Très en vogue en Europe, la notion de commerce équitable en est encore à ses balbutiements au Maroc. En effet, cette forme de commerce suppose de payer des produits à un prix «juste», c'est-à-dire qui prenne en considération les conditions de travail des producteurs. Au final, le consommateur débourse un peu plus cher, mais pour un produit supposé être de meilleure qualité. Chez nous, le concept a du chemin à faire pour être vulgarisé, et pour cause: le consommateur doit être sensibilisé. «Il y a ceux qui n'ont jamais entendu parler du commerce équitable, il y en a qui en parlent comme d'une mode, il y en a qui le confondent avec celui de l'économie sociale et solidaire», commente Bennacer Himmi, président de la Plate-forme marocaine pour un commerce équitable (PMCE). Autre lacune, le secteur est toujours en attente d'une réglementation en bonne et due forme. À cet égard, le ministère des Affaires économiques et générales a entamé une étude, en collaboration avec la PMCE, visant à préparer un cadre juridique pour le commerce équitable au Maroc. «Outre la mise en place de normes légales du commerce équitable, divers objectifs sont visés, à savoir la mise en place d'un label marocain du commerce équitable, l'élaboration d'un plan de développement de la PMCE, sans oublier la mise en place d'organismes de certification et la proposition de définition des filières», affirme-t-on au sein du ministère de tutelle. Le dernier objectif cité prend tout son sens, quand on sait que le commerce équitable peut concerner plusieurs produits, qui peuvent aller de l'huile d'argan, au safran, en passant par l'eau de rose et l'huile d'olive... «D'où la nécessité d'établir un inventaire des produits éligibles au commerce équitable», commente le président de la PMCE. Peu de visibilité dans les GMS La question se pose pour le consommateur intéressé par ces produits : où peut-il en trouver ? Dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) européennes, la question ne se pose pas. En effet, des espaces entiers sont dédiés aux produits du commerce équitable, reconnaissable souvent par le label qui y est apposé. Celui de Max Havelaar est d'ailleurs l'un des plus connus. Au Maroc, la disponibilité des produits plombe le secteur. À ce titre, une convention de partenariat avait été signée, lors de la première édition du salon Ecoss, entre le ministère de tutelle et bon nombre de GMS. La finalité était l'accompagnement de producteurs en articles «équitables», afin que ceux-ci bénéficient de plus de visibilité au niveau des GMS. Mais il suffit de se rendre dans la plus proche pour se rendre compte qu'il y a du chemin à faire à ce niveau, ces produits captant rarement l'attention, surtout pour une clientèle très portée sur le «bon marché». Un parcours de longue date Le commerce équitable trouve ses origines dans les années 60. Lors d'une Conférence des Nations Unies, de nombreux pays du Sud ont réclamé une meilleure rémunération du travail de leur population. Ils comptaient ainsi avoir les moyens d'entrer dans une dynamique de développement plutôt que de dépendre des aides. «Trade not aid - Du commerce mais pas la charité». Cette revendication n'a pas eu tout de suite l'écho escompté auprès des Etats et des acteurs économiques. Par ailleurs, nombre d'acteurs internationaux du secteur trouvent que le prix des matières premières ne cesse de diminuer, et que les règles du commerce international sont de plus en plus pénalisantes pour les producteurs les plus fragiles, ceux-ci se trouvant face à des intermédiaires puissants et à des marchés peu transparents. À ce jour, les labels de référence du commerce équitable sont Max Havelaar, FLO (Fair Trade Organisation), PFCE (Plateforme pour le commerce équitable) et l'EFTA (Association européenne du commerce équitable). Sensibiliser le consommateur La PMCE a été créée à Rabat le 12 août 2004, par l'assemblée générale de la Plate-forme marocaine pour un commerce équitable. Association à but non lucratif, son principal objectif est de collaborer au développement durable au Maroc, en y développant le commerce équitable. Pour ce faire, la PMCE s'emploie à être active dans différents champs d'action, tels que la sensibilisation du consommateur marocain, ainsi que des autorités et des producteurs à des enjeux tels que les échanges internationaux, les nouveaux modes de production et de commercialisation proposés par le CE, ainsi que les réalisations concrètes permises grâce à ce procédé. En outre, la PMCE vise à l'accompagnement des producteurs engagés et de ceux désireux de s'engager dans le CE, afin de les intégrer dans les échanges internationaux. Face à l'ampleur de ces ambitions, l'association doit évidemment solliciter tous les acteurs pouvant la soutenir dans sa tâche, que ce soit au Maroc ou à l'étranger : associations et ONG, agences de développement, acteurs privés et publics. Plus il y a d'acteurs mobilisés, plus le projet touche à toute la dynamique locale : enfance, femmes, santé, éducation, insertion, environnement, équipement... «Notre objectif n'est pas le commerce équitable en tant que tel, mais nous le considérons comme étant un élément majeur de développement local. Nous devons créer plusieurs synergies autour de cette activité», souligne-t-on au sein de la PMCE. Pour promouvoir les produits marocains de commerce équitable à l'étranger, la PMCE a initié plusieurs partenariats avec des homolgues dans des pays européens, que ce soit en Allemagne, en Italie ou en France. Concernant cette dernière, un appui de taille ets fourni par Abdelhay Ben Messaoud, fondateur de l'association Scenethik basée à Villeneuve D'Ascq, et également vice-président de la PMCE.