Les temps seraient-ils aussi graves que le laisseraient penser les dernières actualités économiques ? En tout cas, ce qui est sûr, c'est que l'économie marocaine n'a jamais été aussi exposée aux retombées de la crise internationale. Et le gouvernement n'a jamais joué aussi front jeu pour déballer les indicateurs. C'est du moins l'avis sur lequel se joignent les parlementaires de la commission des Finances qui ont assisté en fin de semaine écoulée, à l'exposé fait par le ministre des Finances pour dresser un état des lieux de l'économie marocaine et ceux qui l'ont félicité de son franc parler lors de la réponse à leurs questions en plénière hier. Le ministre reconnaît en effet que la situation est critique, à commencer par le déficit commercial du Maroc qui ne cesse de s'alourdir. Ceci intervient dans un contexte où le pays s'est engagé dans une stratégie industrielle sensée justement renforcer sa compétitivité sur les marchés internationaux. La raison de ce déficit, le ministre l'explique principalement par la facture énergétique. «Il faut savoir qu'une hausse de 1 dollar des cours du pétrole engendre un surenchérissement de 900 millions de dollars de la facture énergétique», note le ministre. Or, sur les sept premiers mois de l'année en cours, le prix moyen du baril s'est établi à 112 dollars, soit 8 dollars de plus qu'en 2011 et 33 dollars de plus qu'en 2010. À cela, il faut ajouter un effet de change défavorable et qui coûte à lui seul 1,2 MMDH. Au final, et à fin juin seulement, le Maroc a dû supporter 4,4 MMDH supplémentaires sur la facture énergétique, à laquelle il faudrait ajouter 3,4 MMDH qui découlent de la hausse des importations de biens d'équipement. Parallèlement, les exportations de phosphates n'augmentent que de 1 MMDH. Pour les autres secteurs exportateurs, force est de constater que la baisse de la demande étrangère a finalement eu raison des opérateurs. «La plus part des secteurs exportateurs tournent au ralenti», déplore-t-on auprès du ministère de l'Economie et des finances. Le secteur du textile par exemple affiche une baisse de 6% de ses revenus à l'export. Idem pour le secteur des équipementiers automobiles, habitués à réaliser des taux de croissance à deux chiffres, se retrouvant désormais avec une légère hausse de 1,4% des revenus au deuxième trimestre. Dans ces conditions, le Maroc voit son déficit commercial s'alourdir de 5,5 MMDH en six mois. C'est à la lumière de ces chiffres que Nizar Baraka n'hésite pas, à chaque fois que la question lui est posée, à justifier le déséquilibre de la balance commerciale par la facture énergétique. Ceci dit, la situation paraît particulièrement inquiétante lorsque l'on se rend compte que cet alourdissement de la facture énergétique, conjugué à la décélération de l'activité exportatrice, et à la baisse des revenus touristiques, ainsi que des transferts des MRE, induit aujourd'hui un effritement sans précédent des réserves de devises du royaume. Ainsi, au 25 juillet dernier, les avoirs extérieurs de la banque centrale se sont établis à 136,8 MMDH, soit 30 MMDH de moins que le solde enregistré en début d'année. En tout, le stock de devises du Maroc ne lui permet plus de payer que quatre mois d'importations, soit à peine deux mois de plus que le seuil critique fixé par les instances internationales. «Le niveau actuel des réserves n'est pas critique mais demande de la vigilance», à répondu hier le ministre de tutelle, lorsqu'il fût interpellé par la Chambre des conseillers. Il y a donc vraiment de quoi tirer la sonnette d'alarme. Mais en dépit de ces difficultés, le Maroc devrait s'en tirer avec un taux de croissance supérieur à celui de l'économie mondiale. Ce dernier devrait en effet s'établir à 3,4% pour 2012, alors que la saison agricole a été des plus modestes. Celle-ci devrait en effet avoir une contribution nettement négative au PIB, tandis que ce sera le secteur non agricole qui tirerait la croissance vers le haut. Selon les dernières estimations disponibles, la récolte s'établirait à 51 millions de quintaux contre plus de 84 millions une année auparavant. Néanmoins, l'état des lieux dressé par le ministère des Finances souligne que les autres cultures ont tout de même pu tirer leur épingle du jeu grâce aux précipitations des mois de mars et avril, ainsi que des mesures prises pour contrer les effets de la sécheresse. Ceci permet donc de limiter la baisse de la valeur ajoutée agricole à 5,5%. Dans ce contexte, il devient alors évident que l'enjeu pour le Maroc est aujourd'hui de s'assurer à court terme, des moyens de financer son économie, en renflouant notamment son stock de devises. Ceci lui permettrait d'entrevoir avec plus de sérénité la mise en œuvre à moyen terme, de réformes structurelles. Quid du financement de l'économie Les banques financent de moins en moins l'économie nationale. C'est du moins ce qui ressort des statistiques du ministère des Finances. Sur les six premiers mois de l'année en cours, le volume des crédits accordés s'est restreint à 22,1 milliards de DH, contre plus de 38,9 MMDH à la même période de 2011. La hausse des crédits accordés a principalement concerné les facilités de trésorerie, les crédits immobiliers et ceux à la consommation. En revanche, le crédit à l'équipement s'est inscrit en nette baisse, au même titre que les crédits destinés à la promotion immobilière. Notons par ailleurs que l'effritement des réserves en devises du royaume a provoqué une ponction de liquidité conséquente. Au terme du mois de juin dernier par exemple, le déficit de liquidités du secteur bancaire a atteint 60,4 milliards de DH, soit le sixième trimestre d'aggravation de suite. Cela a poussé la Banque centrale à relever une nouvelle fois le niveau de ces injections, pour l'établir désormais à plus de 59 milliards de DH.