Le débat sur le rapatriement des centres d'appels délocalisés au Maroc et en Tunisie par les opérateurs des télécoms semble se raviver au sein du gouvernement français. Ces derniers jours, la presse française s'est faite l'écho du souhait du ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg du transfert en France de l'intégralité des centres d'appels des opérateurs télécoms souvent délocalisés au Maroc et en Tunisie, afin de préserver l'emploi. La même information s'est répandue telle une traînée de poudre, suscitant moults interrogations autour de l'avenir de toute une activité et des impacts d'une décision officielle dans ce sens. Si une telle ambition se concrétisait, l'impact serait néfaste sur l'emploi, sachant que les centres d'appels offrent plus de 40.000 emplois au Maroc. Selon les estimations de l'Association marocaine de la relation client (AMRC), le secteur des télécoms représente 30 à 40% de la part d'activité des donneurs d'ordres, au sein desquels les opérateurs français sont majoritaires. «Rien ne nous permet de dire que ces emplois sont aujourd'hui menacés...Aucune mesure dans ce sens n'a été prise pour le moment, il s'agit de simples réflexions en cours au niveau du nouveau gouvernement français. Je pense qu'il n'est pas surprenant que le sujet revienne sur la table. Ce n'est que la 3e fois en 8 ans», a tenu à rassurer Youssef Chraïbi, président de l'AMCR et président de Outsourcia. En fait, l'idée de lutter contre la fuite des emplois dans les centres d'appels en France, n'est pas nouvelle puisqu'en 2010 des mesures anti-délocalisation avaient été préparées dans ce sens. Elles portaient notamment sur la taxation des appels gérés en offshore, la mise en place d'un code de bonne conduite pour les entreprises publiques afin de les contraindre à faire appel à des prestataires en France, un dispositif d'incitation à le relocalisation des centres en France, une obligation d'annoncer au client final le lieu de traitement des appels et enfin la mise en place d'une liste des mauvais élèves faisant appel à des prestataires offshore. Même Nicolas Sarkozy avait imaginé, dès 2004, alors qu'il était ministre des Finances, un dispositif similaire qui n'avait finalement pas abouti. Youssef Chraïbi, Président de l'AMCR et d'Outsourcia. «Une relocalisation ne se décrète pas par un gouvernement» Les Echos quotidien : Selon la presse française, des opérateurs télécoms s'apprêtent à rapatrier en France leurs centres d'appels au Maroc, quel serait l'impact d'une telle décision sur l'avenir du secteur au Maroc et notamment sur l'emploi ? Youssef Chraïbi : Par expérience, avant de s'affoler laissons le temps au nouveau gouvernement français de découvrir les enjeux du secteur, de comprendre son modèle économique et de voir que les principaux bénéficiaires sont les acteurs français qui ont aujourd'hui impérativement besoin de l'offshore (qui est très rentable pour eux) afin de maintenir voir de développer ce métier en France où le secteur est à peine viable, et qui le sera encore moins s'ils décident par ailleurs de refiscaliser les heures supplémentaires comme ils l'ont annoncé. Même si une mesure devait être annoncée un jour, elle serait difficilement applicable car une relocalisation ne se décrète pas par un gouvernement, quel que soit le secteur d'activité en question, et il n'y a pas de raison que les centres d'appels fassent exception. Les opérateurs télécoms, avant de vouloir contenter leur gouvernement, doivent répondre en priorité à des impératifs économiques dictés par leurs actionnaires, impératifs encore plus contraignants dans un contexte de conjoncture difficile et de concurrence inédite dans ce secteur avec l'arrivée du 4e opérateur mobile en France. Y a-t-il des opérateurs espagnols qui ont déjà rapatrié leurs centres d'appels en Espagne ? Non, pas à ma connaissance et cela serait de toutes façons surprenant, compte tenu de la crise aiguë que traverse l'Espagne actuellement. Rappelons que l'offshoring offre avant tout des avantages substantiels en termes d'économie de coûts, il ne serait donc pas naturel pour des entreprises en crise de vouloir payer 30 ou 40% plus chère une prestation équivalente. Comment se porte le secteur au Maroc en ces temps de crise en Europe ? Ces années ont été exceptionnelles pour la croissance de notre secteur avec un taux supérieur à 20%. Nous avons encore créé plus de 6.000 emplois l'année dernière. Nous sommes très confiants sur les perspectives de croissance dans les années à venir car il faut rappeler que le principal levier de développement de ce secteur est la tendance lourde d'externalisation des métiers de services, qui va encore fortement se développer, et qui bénéficiera en partie à des destinations offshore, au premier rang desquelles figure le Maroc, pour l'offshore francophone. La crise peut également être un facteur d'accélération des mouvements d'externalisation offshore dans la mesure où les entreprises recherchent encore plus des modèles de coûts attractifs. Rappelons pour finir que le développement de ce secteur au Maroc ne s'est pas fait au détriment de l'emploi français.