La mise en place de dispositif d'éducation financière au Maroc commence à donner ses premiers fruits. Le taux de validation des connaissances chez les élèves est très élevé et les programmes s'étendent pour toucher de nouvelles cibles. Grâce aux efforts déployés par la Fondation marocaine pour l'éducation financière (FMEF) -depuis sa création en 2013- l'éducation financière a investi quatre cibles disparates : les élèves, les artisans, les analphabètes et les agriculteurs. Il n'en demeure cependant pas moins que les Marocains sont parmi les moins doués pour gérer leurs finances au quotidien, souligne la directrice exécutive de la Fondation, Nezha Saadani. Plus encore, ils n'épargnent pas volontairement pour la retraite, ni ne constituent une petite épargne pour les urgences et pour faire aux autres «coups durs» de la vie. Pour tenter de rectifier le tir, plus de 300.000 élèves (depuis 2012) ont bénéficié du programme d'éducation financière déployé lors de la semaine de l'éducation financière, dans le cadre de la coopération avec le ministère de l'Education nationale et de la formation professionnelle. Dans ce lot de bénéficiares, les filles représentent entre 45% et 50% selon les années, indiquent les porteurs du projet. Par ailleurs, l'évaluation, après chaque semaine organisée, fait ressortir un taux d'assimilation dépassant les 80%. La finance s'invite dans les programmes scolaires Le célèbre entrepreneur américain, auteur du bestseller «Père riche, père pauvre», Robert Kiyosaki, déplorait l'absence de programme dans le système éducatif en déclarant aux médias américains que «les qualifications professionnelles sont nécessaires pour réussir dans la vie de même que l'éducation financière. Le problème c'est que le système scolaire oublie d'enseigner cette dernière». Le ministère de l'Education financière entend remédier à cette problématique en préparant un cadre de référence des apprentissages en matière d'éducation financière avec, à la carte, 55 minutes par semaine dispensées aux élèves des 5e et 6e du primaire. Il s'agira de mettre à disposition un livret scolaire et un guide du professeur. Cette démarche est, pour l'heure, en phase pilote dans la région de Rabat-Salé-Kénitra. Ainsi lors de l'année scolaire 2015-2016, ce sont 4.000 élèves dans 180 écoles qui ont profité de cette formation. Pour l'année scolaire en cours, l'expérience est élargie pour toucher 766 écoles et 76.389 élèves. L'objectif in fine est de l'élargir à tout le royaume et d'inclure l'éducation financière dans le nouveau programme éducatif que le ministère compte élaborer dans le cadre de la mise en œuvre de la Vision stratégique 2015-2030. À juste titre, le ministre de l'Education nationale et de la formation professionnelle, Rachid Belmokhtar, a affirmé que «l'intégration de l'éducation financière dans les cursus scolaires est devenue désormais une nécessité pressante pour être en phase des recommandations nationales et onusiennes prises dans ce sens», précisant par ailleurs que les Marocains luttent, d'une certaine façon, pour la gestion de leur argent. Chez les artisans aussi Du côté du secteur de l'artisanat, Mohammed Msselek, secrétaire général du ministère de l'Artisanat, de l'économie sociale et solidaire a insisté sur l'importance de l'éducation financière pour les artisans. En effet, si le secteur compte 2,3 millions d'artisans dont 1,1 million d'art et de production et 1,2 million de services, 80% parmi eux ne sont pas issus de l'éducation formelle et 15% recourent au financement, dont 30% auprès des familles. Par ailleurs, quand bien même le secteur génère 83 MMDH de chiffre d'affaires par an, «l'artisan ne savait pas se comporter avec le financement. Le ministère recevait beaucoup de plaintes à ce sujet. Désormais, dès réception de ce genre de plaintes nous inscrivons le plaignant dans un cycle de formation continue d'éducation financière et il règle le problème par lui-même», explique Msselek. À ce jour, 80 formateurs