Le développement d'une industrie africaine de l'hydrogène vert suscite un vif intérêt des investisseurs mais soulève aussi de nombreux défis techniques, réglementaires et financiers. Décryptage des enjeux et perspectives de cette opportunité énergétique pour le continent. Méga-projets, corridors export, transferts technologiques : l'Afrique saisit l'opportunité de l'hydrogène vert mais de nombreux obstacles restent à lever. La transition énergétique mondiale vers des sources plus propres et durables est désormais une priorité. Dans ce contexte, l'hydrogène vert émerge comme une solution d'avenir prometteuse, notamment pour le continent africain richement doté en ressources renouvelables. Cependant, le développement de cette filière nécessite une collaboration régionale renforcée pour attirer les investissements nécessaires et relever les défis technologiques et logistiques. C'est la thèse que soutiennent à l'unanimité les experts, lors du sommet sur l'hydrogène de la Semaine africaine de l'énergie (AEW) 2024, qui s'est tenu du 4 au 8 novembre 2024. La rencontre a mis en avant la collaboration comme clé des investissements. La conférence Invest in African Energies 2024 a exploré le rôle que jouera l'hydrogène dans l'avenir de l'énergie africaine. Selon Joyce Kabui de l'Alliance africaine pour l'hydrogène vert, «davantage de pays doivent établir des conditions clés pour créer une plateforme de partage des connaissances. Le soutien dépend de l'ampleur de la collaboration dans l'hydrogène vert». Certains pays africains sont déjà bien engagés, à l'image de la Mauritanie devenue une destination privilégiée avec 1,5% du marché mondial grâce à ses méga-projets comme AMAN (30 GW), Megaton Moon (35 GW) et Nour (10 GW). Comme l'explique Margaret Mutschler de CWP, «la Mauritanie a réussi à prouver l'existence de ressources renouvelables et à comprendre les profils énergétiques disponibles». L'Afrique du Sud a également inscrit l'hydrogène vert au cœur de sa transition énergétique équitable via sa feuille de route hydrogène. «L'hydrogène est une préoccupation centrale et nous savons que l'Afrique du Sud peut grandement contribuer à l'industrie mondiale», affirme Sifiso Msabala du Fonds central de l'énergie. D'autres acteurs comme l'Egypte, le Maroc, la Namibie, le Kenya et la République du Congo prospectent activement cette voie verte, l'objectif étant de produire et d'exporter massivement vers des marchés comme l'Europe très demandeuse. L'Europe, un marché très demandeur L'Union européenne représente actuellement le principal marché d'exportation potentiel pour l'hydrogène vert produit en Afrique. Avec ses ambitieux objectifs de neutralité carbone d'ici 2050 et de développement d'une économie sobre en carbone, l'UE cherche activement à s'approvisionner en énergies renouvelables comme l'hydrogène vert. Le Pacte vert européen prévoit notamment d'importer d'énormes quantités d'hydrogène bas carbone pour décarboner les secteurs industriels lourds difficilement électrifiables comme la sidérurgie, la chimie ou le raffinage. Selon les estimations, l'Europe aura besoin d'importer jusqu'à 40% de sa demande future en hydrogène renouvelable. Le continent africain, riche en ressources solaires et éoliennes, dispose d'un immense potentiel pour produire à grande échelle et à moindre coût cet hydrogène vert tant convoité. Les pays africains sont donc idéalement positionnés pour devenir les prochains grands exportateurs mondiaux d'hydrogène décarboné vers l'Europe. Cette opportunité commerciale représente des débouchés colossaux et une perspective de diversification économique majeure pour de nombreux pays africains. L'Afrique du Nord, dont le Maroc notamment, avec ses vastes zones désertiques très ensoleillées et ventées, concentre déjà de nombreux projets pharaoniques d'exportation vers l'Europe voisine. Pour capter pleinement ces formidables opportunités, les pays africains producteurs devront cependant résoudre les défis logistiques et infrastructurels majeurs posés par le transport de l'hydrogène sur de très longues distances vers les marchés consommateurs. Défis à relever Cependant, d'importants défis restent à relever pour concrétiser cette ambition africaine. Des cadres réglementaires et politiques incitatifs doivent être mis en place pour attirer les investisseurs. Des partenariats public-privé solides sont indispensables pour financer et mettre en œuvre les projets de grande envergure nécessaires. Le transfert de technologies et l'acquisition de compétences techniques sont également cruciaux. La collaboration régionale apparaît dès lors comme la clé de voûte. Via l'Alliance africaine pour l'hydrogène vert, une dynamique de partage d'expériences, d'harmonisation des normes et de coordination des stratégies peut se créer. Une approche cohérente faciliterait grandement le déploiement de chaînes de valeur intégrées et de corridors d'exportation connectés. «Le soutien dépend de l'ampleur de la collaboration dans l'hydrogène vert», rappelle Joyce Kabui, plaidant pour davantage d'initiatives communes africaines. Mobilisation des financements, des compétences et transferts technologiques Au-delà des échanges intra-africains, une collaboration internationale renforcée avec les pays consommateurs comme l'Europe est vitale. Elle permettrait de créer un marché stable et profitable pour l'hydrogène africain tout en mobilisant financements, compétences et transferts technologiques indispensables. Les défis logistiques et d'infrastructures pour le transport et l'exportation de l'hydrogène devront aussi être relevés collectivement. Le développement de réseaux régionaux de gazoducs, ports, routes et centrales électriques dédiés nécessitera des investissements massifs et coordonnés. En somme, si l'hydrogène vert représente une formidable opportunité économique et environnementale pour l'Afrique, sa concrétisation passera par un effort de collaboration sans précédent entre les Etats, les industriels et la communauté financière internationale. Bilal Cherraji / Les Inspirations ECO