Face aux défis croissants du changement climatique, tels que les vagues de chaleur extrêmes et les variations brutales de température, le secteur agricole marocain cherche activement à s'adapter. Dans cet entretien, Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural, détaille les défis auxquels sont confrontés les agriculteurs et les pistes explorées lors du Salon international de l'agriculture au Maroc (SIAM) 2024. Quelle est l'importance du thème «Climat et agriculture : pour des systèmes de production durables et résilients», choisi pour cette 16e édition du SIAM ? Comment ce thème s'inscrit-il dans la stratégie Génération green 2020-2030 ? La question du climat est devenue un enjeu primordial pour l'agriculture, non seulement au Maroc mais à l'échelle mondiale. La stratégie Génération green 2020-2030 n'avait pas initialement pris en compte cette problématique de manière approfondie, car l'ampleur du changement climatique n'était pas pleinement anticipée. Nous assistons actuellement à une évolution spectaculaire de la situation. Les années de sécheresse, jadis sporadiques au cours des décennies 80 et 90, ont cédé la place à des phénomènes extrêmes et déroutants. Il ne s'agit plus seulement d'un manque de précipitations, mais aussi de chaleurs anormales et de variations climatiques soudaines. Les températures peuvent passer de 27°C un jour à 12°C le lendemain, rendant les conditions météorologiques imprévisibles. Face à ces défis croissants, le thème de cette 16e édition du SIAM revêt une grande importance. Il s'inscrit pleinement dans les objectifs de la stratégie Génération green, et ce, en mettant l'accent sur la nécessité d'adapter les pratiques agricoles aux changements climatiques afin d'assurer la durabilité et la résilience des systèmes de production. Quels types de systèmes de production agricole durables et résilients face au changement climatique la Comader souhaite-t-elle promouvoir lors de cette édition du SIAM ? Pour cette 16e édition du SIAM, la Comader souhaite promouvoir différents systèmes de production agricole durables et résilients, en vue de faire face aux défis posés par le changement climatique. Concernant la gestion de la rareté de l'eau, plusieurs pistes sont envisagées. Avec 3.500 km de côtes, l'exploitation du dessalement de l'eau de mer représente une opportunité prometteuse, en utilisant les énergies renouvelables pour en réduire les coûts. Cette solution reste cependant limitée à une bande littorale d'environ 40-50 km vers l'intérieur des terres, au-delà de laquelle elle deviendrait moins rentable. Le transfert d'eau vers les bassins déficitaires, comme cela a déjà été réalisé, est également une option à poursuivre. Enfin, le traitement et la réutilisation des eaux usées urbaines permettraient d'économiser cette précieuse ressource. Néanmoins, l'un des plus grands défis reste la gestion des chaleurs extrêmes et des variations importantes de températures. De nombreuses cultures subissent aujourd'hui des dégâts considérables, non pas en raison du manque de pluie, mais plutôt des épisodes de chaleur intense. L'année dernière, plus de 70% de la production d'olives a été perdue à cause d'une chaleur excessive au mois d'avril. Cette année, le cycle de production de la tomate a été perturbé, avec des périodes de surproduction dues aux fortes chaleurs, suivies de retards liés au manque de chaleur. Le phénomène touche également d'autres régions comme la France, où l'absence de froid hivernal contraint les producteurs à arracher certaines cultures comme les rosacées. Bien que des solutions existent pour gérer le stress hydrique, il reste très difficile, voire impossible, de s'adapter pleinement aux chaleurs extrêmes provoquées par les changements climatiques. Parmi les nouveautés de cette édition, on note le pôle Agri-digital. Comment la Comader envisage-t-elle l'intégration des technologies numériques dans le secteur agricole marocain ? Les nouvelles technologies sont désormais incontournables, notamment pour la gestion de l'irrigation. Le goutte-à-goutte piloté automatiquement permet d'économiser l'eau et d'en rationaliser l'utilisation. Grâce aux images satellitaires et aux drones, il est possible de cibler précisément les zones nécessitant des interventions en termes d'engrais, de fertilisation et de traitements. Ces technologies permettent également de détecter les maladies de manière précoce. L'épandage d'engrais et de produits phytosanitaires peut même être réalisé par drones. Toutes ces nouvelles technologies nous aident à optimiser l'utilisation rationnelle de l'eau, des produits phytosanitaires et des engrais. C'est dans cette voie que nous intervenons véritablement pour une agriculture plus durable et performante. Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les agriculteurs marocains en termes d'adaptation au changement climatique, et comment le SIAM 2024 peut-il contribuer à y répondre ? Au Maroc, les agriculteurs sont confrontés à de nombreux défis liés à l'adaptation au changement climatique. Le stress hydrique n'est qu'un aspect de cette problématique. Les principales difficultés proviennent des variations extrêmes de température, des vents violents et des épisodes de chaleur intense. L'année 2023 a été la plus chaude de l'histoire, dépassant même les records établis en 2022. Contrairement aux êtres humains, les plantes peinent à s'adapter à ces conditions climatiques fluctuantes. C'est pourquoi le SIAM 2024 représente une opportunité majeure pour découvrir de nouvelles technologies susceptibles d'aider les cultures à mieux se protéger contre ces aléas. Dans le domaine des céréales notamment, l'espoir réside dans la recherche génétique visant à raccourcir les cycles de production. L'objectif est d'obtenir des variétés précoces qui atteindraient la maturité avant les vagues de chaleur extrêmes, désormais fréquentes dès le mois d'avril dans certaines régions, comme le Saïss, le Tadla ou le Haouz. De telles avancées permettraient de préserver une partie des récoltes. Quelles sont les attentes concernant la gestion du stress hydrique ? Concernant le stress hydrique, nous espérons que les conférences du SIAM et les entreprises exposeront des solutions innovantes pour réduire la consommation d'eau des cultures. L'essence même du SIAM réside dans cette mise en commun des dernières avancées technologiques issues des recherches menées à travers le monde. Au-delà de l'exposition, le SIAM offre surtout un espace d'échange et de partage entre spécialistes, chercheurs et agriculteurs. C'est également un lieu propice à la signature de conventions visant à promouvoir ces avancées agronomiques indispensables pour relever les défis du changement climatique. Mehdi Idrissi / Les Inspirations ECO