L'affaire qui a bouleversé les milieux financiers en France à la veille de l'éclatement de la crise mondiale, s'est dénouée hier. Le tribunal de correction de Paris a donc condamné l'ancien trader de la Société générale Jérôme Kerviel, tenu pour seul responsable d'une perte historique de 4,9 milliards d'euros en 2008, à cinq ans de prison dont trois fermes et au remboursement du préjudice, soit exactement 4.915.610.154 euros, écartant ainsi toute responsabilité de la banque. Déclaré coupable «d'abus de confiance, faux et usage de faux et introduction frauduleuse de données dans un système informatique», Jérôme Kerviel mettrait plus de 177.000 années à rembourser l'amende, s'il donnait tout son salaire actuel de 2.300 euros par mois, représentant ainsi la plus forte sanction financière jamais prononcée dans l'histoire de France contre un particulier. Cependant, l'ancien trader ne payera pas tout de suite et ne retournera pas encore en prison, où il a déjà passé 38 jours pendant l'enquête. Son avocat comptant porter l'affaire à la cours d'appel, le second procès devrait se tenir d'ici un an. Kerviel avait admis, lors de son procès, avoir pris depuis 2005 des positions à risque vertigineuses sur des indices boursiers européens, ayant atteint près de 50 milliards d'euros, et camouflées par d'autres passations d'ordres fictives. Dénouées après leur découverte par la banque, en pleine déroute des marchés financiers, ces positions ont provoqué la perte finale la plus lourde de l'histoire financière. Au procès en juin dernier, l'ex-trader, tout en admettant des fautes et en exprimant des «regrets», avait incriminé sa hiérarchie à la Société générale, qui aurait selon lui fermé les yeux. Cette dernière s'est félicitée du jugement . «C'est une décision importante qui démontre également le préjudice moral et financier subi par la banque et ses salariés», a réagi Caroline Guillaumin, directrice de la communication de la banque. En effet, le tribunal avait estimé que «Jérôme Kerviel a, par son action mis en péril la solvabilité de la banque qui employait les 140.000 personnes dont il faisait partie et dont l'avenir se trouvait gravement hypothéqué», lit-on dans le jugement de 73 pages. «Par leur ampleur, leur spécificité et le contexte de crise dans lequel ils se sont inscrits, ces actes ont incontestablement porté atteinte à l'ordre public économique international», ajoutent les juges. Le jugement lui impute même la responsabilité de la dégradation des conditions de travail des employés de la banque après l'affaire et lui ordonne de verser 2.500 euros d'indemnités à chacun de deux salariés, parties civiles.