● Les candidats aux postes de techniciens et d'experts sont les moins satisfaits des offres salariales des entreprises ●Plus de 40% d'entre eux expriment le souhait de voir augmenter leur rémunération parfois jusqu'à hauteur de 50% ●Les managers, eux, jugent plus positivement les offres qui leur sont faites En octobre 2010, le cabinet Diorh publiait la onzième édition de son étude qui fait référence au Maroc en matière d'analyse des tendances des salaires. La conclusion générale était qu'il n'y aurait pas de tassement important des salaires pour l'année 2011 mais des augmentations légères, 5% en moyenne. Cette nouvelle année démarre aussi avec l'examen de la manière dont les entreprises ont conçu leur politique de rémunération au cours de l'année 2009-2010. Telle est l'orientation d'une étude que le cabinet français Elecio présente aujourd'hui à Casablanca. Les éléments de cette analyse, dont la primeur a été accordée aux Echos quotidien, permettent surtout de comprendre les écarts entre les politiques de rémunération que s'apprêtent à mettre en œuvre les entreprises en ces moments d'évaluation annuelle et les attentes des collaborateurs et des candidats par rapport aux postes proposés par celles-ci. Salaires vus par les collaborateurs L'un des constats phares du cabinet Elecio porte sur les écarts entre les salaires actuels et ceux souhaités par les collaborateurs et candidats à des postes dans les entreprises marocaines. À ce propos, si les entreprises, comme il ressort de l'enquête Diorh, ne souhaitent accorder qu'une augmentation moyenne de 5% cette année, l'étude Elecio, elle, conclut que les attentes des collaborateurs actuels et potentiels sont plus élevées et varient selon les types de profils. De manière générale, ce sont les techniciens et experts (c'est-à-dire les collaborateurs qui sont des contributeurs individuels et qui n'ont pas de responsabilité managériale) qui expriment les niveaux d'attente les plus élevés en termes d'augmentation de salaires. Ces profils ont, en général, un niveau Bac+2 ou Bac+4 et quelques années d'expérience. Leur salaire moyen actuel est de 11.000 DH et le médian de 9.000 DH. Mais selon Elecio, durant leur évaluation annuelle, une partie non négligeable de ceux-ci émettra le souhait de voir augmenter son salaire de 16% voire 50%. Les managers et animateurs d'équipe, eux, seront relativement moins gourmands. Dans le contexte marocain, ceux-ci ont, en général, un Bac+5 avec une dizaine d'années d'expérience et leur salaire moyen est de 44.700 DH avec un médian de 44.600 DH. Ainsi, il s'attendront à avoir une progression de salaire entre 16 et 30%. La conclusion de Elecio par rapport à ces écarts est que, de manière générale, les contributeurs individuels (techniciens et experts) considèrent que leur salaire actuel est peu attractif alors que les managers, eux, jugent leur situation assez confortable. Réajustement Si «flambée» de turnover il y aura, cette année, ce serait sans doute beaucoup plus parmi les contributeurs individuels que parmi les managers, apprend-t-on par l'étude Elecio. Ceci d'autant plus que, même si le style de management et l'ambiance interne sont des facteurs non négligeables pour attirer et fidéliser les talents, la rémunération garde encore une certaine primauté, signale le cabinet français. Néanmoins, l'étude constate aussi que les politiques de rémunération adoptées par les entreprises marocaines sont de plus en plus mieux élaborées. Elles tendent à compenser le coup de frein donné aux augmentations annuelles par des structures de rémunération variables , la mise en avant des éléments non monétaires (avantages sociaux, retraite, primes ...) et par le recours à des «grilles» de salaires (internes ou externes) pour différents niveaux de poste. La mise en œuvre de ces politiques tend également à s'individualiser et à prendre en compte les spécificités des candidats (notamment leur localisation et leur situation familiale...). Toutefois, malgré la sortie probable de la crise, 2011 est donc à l'instar de 2010, une année de recherche d'un équilibre entre «rémunération et attentes des collaborateurs» globalement acceptable. A saisir 60 candidats sélectionnés en short list, parmi une population d'environ 200 à 300 personnes, ont été approchés directement par les consultants d'Elecio dans le cadre de l'enquête. Les principaux secteurs d'activité d'origine des candidats concernés par l'étude sont : l'énergie, les BTP, l'informatique, la banque, le conseil et l'industrie. Les candidats aux postes de