le «presque» monopole de Maroc Telecom sur le segment de l'équipement des nouvelles villes en infrastructures téléphoniques est expliqué chez l'ANRT par des «raisons historiques». En effet, avant 2005, date de libéralisation de la téléphonie fixe au Maroc (octroi d'une seconde licence à Méditel), les commissions techniques d'examen des dossiers relatifs aux projets de construction, de lotissement ou de groupes d'habitations faisaient systématiquement appel aux services de l'ex-Office national des postes et télécommunications (actuel Maroc Telecom) pour se raccorder aux nouvelles zones. Une année plus tard, une circulaire de la Direction générale de l'urbanisme et de l'architecture a sommé les agences urbaines de consulter les autres opérateurs aussi, en l'occurrence Méditel à l'époque. La circulaire a été publiée sur demande du régulateur du marché, l'ANRT, pour que les autres opérateurs soient aussi consultés lors des appels d'offres. Surtout que ces deux dernières années, l'effort d'équipement du pays a abouti à la création d'une dizaine de zones dédiées (zones touristiques, zones pour l'offshoring, zones portuaires telles que Tanger Med, nouvelles villes...). Et pourtant, en l'absence de textes de loi clairs et de conditions économiques viables, le changement n'a pas eu lieu.