Depuis le déclenchement de la crise sanitaire, des efforts sont entrepris pour aider les enfants en situation de rue, les personnes âgées en situation difficile et les femmes victimes de violence. Plus de 5.662 personnes en situation difficile ont été prises en charge. Le point avec Jamila El Mossalli, ministre de la Solidarité, du développement social, de l'égalité et de la famille qui estime que plusieurs enseignements sont à tirer de l'expérience actuelle dont la nécessité de prendre en considération la gestion des crises dans la planification de toutes les politiques et les programmes. Votre ministère a lancé l'opération «Salama» (sécurité) visant à soutenir les personnes âgées et en situation de handicap. Quels en sont les résultats préliminaires ? Cette campagne sera-t-elle généralisée ? Le ministère a lancé, en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour la population ((FNUAP) la deuxième phase de l'opération «Salama» visant à soutenir les personnes âgées et en situation de handicap, car ces catégories sociales sont les plus exposées au risque de la pandémie du nouveau Coronavirus. Cette opération vise à mettre à la disposition des établissements de protection sociale des «Kits salama» pour l'hygiène et la prévention face au coronavirus. Cette action sera accompagnée par la diffusion et la publication à grande échelle de spots de sensibilisation ayant trait aux personnes en situation de handicap et qui conviennent aux besoins des personnes âgées. En ce qui concerne les résultats préliminaires, il est difficile de répondre à cette question car nous sommes encore au début de la mise en œuvre de cette opération. S'agissant de la généralisation de cette opération, la phase actuelle cible trois régions, en l'occurence, Rabat-Salé-Kénitra, Fès-Meknès et Tanger-Tétouan-El Hoceïma. Le ministère va étudier la possibilité de la généralisation de cette opération selon les résultats et les enseignements tirés de cette expérience dans les trois régions. Les associations jouent un rôle important en cette conjoncture spéciale. Pensez-vous qu'elles ont assez de moyens pour gérer cette crise ? Il est certain que les associations jouent un rôle important en cette conjoncture en raison de leur proximité de la catégorie ciblée et de la souplesse qui caractérise leur action en coordination avec les acteurs locaux. À ce titre, le ministère collabore de manière continue avec ces associations car elles sont considérées comme un partenaire fondamental dans tous ses programmes. Cette approche est également adoptée par les différentes composantes du pôle social surtout l'institution de l'Entraide nationale et l'Agence du développement social. Quelles sont les associations auxquelles vous accordez de la priorité ? Le ministère a mis en place un programme pour accélérer la mobilisation des associations partenaires. Il concerne les associations partenaires du ministère dans le cadre du fonds de la cohésion sociale œuvrant en matière de scolarisation des enfants en situation de handicap à travers le service «permanence éducative». Et ce, pour garantir le droit à la continuité d'accès aux services d'éducation et de mise à niveau à distance. Il s'agit aussi des associations œuvrant dans le domaine de la protection de l'enfance en situation difficile ou en situation de vulnérabilité ainsi que les associations qui gèrent les établissements de protection sociale pour personnes âgées et des associations qui gèrent les centres de conseil et d'orientation pour les femmes victimes de violence. Les établissements de protection sociale disposent-ils d'assez de moyens pour protéger les personnes en situation difficile contre le Covid-19 tout en sachant que plusieurs critiques sont adressées, en temps normal, à ces établissements ? Comme vous le savez, les établissements de protection sociale ont un rôle important dans la prise en charge des personnes en situation difficile. Je tiens à souligner que ces établissements interagissent avec leur environnement et ont des relations de coopération avec un ensemble d'acteurs relevant des secteurs gouvernementaux, des associations, des bienfaiteurs et du secteur privé au niveau territorial. Ces relations de coopération et de synergie sont considérées, à l'heure actuelle, comme un levier fondamental pour la mobilisation sociale et l'adhésion aux efforts nationaux pour répondre aux besoins de ces établissements de protection des personnes en situation difficile. Dès l'annonce du Maroc de la mise en œuvre des mesures préventives pour contenir la propagation de l'épidémie du nouveau coronavirus, le ministère de la Solidarité, du Développement social, de l'Egalité et de la Famille a veillé à prendre les mesures nécessaires qui sont en relation avec le domaine de son intervention et ce, à différents niveaux. S'agissant des mesures prises par le ministère pour protéger les résidents des établissements de protection sociale dont les institutions qui sont chargées des personnes âgées, le ministère a pris une batterie de mesures préventives que l'Entraide nationale veille à mettre en œuvre. Quelles sont ces mesures ? Il s'agit en premier lieu de la création d'un comité central et de comités provinciaux de veille qui sont chargés, entre autres, de faire le suivi et l'accompagnement des établissements de protection sociale ainsi que le suivi de l'état des personnes prises en charges en leur sein. À cela s'ajoutent les efforts pour