directeurs, rémunérés à 44.000 DH nets (en moyenne), sont moins positifs sur les rémunérations offertes, mais peu d'entre eux demandent une augmentation. Les coulisses de l'étude Selon Jean-Pierre Mariaccia, DG d'Elecio, l'initiative d'examiner les politiques de rémunération est née de l'intérêt identifié des acteurs économiques à suivre les évolutions dans ce domaine, dans un contexte très rapidement évolutif à partir de données réelles qui ne soient pas des déclarations d'intention ou des estimations. Pour ce faire, contrairement à la pratique habituelle consistant à sonder la cible sur un terrain d'enquête constitué de différentes entreprises, Elecio (en tant que cabinet de recrutement et de chasseur de têtes) a préféré puiser dans son propre stock d'informations portant sur les offres de ses clients et les prétentions salariales des candidats. Ce qui, selon son DG, a permis de transformer les données servant normalement à l'identification et la présélection de candidats en information utile éclairant la problématique des rémunérations au Maroc (pour un type de poste proposé, profil des candidats, rémunération actuelle ...), en faisant «parler» les candidats (rémunération souhaitée, attrait des candidats pour les opportunités offertes...). Si cette voie empruntée par le cabinet est assez originale, elle peut néanmoins présenter un bémol considérable: celui de réduire fortement la représentativité de l'échantillon, qui est l'un des éléments qui crédibilisent une étude. Ceci d'autant plus que les sondés ne sont uniquement que des candidats ayant passé leur entretien de recrutement chez Elecio. Les politiques de rémunération sont guidées par trois principes Jean-Pierre Mariaccia, DG de Elecio Consulting Les Echos quotidien: Selon les résultats de l'étude menée par votre cabinet, quels sont les facteurs influençant les politiques de rémunération des entreprises? Jean-Pierre Mariaccia : Trois principes nous semblent guider actuellement les politiques de rémunération dans les entreprises. Il s'agit d'abord de la nécessité de présenter des rémunérations sous forme de packages attractifs pour attirer et surtout fidéliser les meilleurs talents. Ensuite, il y a l'exigence d'équilibre interne (cohérence) et l'impératif économique (c'est-à-dire l'optimisation des budgets). Quel a été l'impact de la crise ? L'impact de la crise peut se mesurer par rapport au comportement des candidats, en particulier les candidats pour les postes manager/animateur et les postes de directeurs, en particulier ceux qui sont localisés à l'étranger et qui souhaitent revenir au bercail. Nous avons senti à leur niveau une certaine flexibilité salariale voire une hésitation à donner leurs prétentions. Une bonne partie d'entre eux souhaite cependant gagner l'équivalent du salaire qu'ils ont à l'étranger. Quelles différences y a-t-il en matière de politiques de rémunération entre la France et les pays du Maghreb? Au-delà du décalage du niveau des rémunérations entre la France et le Maghreb, les différences en matière de politiques de rémunération qui nous semblent majeures sont l'individualisation des rémunérations (plus accentuée dans les pays européens), l'écart moyen entre les rémunérations (plus grand au Maghreb) et la variété des modes de rémunération collectifs (plan épargne retraite, intéressement, participation, plan d'épargne salarial) de plus en plus répandus en France mais moins au Maghreb. Point de vue : Asmaâ Charraf, Responsable RH à IB Maroc. Au Maroc, tout laisse penser que les augmentations salariales ont été faibles ou nulles. L'impact est plus clair si l'on prend l'exemple des primes annuelles calculées en fonction des résultats obtenus à la fin de chaque année, lors des chutes des profits de certaines entreprises. Le risque à éviter par l'entreprise, quelles que soient sa taille et sa nature, est de ne pas perdre ses collaborateurs clés et performants, car il lui sera difficile de les retrouver par la suite. J'ajoute qu'en phase d'embauche, les salaires restent au seuil moyen, sauf pour les nouvelles recrues à haut potentiel, pour lesquelles les salaires sont octroyés en fonction des niveaux d'expertise. Ceci du fait que des risques peuvent se présenter en annonçant à ces nouvelles recrues une rémunération plus avantageuse que ce que propose le marché. Dans cette conjoncture, des salaires d'embauche élevés risquent de déséquilibrer la grille salariale en place, et ensuite des salariés de même niveau déjà présents peuvent ressentir un sentiment d'iniquité à l'égard de ces nouvelles recrues.