Elle a axé sa 12e session plénière sur le thème «Océan et Climat : cas du Maroc», l'un des thèmes majeurs de la COP22 à Marrakech. Pourquoi revenir sur ce thème et mobiliser tant de participants pour le revisiter en profondeur? Parce que les enjeux sont énormes pour le Royaume qui tire 20% de son PIB des ressources halieutiques. Les détails. L'Académie Hassan II des Sciences et Techniques a tenu sa 12e session plénière solennelle 2017, du 21 au 23 février dernier, à son siège situé au Km 4, Avenue Mohamed VI (Ex route des Zaër) à Rabat. Cette année, l'équipe du Professeur Omar Fassi Fihri, Secrétaire Perpétuel de l'Académie Hassan II des Sciences et Techniques a décidé de revenir sur l'un des thèmes majeurs de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP22), tenue à Marrakech du 7 au 18 novembre dernier. Notamment le thème «Océan et Climat» qu'elle a recentré sur le cas du Maroc. Dès lors, on peut se poser plusieurs questions. Par exemples, pourquoi le choix de ce thème? Pourquoi inviter tant de chercheurs de renommée internationale pour le traiter en profondeur? Les enjeux sont-ils si importants pour mobiliser tant d'énergies? Dans son allocution d'ouverture de la session plénière, le Professeur Omar Fassi Fihri a expliqué tous ces aspects. «Le choix de ce thème pour notre session plénière s'explique certes par le rôle crucial que joue l'océan dans les processus complexes de régulation du climat; il s'explique aussi, je dirai surtout, par l'importance de ses ressources vivantes aujourd'hui menacées par la surexploitation, la pollution massive, la dissémination et l'acidification des eaux marines, dues à l'absorption du CO2 par les océans», a-t-il avancé. Avant de poursuivre «qu'avec ses 3500 Km de côtes, une façade maritime à la fois sur l'Atlantique et la Méditerranée et une situation géographique au carrefour de l'un des transits maritimes les plus denses, le Maroc est plus que concerné par les interactions entre l'océan et le climat. L'océan et ses rivages sont un atout pour notre pays puisque les activités liées à la mer contribuent à hauteur de 20% au PIB national». Des milliards de DH en jeu C'est lâché : l'enjeu se chiffre donc à plusieurs dizaines de milliards de DH par an. En effet, si l'on se fie aux statistiques publiées par le Haut Commissariat au Plan, les activités liées à la mer ont généré un chiffre d'affaires de 196,4 milliards DH en 2015, une manne très importante qu'il faut à tout prix préserver et perpétuer pour le bien être du Maroc et de son économie. Pour se faire, il faut anticiper sur les risques liés au changement climatique sur l'océan. Ce qui passe par la mise en place d'une stratégie d'amélioration permanente basée sur l'observation systématique pour comprendre les phénomènes et la réduction des incertitudes à travers des simulations numériques du climat, et la recherche et le déploiement de solutions permettant d'aboutir à une réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre. Selon le Secrétaire perpétuel de l'Académie Hassan des Sciences et Techniques, «la recherche-développement et l'innovation ont également un rôle important à jouer dans l'anticipation des risques liés au climat. Elles permettent de trouver des solutions aux problèmes spécifiques liés au dérèglement climatique. Pour les booster, il est important de promouvoir la formation et l'enseignement dans le domaine des sciences du climat, discipline multidisciplinaire par excellence, et d'encourager les activités de recherche sur le fonctionnement du climat, tant sur les aspects de la collecte, l'analyse et l'échange de données que sur les mécanismes chimiques en jeu, ainsi que les modèles numériques qui couplent ces mécanismes ». D'ailleurs, l'institution mise en place par le Souverain en mai 2006, a décidé d'aller plus loin dans ses réflexions. Sa participation à la COP 22 l'a aidé à ouvrir les yeux. Partant, l'Académie s'est doté d'une nouvelle démarche visant à dépasser la réflexion scientifique, qui permet certes de comprendre les phénomènes, mais qui se révèle aujourd'hui insuffisant. «L'Académie Hassan II, dans le cadre de ses activités notamment les sessions plénières et les sessions ordinaires qu'elle tient régulièrement, cherche avant tout à aborder des questions scientifiques dont les solutions permettent de contribuer au