Le 11 janvier 1944, 67 nationalistes Marocains, représentant les principaux nationalistes et la société marocaine et de tous les milieux dont une femme, prennent le risque démesuré pour l'époque et entreprennent de signer un manifeste public réclamant l'indépendance et de le soumettre aux autorités coloniales. Depuis la signature du protectorat en 1912, c'était la première fois qu'un mouvement national réclame ouvertement l'indépendance. Mais en vérité la lutte pour l'indépendance a toujours eu lieu depuis la signature du protectorat. La longue et couteuse « campagne du Maroc » a pris plus de 20 ans à l'armée française, pour vaincre et soumettre les tribus marocaines qui refusaient le joug colonial. A ce propos, le général Guillaume, qui fut résident général au Maroc, et qui a servi lors de la « pacification » a dit dans son livre " les berbères marocains et la pacification de l'Atlas central " (1946) au sujet des guerriers marocain des plaines ou des montagnes : " Il sait sacrifier délibérément ses biens, sa famille et plus facilement encore sa vie. Aucune tribu n'est venue à nous dans un mouvement spontané. Aucune ne s'est soumise sans combattre, et certaines sans avoir épuisé, jusqu'au dernier de leurs moyens de résistance ". La résistance armée prend fin en 1933, avec la bataille de Bougafer, et la chute du dernier bastion de résistance, un an après, en 1934. Le premier parti politique nationaliste marocain est fondé regroupant toutes les cellules de jeunes activistes des villes, est nommé « Comité d'action marocaine », vaincu par les armes, les marocains comptent bien poursuivre la lutte politiquement. La création de ce parti nationaliste puis des différentes mouvances qui vont en sortir consolide les prises de position nationalistes issues du Manifeste contre le Dahir berbère du 28 août 1930. Contexte Le 8 novembre 1942, au Maroc, alors sous protectorat français, les Anglo-américains débarquent sur les plages casablancaises dans le cadre de l'opération Torch. La France libre reprend le contrôle d'une administration coloniale française largement pétainiste et collaborationniste. Cet événement suscite la satisfaction des nationalistes marocains. En janvier 1943, le sultan Mohammed V, de fait prisonnier de l'administration coloniale, mais qui n'avait publiquement manifesté aucune sympathie pour l'Allemagne hitlérienne, et protégé les juifs marocains de tout antisémitisme, se voit confirmer le soutien de l'Amérique à l'indépendance du Maroc, une fois la guerre finie, par le président Roosevelt en marge de la conférence d'Anfa. Le 18 décembre 1943, les anciens cadres encore en liberté du Parti National interdit en 1937 et dont les principaux dirigeants (Allal el Fassi, Mohamed Hassan el Ouazzani, etc.) sont encore en prison ou en exil organisent clandestinement à Rabat le congrès fondateur du Parti de l'Istiqlal. Le Manifeste de l'Indépendance, dont Ahmed El Hamiani khatat et Ahmed Bahnini, avocats du parti, sont les rédacteurs de la version originale amendée par leurs compagnons, est en fait le programme du Parti qui mènera le Maroc à l'indépendance. Le 11 janvier 1944, alors que l'issue incertaine de la Seconde Guerre mondiale semblait malgré tout évidente aux plus lucides, 66 marocains prennent le risque énorme à l'époque de signer un manifeste public revendiquant l'arrêt de la colonisation et l'indépendance du Maroc. Les principaux dirigeants nationalistes toutes origines confondues se regroupent autour du manifeste pour l'indépendance, constituant une mouvance politique réelle, représentative de la société marocaine et de tous les milieux, urbains et ruraux. Ils décident ensemble et d'emblée de s'en remettre au sultan Mohammed V, auquel ils soumettaient ainsi leur revendication. En réaction, le 28 janvier 1944, les autorités coloniales procèdent à l'arrestation du secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, Ahmed Balafrej, et de son adjoint, Mohamed Lyazidi. De grandes manifestations de protestation se déclenchent à Rabat, Salé, Fès et dans d'autres villes du Royaume. Abderrahim Bouabid conduit la manifestation populaire de Salé. La manifestation est réprimé dans le sang et il est arrêté et transféré à la prison de Laâlou à Rabat.