De nombreux pays arabes assistent à l'avènement de partis islamistes comme une force prépondérante dans le nouveau contexte politique , après le premier soulèvement populaire ayant conduit à ce que l'on appelle le «Printemps arabe». Un printemps qui a accouché d'un automne de partis religieux. Pourtant, ce printemps arabe n'a pas été caractérisé par des slogans à dominante islamiste ou par des signes populaires aspirant à leur appropriation du politique. Incontestablement, les partis islamistes ont fait preuve d'une grande organisation, d'envergure tant au niveau de leur capacité d'encadrement qu'au niveau de leur «sémantique politique de rupture», faisant d'eux des acteurs incontournables dans les compositions politiques en cours et à venir. Toutefois, cette montée de l'islamisme politique a besoin d'être appréhendée à l'aune de la soif d'un renouveau politique améliorant le quotidien des peuples arabes. La dérive, le délitement du rapport entre ces peuples et le pouvoir, l'hiatus entre la réalité faite d'injustices, d'atteintes aux libertés et le manque de réalisme des gouvernants a généré la désillusion et le sentiment de révolte. Par conséquent, le retour d'une forme d'espoir salutaire, incarné par des partis islamistes «loyaux et incorruptibles» a été vécu comme un mouvement de balancier salvateur. Au-delà des oppositions binaires et simplistes : gauche et droite ayant prouvé leur incompétence sur le terrain, le phénomène islamiste, modéré ou radical, a fait la différence dans une situation économique et politique caractérisée par une sclérose du pouvoir, mais aussi par l'usure des forces historiques d'opposition. Il s'érige contre des élites déclarées incompétentes et corrompues. Il s'accomplit dans un modèle «intègre», rendant possible la jonction entre les catégories populaires et les catégories intermédiaires de la société, pour fournir le motif principal ou suffisant d'une mobilisation générale et solidaire. Les intellectuels, les classes moyennes et même aisées peuvent être exposés et tentées par ces partis, affichant un dynamisme et une proximité notoires. Assurément, le discours des partis islamistes a tendance à disqualifier l'entité de l'Etat, en cela qu'il renvoie à l'expression d'une certaine «souveraineté populaire». Il y recourt par une méthode discursive qui s'adresse directement au peuple comme une cible privilégiée par delà les représentations habituelles et tout en rompant avec la langue de bois. Toutefois, serait-ce une aptitude à se reconnecter de façon symbiotique avec le peuple et ses préoccupations ? Ou plus subtilement un raccourci trompeur camouflant les vraies problématiques de développement auxquelles sont confrontés les pays arabes. Après des années de lutte et d'opposition contre le pouvoir, les partis islamistes sont devenus une marque repère. De surcroît, dans un contexte national, régional et international chaotique et empli d'incertitudes, ils se présentent comme une valeur refuge, incarnant à la fois la tradition et le changement. Le retour à l'équité, à la justice sociale et la lutte contre la corruption et les inégalités... sont ainsi mis en avant, face à l'échec du projet démocratique moderniste. Les partis islamistes ont aussi cette spécificité qu'ils concurrencent aussi bien les pouvoirs en place, en tant qu'alternative politique possible, que les associations de la société civile, sur le terrain de la défense des intérêts de la population et de l'incarnation de nouvelles valeurs. En ce sens, les mouvements islamistes constituent des acteurs à part entière des sociétés civiles arabes. Leur présence est importante dans les mosquées, les hôpitaux, les écoles, les universités, les quartiers populaires... leur accordant le bénéfice d'une «légitimité et d'une mitoyenneté» avec les peuples en qui ils s'identifient amplement. ssurément, dans une configuration régie par la mondialisation, la prise de conscience citoyenne, l'exigence de démocratisation et de bonne gouvernance, les partis islamistes intègrent l'espace démocratique comme une nouvelle étape de leur évolution. En effet, la démocratie permet aux peuples de choisir librement leurs dirigeants et au besoin de les renouveler pour inadéquation à leur aspirations. Toutefois, la démocratie est une approche systémique qui ne se limite aucunement à la transparence des élections. Elle exige une maturation d'ensemble, impliquant des minimas et un «SMIC» de culture démocratique. Autrement, la démocratie peut aboutir à une impasse en se détournant des vraies problématiques de développement humain, d'épanouissement économique et de génération de richesses, dans le cadre d'un projet de société moderne et équilibré qui, hélas, n'apparaît que compendieusement dans les programmes politiques des partis islamistes.