Intégration d'un système d'information, présence sur les réseaux sociaux, cloud computing... Décidément, il est fini, le temps où le numérique dans l'entreprise se limitait à des tâches de bureautique. C'est du moins l'espoir qu'ont nourri les officiels marocains en lançant le Plan Numeric 2013. L'objectif est de démocratiser l'usage des technologies de l'information, que ce soit au niveau de la société, de l'administration publique ou encore, et surtout, dans les entreprises marocaines. Dans la profession, on fait en effet valoir l'atout de compétitivité qu'offre le numérique à l'entreprise marocaine. Ceci dit, si les grandes entreprises, influencées notamment par les tendances dans les grands groupes internationaux, ont intégré cette donne depuis plusieurs années déjà, au sein des petites structures, la donne est tout autre. En effet, force est de constater que les PME et TPE restent limitées dans le développement de l'outil numérique. C'est d'ailleurs un point qui n'a pas échappé aux initiateurs du plan Maroc Numeric 2013, qui ont consacré l'un des quatre axes de cette stratégie à l'informatisation des PME-PMI, en les accompagnant dans leur appropriation et leur maîtrise des NTIC. Selon le ministère de tutelle, «plusieurs actions ont été réalisées ou sont en cours de réalisation dans ce sens». C'est notamment le cas du soutien à l'informatisation des PME et des filiales à fort enjeu en PIB, à travers des offres de solutions métiers prêtes à l'emploi, financées dans le cadre du programme «Moussanada TI» à hauteur de 60 % de l'investissement plafonné à 400.000 dirhams. Sur ce volet, notons que l'Agence nationale pour la promotion de la PME a lancé depuis le début du semestre en cours une nouvelle offre «Technologie de l'information» du programme Moussanada, axée notamment sur une approche modulaire, couvrant l'ensemble des besoins d'informatisation des PME. «Non seulement les modules fonctionnels couverts par cette offre TI permettent d'améliorer et de rationnaliser les processus de base de gestion des ressources des entreprises, mais aussi de piloter leur stratégie de développement», soutient-on auprès de l'ANPME. Concrètement, la PME peut choisir dans la pratique un ou plusieurs modules fonctionnels, couvrant ses besoins prioritaires, avec un appui recommandé d'une assistance à maîtrise d'ouvrage. Il s'agit là principalement d'une contribution au financement, à l'acquisition et à l'intégration d'une solution informatique, ainsi qu'à l'investissement matériel et infrastructure informatique associés. Au-delà de Moussanada IT, le ministère de tutelle s'est également intéressé à la mobilisation des prescripteurs pour accompagner les PME fournisseurs, dans des projets de dématérialisation des échanges relatifs à la commande, au bon de livraison et à la facture. Une convention dans ce sens devrait voir le jour incessamment. Dans le même contexte, les PME marocaines souhaitant profiter de la révolution du numérique peuvent aujourd'hui compter sur la mobilisation par la tutelle des grands donneurs d'ordre pour inciter les entreprises à s'équiper en terminal de paiement, de connexion aux fournisseurs, de solution de gestion de stocks... dans le cadre de la stratégie de développement du commerce, le Plan Rawaj, où la contribution de l'Etat peut atteindre 75 % du prix de la solution plafonnée. Ceci dit, il est clair que l'Exécutif aura beau mettre en place des solutions d'accompagnement, sans des efforts de sensibilisation, l'intégration par les PME les plus réticentes des solutions passe incontestablement par des mesures de sensibilisation. C'est dans ce sens qu'un travail d'initiation des chefs d'entreprise à l'utilisation des technologies d'information a été initié à travers des séances de formation et de sensibilisation sanctionnées par un permis numérique, dans le cadre du Projet Infitah. C'est dire l'ampleur des mesures mise en place pour convaincre les PME d'émerger vers les technologies d'information. Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle, puisqu'auprès des professionnels du numérique, il y a unanimité sur le fait qu'«une stratégie numérique sera incontestablement à la source de l'accroissement du potentiel d'innovation et de compétitivité de toute PME qui opte pour cela». Ceci est d'autant plus important dans un contexte économique où la différenciation génératrice de croissance est de plus en plus difficile. La présence sur le WEB, l'automatisation des processus de production, la digitalisation des dossiers clients ou encore le CRM sont des exemples de leviers indispensables aujourd'hui pour gagner plus de points de croissance et plus de compétitivité. «Le numérique ne peut pas être réduit à l'installation d'ordinateurs personnels ou à l'usage de services basiques comme la messagerie. Les systèmes d'information ne peuvent apporter une croissance additionnelle à l'entreprise que lorsqu'ils sont totalement intégrés à leurs processus d'affaires», souligne-t-on auprès de l'Association des utilisateurs des systèmes d'information. Ceci étant, intégrer l'ère du numérique et adopter les nouvelles technologies comporte aussi des risques pour l'entreprise, comme en conviennent les opérateurs. Le système d'information de l'entreprise, par exemple, devient de plus en plus exposé et ouvert. D'où la nécessité de bien identifier, évaluer et maîtriser ces risques et de sensibiliser les acteurs de l'entreprise à la protection des données numériques. Mohamed Bennis, Président de l'AUSIM (Association des utilisateurs de systèmes d'information au Maroc) «Saisir les opportunités qu'offre le numérique» Les Echos quotidien : L'AUSIM tient prochainement ses deuxièmes assises sur le thème de l'entreprise numérique. Comment expliquer cet intérêt particulier dont bénéficie le numérique dans le monde de l'entreprise ? Mohamed Bennis : Le numérique se trouve aujourd'hui en relation étroite avec nos actes et nos gestes au quotidien. Au travail, en déplacement ou à