Les prévisions de la loi de finances pour 2012, qui continue de souffrir au Parlement, ont été basées sur l'hypothèse d'un baril de pétrole à 100 dollars. Un niveau un peu en deçà des estimations des agences internationales mais relativement plus réaliste, comparé aux dispositions de 2011, établies sur la base d'un baril à 75 dollars. Selon les prévisions de plusieurs agences internationales d'études et de conseils, le prix du baril se situera entre 105 et 120 dollars pour 2012. Une hypothèse qui risquerait d'accentuer la charge de compensation pour le cabinet Benkirane. Déjà en 2011, les importations des produits énergétiques ont été, pour une large partie, à la base du creusement du déficit commercial et de son explosion en septembre dernier, celle-ci ayant atteint 25,8% de la facture nationale alors qu'à la même période en 2010, elle ne représentait que 22,7% (lesechos.ma). C'est le coût engendré par la rubrique pétrole brut qui pèse lourdement sur la facture nationale avec près d'un tiers du coût total, suite à une hausse de l'ordre de 25% sur la même période. Cette progression est due en grande partie à l'envolée du cours du pétrole au cours de l'année 2011, puisque le Maroc a importé 5,1% de pétrole brut en moins sur les neuf premiers mois de l'année, comparativement à la même période de 2010. Moins d'importations mais plus de coût, donc, pour le Maroc, ce qui est de nature à accentuer la pression sur le gouvernement, dans le cas de figure d'un maintien à un prix élevé du prix du baril, comme le prédisent les analystes financiers. Tensions géopolitiques Les relations conflictuelles qui caractérisent la géopolitique mondiale et, précisément les relations entre les pays occidentaux et l'Iran, constituent la véritable variable prise en compte par les experts dans leurs calculs. Selon les dernières prévisions de l'Agence internationale pour l'énergie (AIE), «la demande de pétrole en 2012 est destinée à demeurer robuste». Les projections établies à mi-décembre, prédisent une progression de la consommation pétrolière mondiale l'année prochaine. Cette dernière devrait s'établir à 90,3 millions de barils par jour, soit une augmentation de 1,3 million de barils par jour. Contrairement à l'année qui vient de s'écouler, 2012 risque de s'accompagner de tensions plus vives par rapport à l'offre. C'est ce qu'explique Emmanuel Painchault, gérant de fonds spécialisé sur les matières premières chez Edmond de Rothschild Asset Management, pour le compte du site easybourse.com. Selon l'expert, «nous avons eu tout au long de l'année 2011, une baisse des stocks commerciaux. Le niveau est plus faible que la moyenne de ces cinq dernières années. En 2010, nous étions dans une situation de stocks abondants. Par ailleurs, les capacités disponibles des pays de l'OPEP, que le cartel peut mettre en théorie sur le marché de façon rapide, ont également baissé, autour de 3 millions de barils par jour contre 4 à 5 millions de barils par jour en 2010». Mais c'est surtout le contexte géopolitique international qui risque d'accentuer vigoureusement l'envolée du cours pour cette année. Les tensions entre l'Iran et les pays occidentaux, les violences en Irak et les troubles en Syrie et au Kazakhstan constituent autant de facteurs majeurs à risque concernant l'approvisionnement du brut sur le marché mondial et continuent de provoquer une hausse des cours, estiment les analystes. Au déséquilibre de l'offre et la demande, qui milite pour un maintien du prix du baril à un niveau élevé, s'ajoutent des risques géopolitiques qui, s'ils se concrétisaient, pourraient bien conduire à une flambée du cours de l'or noir. Selon certains experts, le risque géopolitique, pour 2012, «est plus élevé aujourd'hui qu'au début du printemps arabe, notamment du fait de la tournure que prennent les évènements en Iran». Or, l'Iran représente une production de pétrole brut d'environ 3,5 millions de barils par jour ce qui le place au rang de deuxième producteur de l'OPEP derrière l'Arabie Saoudite. Le pays exporte un peu moins de 2,5 millions de barils par jour. Au-delà de l'Iran, d'autres zones d'ombre seront à surveiller, en particulier le Nigéria, la Libye, la Syrie et le Yémen. Alors qu'au Nigeria, la région du delta du Niger, fief de la production on-shore du pays, risque de subir le contrecoup de sabotages contre des oléoducs, la production au Yémen et en Syrie sera affectée par les troubles politiques et sociaux pour le premier pays et l'embargo européen pour le second. Seule bonne nouvelle, la reprise de la production en Libye, qui est en train de remonter vers son niveau d'avant la guerre avec, déjà, 800.000 barils par jour actuellement, contre 1,6 million en janvier 2011. L'un dans l'autre, le nouveau gouvernement a tout intérêt à prendre des mesures urgentes destinées à parer à toute éventualité. Diriger, c'est, surtout, anticiper, même dans un horizon plein d'incertitudes.