relevant du ministère de l'Artisanat ont été formés à l'éducation financière permettant la formation de 1.577 artisans et 2.400 apprenti-artisans, lors de l'année scolaire 2015-2016. Pour cette année en cours, il est prévu de former pas moins de 2.600 apprenti-artisans. Pour la ministre de l'Artisanat, de l'économie sociale et solidaire, Fatema Marouane, «l'éducation financière est un outil pour établir une relation de confiance entre les artisans et les institutions financières», leur permettant ainsi d'accéder au financement structuré et développer leurs entreprises. Crédit Agricole du Maroc au chevet des agriculteurs Dans le domaine agricole, c'est la banque Crédit Agricole du Maroc qui prend en charge le chantier de l'éducation financière, ciblant 10.000 agriculteurs qui ne sont pas bancables ni éligibles au microcrédit mais se situent entre les deux. D'après Jamal Eddine Jamali, secrétaire général du groupe Crédit Agricole du Maroc, il s'agit là d'un projet pilote d'éducation financière avec à la clé une adaptation au secteur. En effet, Jamali a expliqué que 40% des agriculteurs vivent d'autres activités. Une bonne partie se basant sur une culture vivrière avec de l'élevage et que certaines de ces activités peuvent être déficitaires sur certaines de ces activités mais bénéficiaires sur d'autres. La formation permettra à ces agriculteurs à assurer un équilibrage de leurs budgets en fonction des activités exercées et des décalages y afférents. Dans un premier temps le programme ciblera 1.500 agriculteurs pour s'étendre à 10.000 agriculteurs dans les deux années à venir. Or, la population est encore plus grande parmi le 1,5 million exploitations agricoles que compte le royaume, seules 10 à 15% sont bancables ou bancarisées. Ce qui pousse Jamali à lancer un appel aux autorités et à toute entité souhaitant collaborer avec le Crédit Agricole pour élargir la cible de l'éducation financière en capitalisant sur l'expérience et l'expertise de la banque. La lutte contre l'analphabétisme financier Dans ses actions, l'Agence nationale de lutte contre l'analphabétisme a introduit un programme d'éducation financière au profit des bénéficiaires du second niveau d'alphabétisation baptisé post alpha -après un premier niveau dit alpha- qui permet d'assurer une autonomie au bénéficiaire. À ce jour, l'agence a formé 35 formateurs d'alphabétiseurs et 554 alphabétiseurs au programme de l'éducation financière. Actuellement en deuxième année de cette démarche, l'agence vise à former l'ensemble de ses formateurs (200) et de ses alphabétiseurs (4.000) pour toucher in fine 120.000 bénéficiaires. L'université est également un partenariat pour la FMEF afin de faire évoluer l'ingénierie pédagogique du milieu académique vers une intégration de l'éducation financière et vers une diplomation (licences, masters et doctorats) a précisé Driss Mansouri, président de l'Université Hassan II. Le Maroc pionnier dans le monde arabe Les initiatives et programmes dédiés à l'éducation financière, déployés au niveau régional et dans les pays arabes dépassent désormais les 100. Ces programmes ont eu pour objectif le renforcement de la «conscience» financière chez les jeunes, les enfants, les femmes et récemment les réfugiés. De même, un bon nombre de ces initiatives a concerné les projets de PME et TPE. Selon Abdulrahman A. Al Hamidy, directeur général et président du Conseil d'administration du Fonds monétaire arabe (FMA), le Maroc avec près de 20 programmes locaux, s'accapare la première place en termes de nombre, dans la région. Le directeur général du FMA a aussi félicité les efforts du Maroc «qui a élaboré une stratégie nationale pour l'éducation financière et a créé la Fondation marocaine de l'éducation financière». En plus du Maroc, d'autres pays arabes se sont penchés sur l'élaboration de stratégies et de programmes nationaux inclusifs pour l'éducation financière comme la Jordanie, la Palestine, le Qatar, le Liban ou encore l'Egypte.