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«Les indicateurs du développement humain sont préoccupants»
Publié dans Les ECO le 12 - 05 - 2017

Abdessamad Sekkal, président de la région de Rabat-Salé-Kénitra
Rabat-Salé-Kénitra regorge de potentialités qu'il faut booster et développer. C'est la conviction du président de cette région, Abdessamad Sekkal, qui fait le point sur la vision du développement de ce territoire ainsi que ses principales contraintes dont la faiblesse des indicateurs de développement humain et la non-activation du transfert des prérogatives aux régions.
Les Inspirations ECO : Après plus d'un an et demi à la tête du conseil régional, quel regard portez-vous globalement sur la situation de la région que vous présidez ?
Abdessamad Sekkal : Rabat-Salé-Kénitra est une région d'avenir caractérisée par une grande dynamique économique. Le secteur industriel évolue avec l'Atlantic Free Zone ainsi que l'installation de nombre d'investisseurs dans la région. La part de l'industrie se développe dans l'économie régionale et le positionnement de la région se renforce en la matière. Au niveau du secteur agricole, la région se positionne au deuxième rang à l'échelle nationale et fait partie des régions ayant encore un fort potentiel à développer dans ce domaine. Prochainement, nous allons occuper le premier rang sur le plan agricole grâce aux efforts déployés au niveau d'El Gharb. Par ailleurs, les grands centres urbains connaissent un développement important (Rabat, Salé, Kénitra) avec une amélioration considérable de la qualité de leurs aménagements et infrastructures en vue de renforcer leur compétitivité ainsi que leur capacité d'attirer des investissements. La région a un pôle universitaire parmi les plus importants au Maroc (Université Mohamed V, Université Ibn Tofail et l'Université internationale de Rabat) qui est en train de se développer qualitativement à travers nombre de centres de recherche et de brevets enregistrés. La région est en train de développer bon nombre de relations à l'international qui se traduisent par des projets de développement économique. Donc, je suis très confiant pour l'avenir de la région.
Quelles sont les principales difficultés qui freinent le développement de la région ?
Un an et demi après son installation, le Conseil de la région mesure mieux les grandes difficultés. Paradoxalement, la région enregistre un niveau de revenu annuel par habitant parmi les meilleurs au Maroc alors que les indicateurs du développement humain sont préoccupants. Un travail important devra se faire en matière de développement humain sur plusieurs niveaux, notamment le développement économique pour exploiter toutes les potentialités de la région et assurer le maximum de production de richesses. Des mesures sont à mettre en place pour améliorer les principaux indicateurs du développement humain (l'enseignement, la santé, l'accessibilité dans le monde rural, l'alphabétisation). À cet égard, on a déjà entamé plusieurs actions. À titre d'exemple, depuis 2016, un programme vise à doter 300 écoles d'équipements sanitaires pour lutter contre l'abandon scolaire, notamment des filles. Les blocs sanitaires seront prêts pendant la prochaine rentrée. Dans l'espace rural, les conditions sont très difficiles en raison notamment de la prédominance de l'habitat dispersé (zone de Zemour-Zaër). Dans la région d'El Gharb, l'urbanisation se fait de manière anarchique en parallèle avec le développement du secteur agricole. Ainsi, un décalage est noté entre l'installation de la population et la réalisation des équipements. À cela s'ajoutent d'autres problèmes. Pour agir sur le volet du développement humain, les actions déjà entreprises devront se renforcer dans le cadre du PDR. Sur le volet de la formation et l'amélioration de l'employabilité de la population, notamment en milieu rural et au niveau du secteur de l'artisanat, une convention a été déjà signée avec l'ANAPEC et l'agence d'alphabétisation pour alphabétiser 3.000 jeunes et procéder à leur insertion sur le marché de l'emploi. Dans le cadre de la réduction des disparités sociales et territoriales dans le monde rural, un programme global de quatre milliards de dirhams est prévu pour la région. À ce titre, la contribution de la région est d'1,6 milliards de dirhams dont la plus grande partie est réservée aux routes rurales. Un montant de 150 MDH est réservé à l'eau potable et à l'électrification. L'objectif est de généraliser l'accès à l'eau potable et à l'électricité et en même temps qu'améliorer l'accessibilité de manière générale au monde rural, ce qui va permettre d'améliorer les indicateurs du développement humain en milieu rural et dans les zones périphériques. La région participe aussi activement dans les programmes de l'INDH. On a signé une convention d'environ 520 MDH sur cinq ans avec tous les partenaires dont la participation de la région est de 70 MDH.
