Somaport et Marsa Maroc sont sur le qui-vive. Les deux principaux opérateurs du port de Casablanca, spécialisés dans la manutention portuaire, enchaînent actuellement manœuvres et négociations pour s'adjuger le nouveau terminal, adossé au quai des phosphates. Selon nos sources, l'Agence nationale des ports (ANP) serait en train de préparer le projet de concession de ce troisième terminal à conteneurs. Ce dernier, dont les travaux de construction et d'aménagement avaient été lancés en 2008, présente un enjeu stratégique pour les deux opérateurs. En effet, chacun des deux détient une concession pour les deux terminaux à conteneurs dont dispose le port. Le troisième terminal, dédié aussi au trafic de conteneurs selon nos premières informations, pèsera lourd dans le business de Somaport et Marsa Maroc. Il en va même de la survie du second, selon plusieurs experts. En effet, une fois mis en service, le nouveau quai pourrait accueillir des navires plus grands, car disposant d'une profondeur importante (-14m). Actuellement, dans l'enceinte du port de Casablanca, Marsa Maroc est le seul opérateur à disposer d'un quai profond à -12 m. L'autre quai, celui des agrumes, géré par Somaport (qui a pour principal actionnaire l'armateur français CMA-CGM), dispose d'une profondeur ne dépassant pas les 10 m. Selon des sources bien informées, et en attendant la mise en service du terminal adossé au quai des phosphates en 2012, le ministère du Transport et de l'équipement, via l'Agence nationale des ports (ANP, maître d'ouvrage) étudie actuellement la cession de ce nouveau terminal. Une réflexion qui se passe dans un silence qui en dit long sur les enjeux. De l'avis des experts, le fait de décrocher ce marché est extrêmement important pour le business de Marsa Maroc. Les activités de cette entité tournent principalement autour des deux ports de Casablanca et de Mohammédia (en attendant que Tanger Med II soit mis en service en 2015). Ces deux ports réalisent à eux seuls, près de 70% du trafic national (en termes de recettes). Tel que présenté au Roi à l'époque, le projet du troisième terminal du port de Casablanca devrait satisfaire la demande croissante du trafic conteneurs. Rappelons que le port de Casablanca avait connu durant l'été 2008 une crise inévitable: les officiels étaient confrontés à la congestion du port (il réalise plus de 87% du trafic national des conteneurs) et les réclamations du commerce devenaient de plus en plus insistantes (les installations dédiées au traitement de ce trafic étaient saturées). On retient donc le principe d'un môle gagné sur l'eau (11,5 ha), s'étendant sur une largeur de 300 m et desservi par un linéaire d'accostage de 530 m. Les quais, en caissons, seront fondés à -14m sur 360 m et à - 12m pour la partie restante située à l'enracinement. À cela, s'ajoute un terre-plein de 30 ha (incluant l'épave fantôme du fameux bâtiment de guerre «Primauguet» coulé lors du débarquement américain de novembre 1942). «Les responsables ont compris que l'incidence de Tanger Med 1 (deux demi-terminaux), Tanger Med 1 bis (passagers et Ro-Ro) et Tanger Med 2 (deux terminaux) sera nulle sur le mouvement conteneurisé du port de Casablanca», explique un expert . Le port de Casablanca se verra ainsi doté d'une capacité additionnelle de 600.000 équivalents vingt pieds (EVP, la capacité actuelle du port est d'un million d'EVP), par la disposition de tirants d'eau plus élevés pour réceptionner des navires des 4.000 à 5.000 EVP. «Correctement équipé, il est en mesure de traiter annuellement plus d'un million de EVP», explique notre source. Selon des chiffres officiels, le coût de réalisation de ce nouveau terminal s'élève à 1,7 milliard de dirhams, dont 800 millions de DH alloués aux infrastructures, financés par l'ANP et 900 millions de DH aux équipements et superstructures. Cette deuxième partie devra être réalisée par le futur concessionnaire. Le projet de concession en préparation Selon des sources proches du dossier, l'Etat serait plutôt pour un scénario de concession du troisième terminal à Marsa Maroc. Aucune des parties concernées par le projet et contactées par Les Echos quotidien, n'a voulu se prononcer sur le projet, estimant qu'il est encore tôt pour en parler. A défaut, nous sous sommes adressé à quelques professionnels qui estiment que le «modus operandi» serait comme suit : placer l'opérateur (public, détenu à 100% par l'Etat) dans la course pour la concession, et ce en convainquant un major international à s'allier à Marsa Maroc. Cette alliance permettrait à l'opérateur de rationaliser la gestion du nouveau quai, en mettant en place un équipement adéquat (portiques sur rails ou à pneu, au lieu des cavaliers) et en optimisant l'espace de stockage. En outre, plusieurs professionnels s'accordent sur le fait qu'un armateur tel le danois Maersk serait fortement intéressé par une telle alliance. Un tel deal permettrait au service à bord de la flotte de l'armateur d'avoir un pendant sur terre, grâce à l'opérateur de manutention portuaire. D'où le poids stratégique du troisième terminal, adossé au quai des phosphates, dont le bassin est plus avantageux que celui du quai Est du port, lui permettant d'accueillir des navires de grande taille grâce à son tirant d'eau. Mais si les yeux de l'ANP sont tournés vers un major international, quid des armateurs opérant déjà sur place, tels IMTC et Comarit ? (CMA-CGM est disqualifié d'office car actionnaire du concurrent Somaport). Selon les premières indiscrétions, les armateurs marocains seraient aussi écartés du scénario des officiels.