domicile, nous ne pouvons plus nous passer aujourd'hui du téléphone, de la messagerie ou de faire des recherches sur Internet. Tous les acteurs s'accordent aujourd'hui pour saisir les opportunités qu'offre le numérique à notre pays et à nos entreprises. C'est aussi ce qui a poussé notre association à faire de « L'entreprise numérique», le thème central de l'édition 2012 des assises de l'AUSIM prévue à partir du 10 octobre prochain à Marrakech. Le plan Maroc Numeric 2013 ambitionne de faire émerger une économie du savoir au Maroc. Comment cela peut-il aider les entreprises marocaines à créer plus de valeur ajoutée ? Les initiatives prises via le plan «Maroc Numeric» sont salutaires et plusieurs projets de ce programme ont commencé à donner leurs fruits. Avec le niveau de développement des télécommunications au Maroc et l'évolution soutenue des taux d'équipement des entreprises en TIC, notre pays dispose aujourd'hui d'une infrastructure à même de lui permettre une accélération des usages du numérique au profit de notre économie en générale et de nos entreprises en particulier. Toutefois et de notre point de vue, les parties prenantes doivent redoubler d'efforts pour améliorer les initiatives lancées et en proposer des nouvelles visant à accélérer l'informatisation des PME/PMI (régulation, sensibilisation, adaptation de l'offre, bilinguisme, opportunité SaaS/Cloud, support financier, etc.). Plus globalement, comment le numérique peut-il soutenir la compétitivité et la croissance des entreprises ? Le numérique est désormais devenu indispensable à la croissance économique. L'entreprise doit aujourd'hui développer une stratégie numérique de nature à faire face à une concurrence de plus en plus rude. Une fois l'équipement basique en TIC acquis, le développement de l'usage et l'intégration des TIC dans l'outil de production peut donner à nos entreprises un avantage compétitif majeur. Existe-t-il des estimations de coût pour une entreprise qui souhaiterait se «numériser» ? Nous n'avons pas de données de référence surtout que la taille de l'entreprise et le niveau d'usage du numérique seront déterminants pour ces coûts. Toutefois une structure de taille petite ou moyenne peut disposer de certains usages standards et d'une présence sur le Web dans une fourchette de quelques dizaines de milliers de dirhams à quelques centaines de milliers de dirhams. Un développement plus important de ces usages peut nécessiter un investissement encore plus important. Le Cloud Computing semble s'emparer petit à petit du monde de l'entreprise dans plusieurs pays. Qu'en est-il du Maroc ? Au Maroc, le développement du Cloud Computing est encore timide, mais nous enregistrons déjà quelques premières expériences. L'offre locale s'installe progressivement et quelques grandes structures ont dernièrement franchi le pas en délocalisant une partie de leurs infrastructures ou de leurs applications. Quel apport peut représenter aujourd'hui le Cloud Computing pour une PME et quels peuvent être les risques qui découlent de son utilisation ? Le Cloud Computing peut permettre aux PME d'accéder facilement au numérique et à moindre coût. Toutefois et dans l'état actuel des choses, certains points de vigilance sont à adresser et en particulier ceux relatifs à la protection des données et au cadre juridique (niveau d'engagement du prestataire, réversibilité, etc.). Un développement croissant de l'offre locale avec en particulier des datacenters sur le territoire marocain sera sans doute un élément important pour encourager plus d'organisations à mettre sur le cloud une partie ou la totalité de leurs systèmes d'informations. Beaucoup de grandes entreprises sont aujourd'hui présentes sur les réseaux sociaux. Peut-on dire que ces outils sont tout aussi intéressants pour les petites structures ? Oui. Avec 14,9 millions d'internautes dont plus de la moitié qui se connectent tous les jours et 83% d'entre eux qui déclarent être membres d'un réseau social, la présence sur les réseaux sociaux est aussi une excellente opportunité pour nos petites et moyennes entreprises. Toutefois, la présence sur le Web en général et sur les réseaux sociaux en particulier requiert certains prérequis qui peuvent ne pas se vérifier pour certaines petites structures. La promotion des marques, des produits et services d'une entreprise sur le Net nécessite une stratégie adaptée à ce canal, tout en prenant en compte le comportement des internautes sur ce type de sites. Il sera question par exemple de disposer au préalable d'un site Web convivial et mis à jour régulièrement, de répondre aux questions des internautes, de privilégier le canal digital pour certaines informations relatives aux nouveaux produits ou encore d'animer la communauté qui se crée autour de la marque sur les réseaux sociaux. Il ne faut pas se lancer sans un accompagnement par des compétences spécifiques (comme le gestionnaire de communautés). Les petites structures s'appuient sur les services et conseils d'un prestataire spécialisé. Pour rappel, lors de cette deuxième édition des assises, une table ronde sera dédiée à ce sujet pour partager avec les participants les retours d'expériences et les perspectives dans ce domaine. Des assises pour vulgariser l'entreprise numériqueL'entreprise numérique devrait être au centre des débats des prochaines assises de l'AUSIM, prévues en octobre prochain à Marrakech. Il faut dire que pour cette deuxième édition, l'association ambitionne de faire au moins comme en 2010 où plus de 450 personnalités et acteurs majeurs du secteur des Systèmes d'information au Maroc ont assisté à l'évènement. Notons que cette édition accueillera également, l'association française : le CIGREF (Cercle informatique des grandes entreprises françaises), dont l'objet est de promouvoir la culture numérique. «Les assises de l'AUSIM constituent une rencontre phare favorisant le dialogue et le partage d'expériences entre les participants», soulignent les organisateurs.