Quelles sont les autres contraintes et qu'en est-il du transfert des compétences ?
Actuellement, nous sommes confrontés à la nécessité d'élaborer en même temps le programme de développement régional, d'activer la réalisation des projets et de construire l'administration de la région. Nous avons aussi besoin de travailler avec l'Etat sur la mise en place d'une feuille de route pour conduire le grand chantier de la régionalisation avancée. Aujourd'hui, le besoin de procéder au transfert effectif d'un certain nombre de compétences propres aux régions se fait sentir. À titre d'exemple, la formation professionnelle est une prérogative propre des régions de même que le développement économique et l'emploi. Au niveau de l'association des régions du Maroc, nous sommes en train de préparer un mémorandum qui doit faire l'objet de discussions avec le gouvernement pour mettre en place une feuille de route portant sur le transfert réel des compétences propres aux régions. Toutes les régions interviennent dans des domaines qui ne font pas partie de leurs compétences propres comme l'enseignement. La loi nous permet d'intervenir dans tous les domaines car elle stipule que la région peut participer avec les autres partenaires, notamment l'Etat dans tout programme qui concerne son territoire. Le besoin se fait sentir pour lancer rapidement des actions et avoir de la visibilité sur cette question de pratique de compétences propres de la région. À cela s'ajoute la nécessité de régler plusieurs questions au niveau des agences régionales d'exécution des projets (statut, personnel...) pour qu'elles fonctionnent à plein régime. Au niveau des administrations des régions, certes l'organigramme a été validé, mais le régime indemnitaire n'est pas encore défini. Aussi, est-il difficile de recruter les cadres qu'il faut au niveau des régions alors que pour être efficace et pouvoir réaliser les programmes adoptés, l'administration doit être forte et capable de suivre la réalisation des projets. Il s'avère aussi nécessaire de se mettre d'accord avec tous les acteurs de l'Etat sur la manière de gérer les programmes de développement. On était sur une approche verticale basée sur des programmes sectoriels. Dans la majorité des cas, les administrations nous approchent pour nous expliquer leurs approches et programmes et demander à ce que la région y participe alors que c'est l'inverse qui devrait se passer. Certes, cette phase est transitoire, mais une feuille de route doit être mise en œuvre pour pouvoir changer progressivement la situation.
Les prérogatives de la région sont définies clairement dans les textes. Où se situe le blocage ?
Les textes ont défini les prérogatives, mais jusque-là, le transfert ne s'est pas effectué. Même quand la stratégie de la formation professionnelle a été élaborée, les régions n'ont pas été consultées. La mise en place de la régionalisation avancée signifie une nouvelle répartition des rôles entre l'Etat au niveau central ou ses représentations et les régions. Dans son discours de la marche verte de l'année dernière, sa majesté le roi a demandé au gouvernement l'accélération du transfert des compétences en commençant par les régions du Sahara.
La région a-t-elle aujourd'hui les compétences nécessaires pour gérer les prérogatives qui lui sont propres ?
Il faut en premier lieu élaborer une feuille de route entre l'association des régions du Maroc et le gouvernement. Le transfert ne peut se faire que d'une manière progressive sur plusieurs années. On doit commencer, dans une première étape, par l'exigence de la concertation préalable au niveau des dossiers qui concernent les prérogatives propres de la région. La présence des régions devra se renforcer au niveau des instances chargées de gérer les institutions œuvrant dans ces dossiers. Chaque pays a ses spécificités. Le mémorandum de l'association des régions du Maroc sera validé par les présidents des régions avant sa soumission au gouvernement. Dans ce cadre, les questions posées vont être soulevées.
Quelles sont les mesures à mettre en place pour booster l'économie régionale ?
