Noureddine Ouazzani, Directeur de l'Agro-pôle olivier Meknès Bien que la superficie oléicole soit en nette augmentation, l'export ne suit pas . Pourquoi ? Effectivement, au cours de ces dernières années, la filière oléicole au Maroc a soulevé un intérêt sans précédent. En couvrant plus de 50% de la superficie arboricole marocaine (soit 1.020.000 ha) et en assurant une activité agricole intense (15 millions de journées de travail/an et plus de 100.000 emplois permanents), l'oléiculture se place en tête des filières stratégiques au Maroc dans le cadre de la Stratégie du Plan Maroc Vert. Cependant, la filière oléicole n'a pas encore atteint toutes les potentialités de production des plantations réalisées au cours des dernières années. C'est pourquoi, le Maroc, avec une production actuelle en huile de 100.000 à 120.000 tonnes, est encore loin des enjeux du marché méditerranéen de l'huile d'olive si on le compare à la production d'huile d'olive en Espagne (1,40 à 1,5 million de tonnes), l'Italie (400.000 tonnes), la Grèce et la Tunisie (environ 300.000 tonnes, or d'ici 10 ans, le Maroc pourra atteindre son summum de production qui est estimé à 250.000 tonnes. Si on maintient sa cadence de développement avec une meilleure organisation de la filière, on va y arriver dans les prochaines années. Avec le Plan Maroc Vert, plusieurs régions dont celle de Fès-Meknès disposent d'une production importante et un potentiel qualitatif avec un savoir-faire et une capacité de trituration moderne importante, qui pourrait placer l'olivier comme fer de lance du développement macroéconomique de notre pays. Il y a de grandes opportunités à saisir aussi bien sur le marché local qu'international. L'enjeu est de produire une huile de qualité compétitive. Je pense que c'est une question de temps. En comparaison avec le marché local, est-ce que les prix à l'export sont bénéfiques pour la filière ? L'enjeu du commerce de l'huile d'olive oléicole est de vendre à un prix intéressant et compétitif. Actuellement, plusieurs sociétés petites et moyennes structurées arrivent à acheminer une quantité sur le marché international, en particulier l'Europe, le Canada et les Etats-Unis d'Amérique mais ce sont de petites quantités. Alors que le défi des grandes sociétés à l'export est de disposer de grandes quantités de qualité (entre 20.000 et 40.000 tonnes) pour répondre aux demandes des grands groupes de commercialisation d'huile d'olive au niveau du marché international. Certaines années, lorsque le prix de l'huile d'olive est intéressant au niveau du marché international, certains grands groupes nationaux arrivent à placer un volume de 10.000 à 20.000 tonnes. En pratique, c'est le marché local qui absorbe une grande partie de la production, et certaines années le prix est très favorable (entre 60 et 70 DH/litre, cas de cette année), malgré que la consommation nationale ne dépasse guère 3 kg/habitant/an. Pour l'export, il n'est bénéfique que lorsque le prix de l'huile d'olive atteint sur le marché international 3,5 à 5 euros/kg. Ce prix permet aux industriels de rentrer dans leur frais. En effet, la majorité des sociétés exportatrices marocaines sont des entreprises qui sous-traitent la matière première en achetant l'olive chez des intermédiaires ou chez les agriculteurs de 4 à 7 DH/kg, pour un coût de 30 à 40 DH/kg (olives et trituration), ce qui minime leur compétitivité. De plus, la consommation par habitant est estimée à 3 litres, soit 80.000 tonnes donc il ne reste pas de grandes quantités pour les acheminer à l'étranger. Malgré ce constat, je peux confirmer qu'il y a une tendance à un accroissement de la production et de l'exportation nationale d'huile d'olive de qualité. Cependant, dans la conjoncture actuelle du marché oléicole international caractérisé par la mondialisation et la libéralisation des échanges commerciaux, l'impératif de la compétitivité devient alors un élément déterminant. Le cas est encore plus manifeste pour un pays comme le Maroc avec l'existence sur le marché international de l'huile d'olive, de pays leaders aussi bien au niveau de la production que de la commercialisation, en l'occurrence l'Espagne, l'Italie, la Grèce et la Tunisie. Comment l'export de l'huile d'olive qui se fait toujours en vrac pénalise la filière ? Certes, il est toujours plus payant d'exporter en bouteille qu'en vrac. Toujours est-il que l'essentiel