Après le groupe Banque populaire, Attijariwafa bank (AWB) passe à la trappe de Standard & Poor's. L'expression, exagérée à l'extrême, ne renvoie qu'aux récentes sorties de l'agence auprès des banques européennes, puisque l'organisme américain revoit sa notation pour AWB à «la hausse», notamment pour les perspectives à long terme. Une consécration qui trouve son origine principale dans «le fort ancrage de la Banque et son positionnement» sur le marché national ainsi qu'à l'international. AWB fait aussi bien que les autres Quand Standard & Poor's s'amuse à en irriter plus d'un chez nos confrères américains et européens, surtout depuis sa sortie remarquée, quelques 48 heures avant le dernier sommet européen, en brandissant l'arme fatale de la dégradation, son opinion, en cette fin d'année 2011, est plus clémente vis à vis des organismes financiers des pays émergents, dont notamment le Maroc. En fin de semaine dernière, le groupe Banque Populaire, fort d'une implantation commerciale poussée, obtenait pour la troisième année consécutive une note de BBB – à long terme et une autre de A – 3 sur le court terme, une confirmation qui, en soi, a valeur d'encouragement. En ce début de dernière semaine de l'année 2011, le lauréat cette fois est un autre cador du système bancaire national. Attijariwafa bank, banque privée par excellence se voit donc, elle aussi, encouragée. Mieux que cela, Standard & Poor's souligne que «les perspectives positives reflètent (sa) conviction qu'il y a au moins une probabilité de 1 / 3 pour que les notes s'améliorent au cours des prochaines années». Ainsi, si la notation reste la même « BB/B », c'est l'appréciation des perspectives à long terme qui change, passant ainsi selon l'agence de «stables» à «positives». De quoi remettre du baume au cœur au top management du groupe, qui accusait jusqu'à hier encore, une variation annuelle du cours de son titre de -7,86 %, à l'image de la contre-performance du secteur bancaire national dans son ensemble. Pour déterminer la notation globale, Standard and Poor's a décortiqué les fondamentaux du groupe bancaire sur cinq principaux critères d'appréciation : l'environnement des affaires et le positionnement commercial, le risque crédit, l'activité de financement et le niveau de liquidité. Pour juger du positionnement et de l'environnement des affaires d'AWB, deux critères fortement corrélés par essence, l'agence a recours à la méthodologie BICRA, «Banking industry Country Risk Assesment», une méthode d'évaluation qui repose essentiellement sur une règle de comparaison des systèmes bancaires internationaux. Celle -ci tient compte à la fois des activités de collecte des dépôts et de celles de distribution des crédits, appréciées ainsi suivant une échelle de notation allant de 1 (risque très faible) à 10 (risque élevé). Ainsi, concernant l'activité de crédit, considérée indépendamment des autres activités du groupe, S&P attribue une note de BB – au SACP, le Stand Alone Credit Profile, considérant, à juste titre, que «le ratio de dépôts / crédits du système bancaire dans son ensemble est en baisse constante, étant donné que le bassin des dépôts disponibles ne pourra pas suivre le rythme de croissance des activités de prêt ainsi que la taille de ces dernières, ce qui peut représenter, à moyen terme, des défis de liquidité non négligeables». Ce contexte conjoncturel actuellement défavorable agit aussi sur l'appréciation de l'environnement des affaires de la Banque. En considération, en effet, de la forte dépendance de l'économie marocaine des secteurs d'activités dits «cycliques», autrement dit des secteurs dépendant de facteurs exogènes, «notamment l'agriculture et le tourisme», S&P craint que «la performance économique nationale ne soit par trop fonction de celle du secteur de l'immobilier», ce qui peut avoir des répercussions sur les activités de crédits et plus généralement de financement de l'économe réelle, d'AWB et du système bancaire national en général. Toutefois, l'agence de notation tient à souligner «le fort positionnement d'affaires d'AWB», mû par la conviction que le groupe bancaire «maintiendra sa position de leader au Maroc». Elle en veut pour preuve le comportement des actifs de la Banque depuis 2005, avec à fin juin 2011 un total enregistré de «324 milliards de DH (41,5 milliards de $)». S&P apprécie tout particulièrement les compétences développées par la banque dans les services bancaires aux entreprises, dans les activités de prêts à la consommation, de crédit-bail, de gestion de portefeuilles et de banque d'investissement, ce qui fait dire aux analystes de l'agence qu'AWB est certainement «la plus importante banque du secteur privé au Maroc». Outre la diversité des activités de la banque, S&P insiste sur les ambitions d'AWB pour le continent africain, où les «opérations africaines (d'AWB) devraient dépasser le quart du total des actifs de la banque sur le moyen terme». A ce titre, l'agence rappelle qu'«à fin juin 2010, les filiales africaines ont représenté près de 20% du total des actifs de la banque, en hausse de 13,2 % comparé au niveau enregistré en 2008». Mais peut mieux faire Une appréciation positive de l'évolution des indicateurs commerciaux qui contraste quelque peu avec celle, de nature plus prudentielle, du niveau de capitalisation et des revenus générés par AWB. L'évaluation de la capitalisation est ainsi considérée comme «faible», du fait du niveau «modeste» de celle - ci, laquelle a vocation à «s'apprécier légèrement sur le court terme». A ce propos, l'estimation du ratio de capital ajusté au risque (RAC) est de 4% sur les 12-18 prochains mois. Considérant de surcroît «la bonne maîtrise des coûts» dont fait preuve la banque marocaine, mais aussi «la grande proportion des dépôts non rémunérés, qui représentent environ les 2/3 des dépôts de la clientèle», S&P évalue le niveau de risque comme «modéré», avec toutefois une prédominance du risque-crédit. Elle n'exclut pas non plus l'apparition ultérieure de «signes de stress sur les indicateurs de qualité des actifs AWB sur le moyen terme», du fait de son positionnement accentué sur le secteur de l'immobilier, ce qui ne la met pas à l'abri des remous conjoncturels à venir d'un marché qui est «historiquement un des moteurs principaux de croissance de la banque». L'activité de financement est évaluée par ailleurs comme «moyenne», et son niveau de liquidité «adéquat». En termes de perspectives, S&P met l'accent essentiellement sur la nécessite «d'augmenter la capitalisation» d'AWB. De manière générale, si AWB «améliore la qualité de ses actifs, augmente le niveau de sa capitalisation, et améliore son ration de solvabilité (CAR)», S&P s'engage à élever sa note déjà positive, «toutes choses égales par ailleurs». Dans le cas contraire, c'est-à-dire si «la qualité des actifs se dégrade, et / ou sa stratégie d'expansion (notamment en Afrique) devient plus risquée», S&P pourrait ramener son appréciation des perspectives à long termes de « positives» à «stables». AWB est désormais avertie. Mais il y a fort à parier qu'une pareille évaluation, dans un contexte de dégradation continue des notes attribués par S&P aux différentes banques internationales d'envergure, ne puisse que conforter la première banque privée du Royaume dans sa stratégie actuelle.