interview Faouzi Skali Président du Festival de Fès de la culture soufie Les ECO : Qu'est-ce qui, selon vous, fait la spécificité du festival ? Faouzi Skali : Il s'agit d'un évènement qui représente un cheminement, un approfondissement et une découverte ou redécouverte du soufisme à travers la culture, de ce que le soufisme a laissé à travers l'histoire. C'était intéressant d'explorer les opportunités que cette culture a su laisser au fil du temps. La culture soufie est présente à l'international en Syrie et en Turquie, entre autres, et même au niveau national avec une plus grande adhésion et un plus grand intérêt. Ce festival est diversifié et cette année, nous essayons d'apporter une touche nouvelle à travers des tables rondes qui s'enrichissent en invitant des profils différents : des profils académiques dont un qui vient tout droit de Princeton et qui étudie le patrimoine du soufisme. Il y a également des praticiens qui travaillent plus sur le terrain et qui vont, tous ensemble, réfléchir à cette culture et aux nouveaux moyens de transmission de celle-ci qui se transmettait à travers les moussem ou le cadre familial. Aujourd'hui, c'est un festival qui joue ce rôle. À quel point le soufisme représente-t-il la culture marocaine et quelle est la place de Fès dans cette culture ? Le Roi avait précisé que la tradition s'appuyait sur trois rites dont le soufisme. Le soufisme est un patrimoine qui exprime une réalité historique et identitaire qui a marqué le Maroc dans son histoire. C'est en cela qu'un événement comme le Festival de la culture soufie, a un sens. Ce n'est pas un évènement festif ou académique, mais un moyen de faire revivre ce maillage, cet environnement, cette mémoire spirituelle et collective de notre pays. Les tables rondes et les conférences prennent une importance particulière parce que cela concerne une sorte de projet partagé au sein de la société, des liens sociaux, des valeurs véhiculées, des valeurs spirituelles, qui se renouvellent à travers des formes comme celle-ci , tels des défis de la société... Le thème de cette année : «Nourritures spirituelles». Qu'entendez-vous par là ? Il fait référence au titre d'un ouvrage soufi, un des premiers à écrire de façon rédigée et synthétique, à présenter le soufisme sous forme d'écrit : Qout-el-Kouloub qui signifie «Nourritures des cœurs». De ce fait, la culture fait passer le message et à travers les productions culturelles, se dessine une articulation entre la spiritualité et la société. La méditation est la nourriture qui fait grandir l'esprit : il ne cesse point de croître jusqu'à ce que de science, il devienne «présence» et que l'âme jouisse de la plénitude des facultés qui lui appartiennent en vertu de son essence... Vous essayez de donner à l'international une image positive de l'Islam. Le soufisme serait-il en train de prendre un nouvel essor à travers le monde ? Le soufisme a toujours été important depuis des siècles dans toutes les cultures de l'Islam en Inde, en Afrique, au Maghreb et au Moyen-Orient... Aujourd'hui, il s'agit d'un nouveau moyen et d'une nouvelle façon d'exprimer les choses, de faire un lien entre la culture et le soufisme, pour faire du discours, un discours audible et nécessaire pour comprendre l'Islam et ne plus le voir comme une idéologie ou de la politique. Vous démocratisez la culture soufie et la rendez accessible. Est-ce que les jeunes s'y intéressent ? Oui, de plus en plus parce qu'on ne peut pas vivre sans spiritualité, elle constitue une composante de notre humanité, mais encore faut-il la définir. Les mots ne sont donc pas suffisants, la culture est le meilleur moyen de faire passer les messages... de toucher les gens, les jeunes... Le soufisme ne se limite pas à la musique et à la poésie... Comment gérez-vous la programmation du festival pour la rendre la plus diversifiée possible ? En effet, les conférences et les tables rondes servent également à véhiculer un message et cette année nous parlerons de «spiritualité et d'entreprise». Pendant des siècles, la spiritualité et l'éthique étaient indispensables. Aujourd'hui, cette articulation est fondamentale dans l'époque moderne dans laquelle nous vivons, non pas par rapport au monde musulman, mais au monde en général, à cette crise économique qui est à la fois culturelle et «civilisationelle» et qui puise son origine à travers la déconnexion entre la spiritualité et le monde de l'entreprise. Il y aura en moyenne deux tables rondes par jours. Le soufisme sous-entend la spiritualité, à quel point ce festival est différent de celui des musiques sacrées de Fès ? Ils se complètent puisque quand l'un est sur le dialogue des civilisations, l'autre est l'expression d'une tradition à travers la civilisation musulmane, à travers les lieux et des réseaux de personnalités qui s'intéressent à cette spiritualité. L'un complète l'autre et Fès porte ce message de convivialité et de partage... Vous faites dialoguer des adeptes de différentes religions et des penseurs qui s'affirment laïcs. Le dialogue se passe toujours de façon harmonieuse ? Le dialogue n'est pas forcément harmonieux mais constructif. C'est comme cela que l'on élargit le mode de pensée. Il ne faut pas chercher l'harmonie à tout prix, il faut chercher un élargissement des connaissances ...