développement du pays. C'est ainsi qu'elle a traité à plusieurs reprises, entre autres, le problème de l'énergie, la question des énergies renouvelables, la transition énergétique, la question des risques naturels et des phénomènes climatiques extrêmes, la chimie et le développement durable, la crise alimentaire mondiale, les maladies émergentes et réémergentes,etc.... Certes, il est vrai que nous abordons essentiellement l'aspect scientifique, la compréhension des phénomènes, qui sont des étapes nécessaires et cruciales dans le processus de développement scientifique et technologique, mais nous nous devons aussi d'examiner l'aspect technologique et mettre l'accent sur l'application des résultats scientifiques et servir ainsi le développement du pays, jusqu'à créer ainsi une technologie marocaine», a soutenu Fassi Fihri devant une assistance intéressée qui s'est somme toute demandé comment faire. Les océans très importants En tous cas, la 12e session plénière a tenu toutes ses promesses ! Quatre séances ont été consacrées au thème général de la session et plus particulièrement aux questions liées aux effets conjugués du changement climatique et leurs impacts sur l'océan et ses rivages ; aux implications économiques et sociétales ainsi qu'aux perspectives de la recherche dans le domaine des sciences du climat et les moyens appropriés à mettre en place pour y faire face, tout ceci en mettant l'accent sur le cas du Maroc (Voir encadré sur les thèmes abordés). A travers les différentes communications, nous avons appris combien les océans sont importants en général. En effet, les océans représentent 70% de la planète bleue, créent la moitié de l'oxygène de la planète, fournissent 20% des protéines animales qui sont consommés par plus de 5 milliards d'humains. Les océans sont également le refuge de diverses espèces, offrent une biodiversité riche et fournissent des produits pour les médicaments innovants. Les océans assurent 90% du transport de marchandises. Inquiétante élévation du niveau de la mer Sur le plan climatique, les océans jouent un important rôle de régulation à l'échelle globale, absorbent plus de 90% de la chaleur cumulée dans l'atmosphère dont 25% du CO2 créé par l'homme. Le risque le plus apparent causé par les changements climatiques sur les océans est l'élévation du niveau de la mer. La plupart des modèles, élaborés suite à l'étude de ce phénomène, parlent d'un niveau de 45-82 cm à l'horizon 2100, avec bien entendu des pics pour les Etats insulaires et les plats pays. La fonte des neiges et la réduction des glaciers est également une préoccupation déjà observée et prévue. Et comme impact signalé, notamment dans le 5e rapport du GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat), il a été observé des migrations d'espèces marines à cause des changements climatiques. Les projections nous informent également qu'à cause du réchauffement prévu vers 2051- 2060, les stocks de poissons et d'invertébrés connaîtront des réductions et des migrations. L'acidification qui a connu une diminution remarquable continuera à baisser de façon significative. Ce qui, combiné aux autres manifestations, occasionnera une perte d'oxygène et une déformation des récifs coraux. Pour le Maroc, si l'amplitude des impacts est encore loin de ce qui est observé au niveau des pôles arctique et antarctique, des Etats insulaires et des grands sommets, le pays demeure quand même vulnérable à cause de ses 3500 km de côtes. En effet, les propriétés physico-chimiques de l'océan Atlantique et de la mer Méditerranée changent aussi. Elles ont des conséquences sur leurs propriétés et leur dynamique, leurs échanges avec l'atmosphère et sur les écosystèmes marins et leurs habitats. Lors de l'intervention de Carlos M. Duarte, Professeur à l'Université le Roi Abdullah des Sciences et Technologie d'Arabie Saoudite a animé une conférence sur «le rôle des océans et des mers dans la régulation du climat et réponse des écosystèmes marins au changement climatique», nous avons appris que ce phénomène d'élévation du niveau de la mer a déjà fait l'objet d'une centaine d'études y compris sur l'Atlantique. Selon le conférencier, «si rien n'est fait d'ici 2025, les pêcheurs Marocains devront se déplacer chaque année un peu plus vers le Nord pour trouver les proies qu'ils convoitent».