La crise a bien eu raison des bourses des ménages marocains. C'est ce que vient de confirmer la Banque centrale dans sont rapport d'activité qui met en exergue l'endettement des Marocains. «Comme les années précédentes, l'endettement bancaire des ménages a connu, au cours de 2011, une hausse soutenue», notent les analystes de Bank Al-Maghrib (BAM). Si cette croissance peut, d'un côté, refléter une résilience de l'économie et du système bancaire, avec notamment le soutien de la consommation locale, il n'en demeure pas moins qu'il devient aujourd'hui une source de risque potentiel pour le système bancaire. Et pour cause, les données relevées par BAM font état d'un accroissement de 1% du taux d'endettement des ménages. À fin 2011, il représentait en effet 29% du PIB contre 28% en 2010. Cette situation fait suite à l'effet mécanique engendré par la croissance, plus importante que celle du PIB, constatée au niveau des crédits distribués aux ménages. Au total, ceux-ci ont totalisé, à fin décembre 2011, un encours de 234 MMDH, en hausse de 8,4% mais en léger retrait par rapport au taux affiché à fin décembre 2010, qui était de 9,2% et nettement supérieur aux 5% de croissance réalisés par notre économie. Les crédits aux ménages ont dans ce sens représenté 32% des crédits distribués par les établissements de crédit, contre 33% en 2010. L'heure est à la vigilance Faut-il pour autant tirer la sonnette d'alarme? Cette évolution des crédits aux ménages est intervenue dans un contexte marqué, globalement, par la stabilité des conditions d'octroi. C'est du moins ce que révèlent les enquêtes de BAM sur les conditions d'octroi des crédits effectués auprès des huit banques les plus importantes. Cette dernière a montré que pour le crédit à l'habitat par exemple, et qui représente les deux tiers des dettes des ménages, les conditions sont restées inchangées au niveau de la plupart des banques détenant plus de 70% de parts de marché. S'agissant du crédit à la consommation, des banques concentrant 55% de parts de marché ont maintenu les conditions précitées intactes, alors que d'autres ont adopté un comportement conservateur pour les prêts les plus risqués. «Les risques liés au surendettement, à la faible capacité de remboursement des emprunteurs et aux prévisions concernant l'activité économique, ont pesé sur ce comportement», souligne la Banque centrale. Néanmoins, le système bancaire a tout de même pu tirer son épingle du jeu en limitant le taux des créances en souffrance. À ce titre, il y a en effet lieu de souligner que l'amélioration de l'information financière sur la solvabilité des emprunteurs, mise à la disposition des établissements de crédit par le Crédit Bureau, a aidé à contenir l'évolution du taux de risque sur les ménages en 2011. C'est dans ce sens que l'encours des créances en souffrance sur les ménages s'est établi à 14,6 MMDH, représentant 6,3% du total de l'endettement bancaire des ménages, contre 6,8% l'année précédente. À ce niveau, force est de constater que tous les opérateurs du système bancaire ne sont pas logés à la même enseigne. En effet, si l'encours des créances en souffrance des banques a décru de 1,4%, représentant 4,5% du total de leurs concours aux ménages, celui des sociétés de financement a en revanche augmenté de 1,3%. Ces créances en souffrance étaient couvertes par des provisions à hauteur de 71%, selon les données publiées par BAM. Cela dit, les ménages ne sont pas les seuls à «crouler sous les dettes». Les entreprises ne sont pas mieux loties, puisque leur endettement représente désormais 55% du PIB, contre 51% seulement en 2010. Dans ce contexte, les banques détenant 45% de parts de marché ont dû relever leurs conditions d'octroi des crédits. «La dégradation des perspectives économiques générales et les risques liés à la qualité de l'information financière ont été les principaux facteurs à l'origine de ce resserrement», ajoute la Banque centrale. Selon l'institution d'émission, ce resserrement s'est principalement traduit par le rehaussage de la marge sur les prêts les plus risqués, ainsi que par la réduction du montant des prêts et de leur maturité. Néanmoins, la concurrence interbancaire a exercé l'effet inverse sur le comportement des banques. Resserrer la vis C'est dire que si la situation est loin d'être alarmante, elle appelle tout de même à la vigilance. D'ailleurs, même le gouverneur de la Banque centrale a appelé, dans son introduction au rapport, la nécessité pour les banques de faire preuve de plus de précaution. «La Banque centrale a invité les établissements concernés à constituer des provisions à caractère général, pour la couverture des risques considérés non encore avérés», annonce Abdellatif Jouahri. Il faut dire que dans le contexte économique actuel, la vigilance est plus que jamais de mise. Selon les données mêmes de BAM, le ratio moyen de solvabilité du secteur est certes toujours supérieur au minimum légal, mais il s'est tout de même inscrit en retrait comparativement à 2010. Il s'établit désormais à 12,4 contre 12,7% en 2010, alors que le ratio Tier one s'est amélioré de 0,2 point à 9,8%. Notons que dans le cadre de sa politique visant à renforcer la résilience du secteur bancaire et à le préparer aux défis de la réforme de Bâle III, Bank Al-Maghrib a décidé en avril 2012 de rehausser le niveau minimum du Tier one à 9% et celui du ratio de solvabilité à 12%, tout en relevant les exigences ayant trait aux règles relatives à la division des risques. Cette vigilance est donc clairement une conséquence directe à la hausse des risques dans le secteur et qui s'est avérée plus marquée que celle des fonds propres. Les risques nets pondérés supportés par les banques se sont dans ce sens établis à 721,6 MMDH, marquant une hausse de 9,3%, soit un niveau supérieur à celui observé en 2010. Ils sont constitués à hauteur de 86% du risque de crédit, 8% du risque opérationnel et 6% du risque de marché.