Le parti de la lampe a été le grand perdant des législatives. Ses résultats ne permettront même pas de constituer un groupe parlementaire au sein de la Chambre des représentants Après deux mandats successifs, durant lesquels le PJD a dominé l'hémicycle, ce parti, au pouvoir depuis près de 10 ans, n'a pas été en mesure de défendre son statut de leader, et s'est contenté d'une 8e place peu glorieuse, avec 12 sièges seulement, selon les résultats provisoires. À noter que le sort des 15 sièges restants sera connu lors de la proclamation finale des résultats. Plusieurs conclusions préliminaires peuvent être dégagées de cette contreperformance, la principale étant que cette formation ne sera pas en mesure de se constituer en groupe parlementaire. Ceci sera de nature à affaiblir sa position en tant que force de proposition durant le prochain mandat. Le second enseignement à tirer concerne le futur statut du parti. Si le passage à l'opposition semble être inévitable, rien n'empêche, cependant, les députés du PJD d'adopter une attitude de «soutien critique» au gouvernement. Cette position avait été privilégiée par l'Istiqlal au cours du mandat précédent, où le parti de la lampe avait été chef de file de la majorité. Dans le même ordre d'idées, cette cuisante défaite a été, probablement, due à la stratégie électorale adoptée, consistant à se focaliser sur le bilan, sans vision futuriste susceptible de convaincre les électeurs de renouveler leur confiance au parti de la lampe. Le maigre score réalisé révèle, sans nul doute, la crise interne profonde qui mine actuellement ce dernier, laquelle a fini par le priver du soutien de ses militants, qui ne se sont guère mobilisés. Le PJD se voit donc renvoyé à la case départ, comme en 1997, à l'occasion de sa première participation aux législatives, où il n'avait pu engranger que neuf sièges. Ce vote sanction «interne» serait ainsi fortement révélateur des divergences qui minent le parti, concernant plusieurs dossiers majeurs. Des erreurs stratégiques La lourde défaite subie par le PJD pousse les observateurs à chercher les causes internes qui ont entrainé la déroute de cette formation. Le parti a grandement misé sur une nouvelle génération de candidats, au lieu de mettre en avant des profils susceptibles de lui permettre de tenir la dragée haute aux trois grands favoris que sont le RNI, le PAM et l'Istiqlal. Outre le délaissement du recrutement de nouveaux militants, le PJD s'est refusé à tirer les leçons des résultats des élections des Chambres professionnelles. Or, ce scrutin, jugé «secondaire», était déjà révélateur de la forte mobilisation des trois formations concurrentes, qui se sont retrouvées largement en tête de la nouvelle carte parlementaire. Certes, le laps de temps réduit entre les deux scrutins ne pouvait permettre au PJD de se ressaisir, mais force est de reconnaitre que les communiqués de son Secrétariat général laissaient dégager une sérénité trompeuse concernant sa capacité à rester aux commandes. D'un autre côté, l'appel à la démission de Saad Dine El Otmani, lancé par l'ancien N°1 du parti, Abdelilah Benkirane montre qu'une large frange des militants a admis la défaite et s'inscrit, d'ores et déjà, dans une perspective de restructuration de ce parti qui fut, dix ans durant, un acteur majeur de la scène politique. Mustapha Ibrahimi Ancien président du groupe parlementaire du PJD «La question n'est pas de reconnaître la défaite ou pas. Nous reconnaissons la défaite et nous sommes à l'écoute des messages envoyés par les citoyens. C'est cela la démocratie. Nous félicitons tous les élus qui ont remporté leur mandat de manière intègre. Pourtant, le seul problème que nous avons évoqué réside dans la non-délivrance des procès-verbaux, ce qui constitue une irrégularité flagrante dans l'opération électorale» Abdellah Bouanou Directeur central de la campagne du PJD «Le parti a été la cible d'une série de mesures, avec en tête le coefficient électoral qui est une norme nouvelle introduite de manière forcée. Le parti a souffert aussi de la pression qui a été exercée sur ses candidats, notamment dans le monde rural». Aziz Rabbah Membre du SG du PJD «Je ne trouve aucune explication à ces résultats catastrophiques. Si l'on compte uniquement les voix des membres et les sympathisants, ainsi que tous ceux qui ont été convaincus par nos efforts et notre intégrité, cela nous aurait permis d'occuper les premières places». Benkirane : «El Otmani doit démissionner» Groggys, les militants du PJD cherchent la cause de leur défaite. Aussi, Abdelilah Benkirane, ex- chef de gouvernement ex-secrétaire général du parti, a-t-il demandé à Saad Dine El Otmani, actuel secrétaire général et chef de gouvernement sortant, de présenter sa démission. En une journée de vote, le PJD est passé de 126 à 12 sièges. En clair, le PJD n'aura même la consolation de constituer un groupe parlementaire. «En tant que membre du Conseil national du PJD et sur la base de mon ancien statut en tant que secrétaire général du PJD, le secrétaire général doit assumer sa responsabilité et présenter sa démission de la direction du parti dans ces circonstances difficiles. L'actuel adjoint d'El Otmani sera en mesure de prendre cette responsabilité jusqu'à la tenue du congrès du parti dès que possible afin que notre parti continue à assumer sa responsabilité au service du pays à partir de sa nouvelle position», a déclaré Abdelilah Benkirane. «Une défaite incompréhensible et inacceptable» À l'heure ou nous mettions sous presse, le secrétariat général du parti de la lampe n'avait pas encore rendu publique sa position. La seule réaction a émané du président du conseil national, Driss Azami Idrissi. Pour lui, «les résultats imprévisibles et incompréhensibles nécessitent des explications», de même que le «PJD a travaillé de manière sérieuse tout au long de dix ans et a énormément donné au pays». Le recul de 125 sièges à 12 sièges reste «incompréhensible et inacceptable», ce qui n'empêchera pas le parti de «rester au service du citoyen et devra procéder aux révisions nécessaires», précise-t-il à propos des retombées de la défaite cuisante subie par le parti de la lampe pour le scrutin législatif. Younes Bennajah / Les Inspirations ECO