insérer les personnes prises en charges au sein du milieu familial. Je tiens à souligner que les cadres de l'institution de l'Entraide nationale sont mobilisés au niveau national, régional et provincial pour accomplir le devoir de veille dans ces circonstances exceptionnelles. En ce qui concerne les établissements de protection sociale dont celles qui prennent en charge les personnes âgées, ces cadres contrôlent leur engagement en matière de mises en œuvre des orientations qui les concernent. Par ailleurs des directives ont été données aux aux établissements de protection sociale clarifiant les mesures préventives et de précaution qu'il faut prendre ( voir encadré). Les besoins nécessaires et urgents des institutions de protection sociale ont été identifiés et le processus pour y répondre est en cours. À cela s'ajoute l'accélération du décaissement des subventions aux institutions qui ne les ont pas encore reçues. Avez-vous toutes les données sur les enfants en situation de rue ainsi que les personnes âgées en situation de vulnérabilité ? Bien sûr. Depuis le lancement de cette opération, le ministère dispose d'informations précises et procède au suivi de l'opération de coordination avec les autorités locales. Jusqu'au 15 avril 2020, le nombre des personnes prises en charge au sein de ces espaces a atteint 5.662 personnes. Quelque 1.533 personnes ont été insérées dans le milieu familial. Selon les catégories, les femmes représentent un taux de 8,76 % et les enfants 7,33 %. Comment agissez-vous pour aider les femmes victimes de violence durant cette conjoncture exceptionnelle ? À l'échelle mondiale, il a été démontré que les conditions imposées par la pandémie de coronavirus ont un impact plus important sur la vie sanitaire, sociale et économique des femmes. La situation du confinement sanitaire mis en place par le Maroc pour empêcher la propagation de l'épidémie affecte différemment les femmes et les hommes, en raison des inégalités sociales existantes, des différentes considérations culturelles et de la nature de la participation économique des femmes dans les différents secteurs productifs, dont la plupart sont caractérisés par la faiblesse et la fragilité. Les femmes sont sur les premières lignes pour faire face à la pandémie, et assument le plus les différentes tâches au sein des familles, y compris les mesures intensives de prévention, et le suivi du processus d'enseignement à distance ainsi que la plupart des charges domestiques et autres charges. Pour faire face à cette situation, il est nécessaire de saluer les efforts du Maroc face à cette pandémie. Grâce à la haute sollicitude de Sa Majesté le Roi, que Dieu l'assiste, et la mobilisation de toutes les forces vives derrière lui, le Maroc a été un pionnier dans le suivi de la situation en prenant une série de mesures proactives, sanitaires, sociales et économiques, qui ont épargné aux citoyens et citoyennes des situations difficiles et atténué l'impact au niveau de tous les aspects. Dans ce cadre, le ministère de la Solidarité, du développement social, de l'égalité et de la famille a pris un certain nombre de mesures urgentes pour accompagner les femmes en situation difficile, les femmes victimes de violences ou susceptibles de l'être, ainsi que les femmes en situation de handicap, les femmes âgées, etc. Pour éviter toutes les manifestations de violence et prévenir leur exacerbation dans les conditions de confinement, en partenariat avec le FNUAP, et dans le cadre du Programme de coopération belge, le ministère s'emploie à lancer une campagne de sensibilisation numérique qui diffuse des messages qui aident à surmonter les contraintes psychologiques pendant la période de confinement et à sensibiliser à la nécessité de tirer parti du contexte actuel pour renforcer les valeurs de coexistence, de responsabilité conjointe entre les époux et d'éducation parentale, tout en rappelant que la violence à l'égard des femmes et des filles est incriminé et injustifiable dans les divers contextes. Au contraire, y recourir dans ces circonstances peut être une cause de sanctions plus sévères. Peut-on avoir plus de détails sur cette campagne ? Cette campagne numérique s'est attelée à l'élaboration des spots de sensibilisation divers et ciblés, qui seront bientôt diffusés sur les chaînes de télévision et de radio, ainsi que sur les divers réseaux sociaux. Elle comprend également des messages de sensibilisation qu'un groupe d'influenceurs, d'artistes et de personnages mobilisés dans ce cadre contribuera à sa transmission. Le ministère a également veillé à fournir les «kits Salama» pour la prévention contre le Covid 19, en partenariat avec le FNUAP, dédiés aux femmes victimes de violence, aux femmes bénéficiaires et aux travailleuses dans les espaces multifonctionnels pour les femmes, aux femmes enceintes et aux professionnelles de la santé, en particulier les sages-femmes et aux femmes migrantes et aux femmes détenues … dans plusieurs régions du Maroc. Ces kits sont mis à la disposition des réseaux et associations pour les distribuer aux publics cibles. Le ministère a également lancé une initiative pour soutenir et développer des services dédiés à distance aux femmes victimes de violence, qui peuvent être dispensés par des associations et des réseaux de centres d'écoute partenaires du ministère afin d'accompagner les femmes en situation difficile pendant cette étape critique, de développer les services à distance et d'accompagner les femmes victimes de violence dans tout le territoire national (écoute, accompagnement psychologique, coordination avec les services de protection des victimes, orientation vers les services …). Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en raison de la spécificité de cette conjoncture ? Les difficultés résident dans la mobilisation et la mise en place de la logistique dans les plus brefs délais. On note aussi d'autres difficultés relatives aux spécificités des catégories en situation de rue : le manque de cadres sociaux formés dans la gestion des crises et d'assistance sociale, le manque d'informations précises et de données sur les catégories en situation de rue. Outre le fait que les besoins des groupes ne sont pas homogènes, ce qui rend difficile l'élaboration d'un protocole unifié de prise en charge. Quels sont les enseignements que vous tirez de la conjoncture actuelle? Allez-vous redéfinir vos priorités ? Le ministère, à l'instar de l'ensemble des secteurs gouvernementaux et des différents acteurs dans notre pays et dans le monde entier, est tenu de gérer cette crise et d'en tirer les enseignements. Plusieurs enseignements sont à tirer de l'expérience actuelle par le ministère dont les plus importants sont : la nécessité de prendre en considération la gestion des crises dans la planification de toutes les politiques et les programmes, l'importance de la mise à niveau des ressources humaines travaillant dans le domaine social dans la gestion des crises et l'assistance sociale, l'importance de la digitalisation et du développement des services sociaux à distance et la mise à niveau de l'espace familial en raison des rôles de ce milieu naturel dans l'éducation sociale, la protection et l'accompagnement. Suivi étroit de la situation Les cadres de l'institution de l'Entraide nationale sont mobilisés et suivent de près la situation avec les différentes parties prenantes impliquées : les autorités locales, les associations et les collectivités territoriales, et ce à travers les comités de veille créés à cette occasion par le département de tutelle. À cet égard, Jamila El Mossalli tient à saluer les délégations de l'Entraide nationale, les travailleurs sociaux et les autorités locales pour le rôle important qu'ils jouent dans la protection des bénéficiaires des services des établissements de protection sociale et l'adaptation des lieux, des programmes et des protocoles de prise en charge avec des exigences du confinement sanitaire. Etablissements de protection sociale : les principales mesures de prévention Plusieurs directives ont été mises en place pour protéger les résidents des établissements de protection sociale contre toute éventuelle contamination par le Covid-19 dont l'interdiction de la sortie sauf nécessité absolue, la suspension des visites et des activités humaines et de solidarité, le renforcement des conditions d'accès à ces établissements tout en plaçant les nouveaux arrivants en isolation sanitaire préventive pour une durée d'au moins 14 jours. Il a aussi été décidé de procéder à l'isolation de tous les résidents ayant des symptômes respiratoires en tant que mesure préventive. L'autorisation d'absence est accordée à tous les employés et superviseurs de ces établissements ayant des symptômes respiratoires. On veille aussi, selon la responsable gouvernementale, à rassurer les résidents en les informant de toutes les nouveautés relatives à la situation épidémiologique pour éviter toute dramatisation ou panique. L'accent est mis également sur le respect des règles d'hygiène telles que le lavage des mains, la ventilation régulière des établissements, la ventilation des lits et leur exposition continue au rayonnement solaire, le nettoyage des sols, etc. Les institutions de protection sociale sont stérilisées en coordination avec les autorités et départements concernés. Les repas sont fournis individuellement aux résidents chaque fois que possible. «Kolona maak» Dans le cadre du partenariat avec l'Union nationale des femmes du Maroc, le ministère de la Solidarité, du développement social, de l'égalité et de la famille a renforcé les efforts de coopération, de coordination et de soutien ayant trait à la plateforme « Kolona maak » (nous sommes tous avec vous) pour améliorer ses services, diversifier les services à distance pendant la phase de confinement et détecter et suivre les cas. Il s'agit notamment de soutenir les initiatives de soutien psychologique destinées aux familles par le biais des différents médias ou de réseaux sociaux pour éviter la violence, faire prévaloir le dialogue, et expliquer comment éviter les pressions psychologiques dans ce contexte. Ainsi, le ministère a mis à la disposition de la plateforme une liste de 63 centres pouvant accueillir des femmes en situation de violence. Il s'agit des espaces pour femmes en situation de rue; des centres pour femmes en situation difficile et des espaces multifonctionnels pour femmes. À cela s'ajoutent le suivi des cas de violence signalés par divers moyens et la coordination avec les acteurs pour accélérer les interventions, l'hébergement des cas ou leur renvoi au domicile conjugal, ainsi qu'un suivi continu de la santé et de la situation sociale des travailleuses et des bénéficiaires des services des centres d'hébergement pour femmes en situation difficile, dans le cadre de la coordination avec l'institution de l'Entraide nationale.