Ville mythique par excellence, terre promise des artistes d'ici et d'ailleurs, la ville de Tanger «s'est réconciliée» avec les portes en bois des bâtisses de sa célèbre Kasbah. En effet, l'Union européenne, via le programme Euromed Heritage IV, a lancé le projet «Siwa & Tanger» qui vise à sauver ces portes témoins de l'histoire de la ville. Enseignants, élèves d'écoles publiques, parents d'élèves, directeurs d'écoles, animateurs et conservateurs de musée se sont tous réunis pour sauver ces portes en bois de la Médina de Tanger. L'opération, qui a nécessité un budget global de 951.463 euros dont une contribution de l'Union Européenne de 761.170 euros, se veut, en effet, une belle aventure où la protection et la promotion du patrimoine matériel et immatériel, en tant qu'expression de la diversité des cultures a été, sans aucun doute, le maître mot. Et ce sont les élèves de cinq écoles publiques de Tanger, dont une située au sein de l'ancienne médina, qui ont participé à cette opération. Il s'agit des écoles d'Okba Bnou Nafiî, Abdellah Guennoun, Fatema Fihriya, Al Khansae et Hassan I. D'ailleurs, les élèves de ces écoles et leurs familles, le corps professoral ainsi que les initiateurs de cette opération, notamment Al Boughaz Association et l'ONG italienne Cospe, ont fêté il y a quelques jours au musée de la Kasbah de Tanger (l'un des lieux magiques de cette ancienne médina si attachante), la réussite de «Siwa & Tanger». Pas touche à nos portes ! Dans le détail, l'opération s'est déroulée en plusieurs étapes. Huit séances de travail ont été organisées au profit des élèves des écoles sélectionnées. «Dans chaque école, nous avons impliqué des enfants de cinquième ou sixième année, âgés de 11 à 12 ans. Chaque classe, encadrée par son enseignant, a suivi huit séances de travail», explique d'emblée Ilaria Conti, responsable du programme au sein de Cospe. La première séance a été gérée par la conservatrice du musée de la Kasbah afin d'initier les enfants à l'architecture urbaine et domestique. La deuxième séance a été dédiée aux visites de certaines demeures situées dans l'ancienne médina, notamment celle du grand intellectuel Abdellah Guennoun. L'objectif étant de montrer aux enfants ce qu'est une maison traditionnelle. La découverte du palais Moulay Hafid, vrai bijou architectural qui abrite bon nombre de manifestations culturelles (salon du livre de Tanger, festival Tanjazz...) était l'objet de la troisième séance. Par la suite, et après avoir familiarisé les enfants avec l'architecture des maisons de la Kasbah, les initiateurs du projet ont fait découvrir aux enfants les portes en bois (quatrième séance). Un cours de formation administré encore une fois par la conservatrice du musée de la Kasbah. «Pour la cinquième séance, nous avons donné des appareils photos jetables aux enfants et nous leur avons demandé de prendre des photos des anciennes portes en bois de la médina. C'était en même temps une occasion de les initier à la photographie», explique Conti. Les enfants se sont regroupés lors de la sixième séance afin de concevoir des questionnaires à administrer aux habitants de la médina. Objectif : répondre à la question «Pourquoi certains habitants de la médina préfèrent changer leurs portes en bois ?». «Nous avons élaboré les questionnaires ensemble, avec les enfants et les enseignants», précise une éducatrice à Cospe. Septième séance : les enfants se sont improvisés enquêteurs et ont procédé aux interviews de plus de 200 habitants de la médina. «Les résultats sont très positifs. Ceux qui ont des portes en bois sont satisfaits de leurs portes. Plus encore, les habitants de la médina de Tanger sont conscients que les portes en bois font partie du patrimoine de la ville et de l'identité de l'ancienne médina», assure Ilaria. L'ultime séance a été dédiée au dessin et conception de messages de sensibilisation concernant la protection des portes en bois. «C'est une opération qui s'est bien passée, explique Abdelhak Jibet, instituteur à l'école Abdellah Guennoun, les enfants ont eu un sentiment très fort, surtout après la visite au Palais Moulay Hafid. La séance réservée à la photographie a été également un moment fort de cette formation». En somme, ce sont plus de 150 photos de portes en bois qui ont été prises par les élèves. Ces dessins et photos sont d'ailleurs présentés à la salle d'exposition du musée la Kasbah. Le projet «Siwa & Tanger» lancé respectivement en Egypte et au Maroc (en Egypte, ce projet vise à sauvegarder la culture berbère dans la région de Siwa), a donc atteint son objectif, celui de sensibiliser à l'importance de la préservation du patrimoine culturel dans la région méditerranéenne, dans une perspective de développement durable.