Dans le cadre de l'élaboration du PDR, on a essayé de répondre à deux questions clés : quelles sont les mesures et les actions que doit mener la région pour, à la fois, améliorer le rendement et la rentabilité des différents politiques et programmes sectoriels de l'Etat et assurer la convergence entre eux ?
Quels sont les volets sur lesquels la région devra intervenir pour compléter les actions ?
Sur le volet de l'industrie, l'Atlantic Free Zone et Ain Johra constituent un point fort. On doit, à titre d'exemple, renforcer l'infrastructure routière qui relie ces zones-là pour permettre le renforcement de leur attractivité. Nous sommes conscients qu'il s'agit d'un mandat transitoire. Nous devons travailler sur l'efficacité des programmes qui sont déjà en cours. Nous travaillons sur le développement de l'économie sociale. Nous préparons la construction de quatre centres de valorisation agricole. Nous allons mettre en place un fonds de garantie au niveau de la région avec la Caisse centrale de garantie dédiée aux petites et très petites entreprises. Globalement, des actions sont menées dans l'ensemble des secteurs clés.
Le financement est-il suffisant et permet-il à la région de concrétiser ses ambitions ?
On ne peut jamais dire que le financement est suffisant. Un grand gap existe entre les moyens disponibles et les besoins de la région mais il est à noter qu'un effort important a été déployé par l'Etat pour améliorer les ressources de la région. Le défi actuellement est de pouvoir engager les budgets dont disposent les régions. Actuellement, on note le besoin de faire les études d'exécution des différents projets et de mettre en place des structures administratives capables de gérer ces budgets. Il est urgent de mettre en place toutes les mesures nécessaires pour permettre à la région d'avoir une administration régionale à même de gérer convenablement les budgets de la région.
Où en est l'administration de la région sur le plan du recrutement des RH ?
Un nouvel organigramme a été validé. Les deux anciennes administrations de la région ont été réorganisées. Tous les hauts responsables de l'administration de la région (directeur général des services, le directeur des affaires de la présidence et du conseil, le directeur d'exécution des projets) ont été nommés. Des cadres techniques de la division technique de la région ont été mis à la disposition du directeur d'exécution des projets. Le conseil est en train de renforcer le personnel dans l'attente de régler avec le ministère de l'Economie et des finances et le ministère de l'Intérieur définitivement la question du statut des agences d'exécution des projets et leur organigramme pour qu'elles puissent être autonomes et recruter directement. Le conseil a préparé une loi-cadre qui lui permet de renforcer les ressources humaines de la région. Le grand manque a trait à la nécessité de valider et adopter le décret relatif aux indemnités des responsables des régions pour permettre soit de nommer les cadres qui le méritent parmi le personnel soit de faire appel au recrutement de nouveaux responsables au niveau des divisions et des services.
Quelle place occupe le partenariat international au niveau du plan d'action du conseil ?
Nous agissons sur deux registres différents. Au niveau de la coopération bilatérale, un hommage est à rendre à l'ancien président de l'ancienne région de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër-Berkia qui était précurseur en la matière en concluant un nombre de conventions de partenariat avec plusieurs régions. De notre côté, nous avons essayé de dynamiser davantage ces partenariats et leur donner plus de substance dans le volet économique et celui des échanges d'expertises. Le conseil de la région est en train de diversifier ses partenariats en accordant une importance particulière à l'Afrique. En outre, de fortes demandes pour des partenariats avec la Chine sont formulées. Des délégations chinoises ont été déjà reçues et se sont enquises des potentialités de la région. Le deuxième volet de coopération est le travail effectué au niveau des organisations internationales des régions. La région de Rabat est très active au niveau de l'organisation des régions unies dont j'assure la présidence. Dans ce cadre, nous travaillons pour renforcer la présence de cette organisation sur tous les continents. Depuis mon élection en octobre, plusieurs régions ont adhéré à l'organisation, notamment l'association chargée de la coopération décentralisée des collectivités, provinces et villes chinoises. C'est un exploit. Dans les prochains mois, on aura l'adhésion des provinces chinoises. D'autres démarches sont lancées pour développer la présence d'autres pays dans l'organisation.


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