actuellement pour le Maroc est d'exporter une huile d'olive qui réponde aux normes de qualité et permettre au consommateur au niveau international de découvrir la qualité de nos huiles d'olives. Mais au delà de la question de la mise en bouteille, le souci actuel de la filière est de développer un label qualité avec une reconnaissance internationale qui inclut l'huile conventionnelle et biologique. Le développement de marques à l'international est un travail et un investissement qui se fait à long terme. Aujourd'hui, la filière oléicole dispose d'un potentiel qualificatif à valoriser et à généraliser pour une grande partie de la production nationale. Preuve à l'appui, l'huile d'olive marocaine est présente avec de petites niches sur des marchés internationaux et avec des prix intéressants. Dans le cadre de la stratégie du Plan Maroc Vert, des subventions ont été mises en place pour l'export en bouteilles, mais la subvention toute seule n'est pas suffisante car elle doit être accompagnée par l'innovation et les progrès techniques et technologiques, par des stratégies de commercialisation, de marketing et l'amélioration de la compétitivité de la filière. Cela a contribué à la position de leadership des principaux pays oléicoles méditerranéens, comme le cas de l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Le marché est prometteur au niveau international où l'huile d'olive ne représente que 3% du marché des matières grasses, et seulement 5% de la population mondiale consomme de l'huile d'olive. C'est à nous de saisir des parts du marché international de l'huile d'olive. Pourquoi la filière n'arrive toujours pas à se positionner sur l'huile d'olive biologique ? La certification bio offre un label de qualité à la production oléicole. Ce mode de production, très reconnu au niveau méditerranéen, se chiffre à plus de 600.000 ha, soit environ 6% de la surface oléicole mondiale. La production huile d'olive biologique méditerranéenne est estimée aujourd'hui à 180.000 tonnes. Cette production est essentiellement située dans le pourtour méditerranéen avec 78% des surfaces localisées en Europe (principalement en Espagne) et près de 22% en Afrique du Nord (principalement en Tunisie). La filière oléicole est encore en déphasage par rapport à la production biologique qui représente 15 à 20% de plus sur le plan du prix en comparaison avec l'huile conventionnelle. Le Maroc a un grand potentiel biologique à valoriser en oléiculture traditionnelle. C'est dans cet objectif que l'Agro-pôle Olivier ENA Meknès en partenariat avec le Groupe LCM Aïcha ont initié le projet Olea Bio Meknès de 1.000 ha au profit des petits agriculteurs de la région de Meknès dans le cadre de projet d'agrégation autour d'une unité de trituration. Pour la production acheminée vers l'étranger, quels sont les circuits de distribution et les contraintes logistiques ? Le problème rencontré par la filière, à propos de ce volet, est qu'elle ne dispose pas (ou rarement) de sociétés de conditionnement, de commercialisation et de distribution. L'opérateur marocain ne peut pas être à la fois un producteur agricole et un industriel qui fait son propre marketing et sa commercialisation. Pour le cas de l'Espagne, l'aspect logistique est géré par des sociétés spécialisées ou des coopératives de 3e degré, qui ne sont pas impliquées dans l'amont de la filière. Pour le circuit de distribution, trois opérateurs marocains arrivent à maîtriser ce volet que ce soit sur le plan interne ou externe alors que les intermédiaires, malgré leur caractère informel, ont leur place dans les circuits d'approvisionnement des unités de trituration au Maroc. D'autres volets d'activités doivent être pris en considération pour le développement de la logistique comme l'industrie des bouteilles et bouchons, l'étiquetage, le design, les emballages, la collecte et la valorisation des sous-produits et bien d'autres. Il y a donc de l'espoir pour le développement de cette filière au Maroc... La production d'une huile d'olive de qualité et la promotion de la consommation sont des passages incontournables pour dynamiser la filière oléicole marocaine. D'après mon expérience professionnelle, je suis convaincu qu'on a toutes les conditions pour produire des huiles d'olive de très haute qualité pratiquement au même niveau ou supérieur aux huiles européennes ). La qualité est la clé de la commercialisation.