L'Institut royal des études stratégiques a rendu publique une étude à la veille de la COP23, qui s'est tenue du 7 au 18 novembre dernier à Bonn en Allemagne. L'IRES y a mené une réflexion approfondie sur le couple énergie-climat à l'échelle africaine. L'Institut royal des études stratégiques (IRES) poursuit sa réflexion sur le couple «énergie/climat»! Cette fois-ci, l'équipe dirigée par Mohammed Tawfik Mouline, directeur général de l'IRES, a mené une réflexion approfondie sur ces deux questions à l'échelle du continent. La situation en Afrique Il en est ainsi ressorti que l'Afrique est le continent le plus menacé par le changement climatique sans y avoir contribué. Son problème se pose plus en termes d'adaptation au changement climatique qu'en termes d'atténuation. Si globalement, l'Afrique affiche un niveau d'empreinte écologique par habitant inférieur à la moyenne mondiale, le processus de convergence dans lequel sont inscrits les pays africains met néanmoins à rude épreuve les équilibres écologiques, déjà précaires dans plusieurs pays du continent. Cette situation est particulièrement préoccupante en Afrique du Nord et dans certains pays d'Afrique australe et de l'Est. Selon le Global Footprint Network, l'empreinte écologique africaine a plus que triplé entre 1961 et 2012 en raison d'une croissance de 277% de la population couplée à une urbanisation dont le taux est passé, durant la même période, de 19% à 40%. Par habitant, l'empreinte écologique de l'Afrique s'est située en 2012 à 1,4 hectare global, soit presque la biocapacité du continent. Le carbone représente 30% de l'empreinte écologique africaine contre une moyenne mondiale de 60%. Outre le retard économique de l'Afrique, cette situation s'explique par le fait que 60% de la population de ce continent n'ont toujours pas accès à l'électricité, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). L'empreinte écologique de l'Afrique pourrait doubler d'ici 2045, selon le Global FootPrint Network, accélérant ainsi la situation de déficit écologique du continent. De nombreux pays africains creuseraient davantage leur déficit écologique. L'Afrique serait confrontée à des changements profonds dans les modes d'occupation de son territoire et d'exploitation de ses ressources naturelles et énergétiques puisqu'elle devrait héberger, d'ici 2050, un milliard supplémentaire de personnes et enregistrerait un taux d'urbanisation de 56% contre 40% actuellement, selon les projections de l'ONU. Un secteur énergétique faiblement développé La situation énergétique en Afrique se caractérise par une triple fracture . Entre l'Afrique et le reste du monde. À l'exception de l'Afrique du Sud, l'Afrique subsaharienne consomme 16 fois moins que la moyenne mondiale. De plus, 46% des personnes n'ayant pas accès à l'électricité dans le monde vivent en Afrique. Entre la région Nord et Sud, d'une part, et les autres régions d'Afrique, d'autre part, avec l'Afrique du Nord et l'Afrique australe, qui représentent 30% de la population africaine et consomment 80% de l'énergie à l'échelle du continent. Les inégalités d'accès à l'énergie persistent à l'échelle régionale: le taux d'accès à l'électricité est de 99% en Afrique du Nord et de 32% en Afrique subsaharienne. Entre le milieu urbain et le milieu rural. De larges pans du monde rural en Afrique demeurent sans accès à l'électricité. L'Afrique, dont les ressources énergétiques sont fortement convoitées par les puissances étrangères, représente 9,5% de la production mondiale de pétrole pour une part dans la consommation mondiale de l'ordre de 4%. Les ressources gazières (8,4% de la production mondiale) sont peu exploitées localement, surtout en Afrique subsaharienne, faute d'infrastructures appropriées et sous l'effet de la lenteur de mise en oeuvre de politiques de diversification du mix-énergétique. Les réserves de charbon sont fortement concentrées en Afrique du Sud (94% de la production du continent) dont l'exploitation soulève d'importants défis environnementaux. La biomasse est utilisée massivement en tant que source d'énergie pour les usages domestiques en Afrique subsaharienne avec, toutefois, des conséquences négatives sur le plan environnemental: déforestation, pollution... Le potentiel important d'énergies renouvelables, notamment en matière d'énergie solaire et éolienne, n'est que faiblement exploité. La mobilisation de ce potentiel permettrait à la fois de sécuriser les besoins énergétiques du continent à des fins de développement et de répondre aux impératifs de préservation de l'environnement. Des perspectives de long terme laissent entrevoir un accroissement de la demande en énergie dans un contexte d'accentuation des effets du changement climatique. Pour prévenir cette situation, plusieurs mesures s'imposent. Il faudrait réaliser un rythme de croissance économique soutenu en Afrique de l'ordre de 5% au minimum, à l'instar de la moyenne des dix dernières années qui s'accompagnerait d'une amélioration progressive du revenu par habitant. Il faudrait également accélérer l'électrification du continent qui devient un impératif, eu égard aux exigences en termes de développement humain. Selon l'Agence internationale de l'énergie, le taux d'accès à l'électricité en Afrique, qui est actuellement de 43%, passerait à l'horizon 2040 à 73%, selon le New Policy Scenario, et à 85% selon le scénario African Century Case.